Les scientifiques tirent le signal d'alarme : la biodiversité est dans le rouge !
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Publié le 26-04-2019 à 16h47 - Mis à jour le 10-07-2019 à 16h55
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L’Ipbes va publier son premier rapport d’évaluation mondiale sur l’état de la biodiversité. Il tire le signal d’alarme.
Plus d’une centaine de scientifiques et les représentants de 132 gouvernements se réuniront la semaine prochaine à Paris pour dresser l’état des lieux de la biodiversité planétaire, à l’occasion de la 7e réunion plénière de l’Ipbes (la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques). Ils doivent s’accorder sur un "résumé à l’intention des décideurs" qui sera rendu public le 6 mai. Coordinatrice de la plate-forme belge pour la biodiversité, la biologiste Hilde Eggermont représentera notre pays à cette réunion.
Il existe déjà énormément d’études concernant l’état de la biodiversité. Quelle sera la plus-value de ce rapport ?
Il comporte quelques éléments innovants. D’abord, c’est la première évaluation globale de l’état de la biodiversité depuis 2005. Plus de 15 000 études ont été passées en revue par 150 experts issus d’une cinquantaine de pays, c’est un travail qui a duré trois ans. Il s’appuie en outre tant sur l’expertise dans le domaine des sciences naturelles et des sciences sociales que sur les savoirs locaux et les connaissances des populations indigènes.
Ensuite, il s’agit dorénavant d’un processus intergouvernemental. Cela signifie que ce rapport va être avalisé par les gouvernements. C’est la première fois que cela arrive. Nous espérons que cela va lui donner du poids politiquement et que cela aura le même impact que le travail du Giec pour le climat.
L’Ipbes n’a pas de rôle prescriptif, il ne fait que des recommandations, mais c’est important dans la perspective des négociations en cours dans le cadre de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique (CBD), qui ont pour objectif d’aboutir à un "New deal pour la nature" en 2020. Cela ouvre la porte à la mise en place de certaines obligations pour mettre fin à l’érosion de la biodiversité.
Y suggérera-t-on des objectifs chiffrés, comme c’est le cas pour le climat ?
Beaucoup aimeraient que l’on ait un objectif du genre "1,5 degré", mais pour la biodiversité c’est compliqué car les choses sont très complexes à mesurer. Nous espérons que l’on retiendra l’objectif de "no net loss" pour la stratégie post-2020, cela signifie l’arrêt de l’extinction des espèces d’ici la fin de la prochaine décennie.
L’enjeu que constitue l’érosion de la biodiversité est-il encore sous-estimé aujourd’hui ?
Au niveau des gouvernements, on réalise que nous sommes face à un gros problème. Mais ils sous-estiment peut-être encore les impacts que cela aura sur la société. Il faut encore augmenter la prise de conscience et la compréhension de ces implications pour notre santé, notre bien-être, la qualité de vie et pour nos économies.
Quelle est la principale cause de ce déclin à l’échelle mondiale ?
La plus importante est liée au changement d’affectation des sols. Mais il y a aussi d’autres facteurs. Climat et biodiversité sont les deux revers d’une même médaille. Les changements climatiques impactent la biodiversité, mais la biodiversité influence également le climat. Et ils sont liés aux mêmes causes. On doit donc s’attaquer en même temps à ces deux phénomènes. La biodiversité est aussi une source de solutions pour s’adapter aux bouleversements climatiques et réduire nos émissions de gaz à effet de serre.
Une partie du problème est liée au paradigme économique actuel, qui repose sur une exploitation insoutenable des ressources naturelles. On va devoir mettre des limites à cette exploitation, les gens doivent changer leurs modes de consommation. Nous devrions également doubler, voire tripler les aires protégées dans le monde, qui représentent actuellement une dizaine de pourcents de la planète.
Ce travail réalisé par les scientifiques est l’objet d’une négociation politique. N’y a-t-il pas un risque que les conclusions du rapport soient amoindries ?
Je suis assez confiante dans le fait que l’intégrité du rapport n’est pas menacée. Le processus de révision par les pairs repose sur des bases transparentes et très solides. Il y aura des négociations politiques en plénière, mais les scientifiques seront présents et dialogueront avec les décideurs politiques. S’ils veulent biffer certaines mentions, nous pouvons intervenir et nous sommes stricts sur les faits. J’ai été positivement surprise de voir comment ce système fonctionnait l’an dernier.