Une designer franco-belge a développé des champignons capables de manger les mégots de cigarettes

Co-lauréate du Move Up festival de Dour, la designer franco-belge Audrey Speyer a développé des champignons vivants capables d’avaler les mégots de cigarettes.

Claire-Marie Luttun (st.)
Une designer franco-belge a développé des champignons capables de manger vos mégots de cigarettes
©Tomáš Libertíny

Inventé par une designer franco-belge, un champignon est capable de dépolluer les mégots de cigarettes.

L’idée d'utiliser le champignon est née il y a trois ans, alors qu'Audrey Speyer étudiait les matériaux innovants à Londres. Pour son projet de fin d’études, elle met au point un système naturel de dépollution qui repose sur l’action du mycélium, la partie végétative du champignon. Après des premiers essais difficiles sur des grands terrains pollués, la jeune femme décide d'adapter son idée à une pollution plus concentrée : "J'ai lu beaucoup d'articles scientifiques sur les filtres des cigarettes et la pollution qu'ils génèrent. Rien que pour dépolluer un mégot, il faut 500 litres d'eau." C'est ainsi qu'Audrey Speyer développe le concept de cendrier et fonde la start-up PuriFungi.

Afin de produire cette culture vivante, la jeune femme stocke dans sa cave et sur sa terrasse un substrat de pailles et de copeaux de bois, où le mycélium se développe. Il va alors sécréter certaines enzymes capables de dégrader la cellulose et la lignine, des composants essentiels dans les plantes. Les mégots étant en partie composés de cette même cellulose, ils se font peu à peu recouvrir par le champignon et se désagrègent en deux mois, selon Audrey Speyer.

Pour Stéphane Declerck, professeur à la faculté des bio-ingénieurs de l'UCLouvain, ce système de cendrier représente une technologie originale basée sur la capacité des champignons à dégrader des composés organiques. Cette capacité est déjà utilisée pour la dégradation d'hydrocarbures dans une technologie appelée mycoremédiation. "Les champignons qui se développent sur les troncs d'arbres, par exemple, se nourrissent du bois composé de cellulose et de lignine, en sécrétant des enzymes lytiques. Donc selon les espèces fongiques, les mégots peuvent être partiellement ou totalement dégradés", explique le professeur.

La fondatrice de PuriFungi, Audrey Speyer teste le cendrier.
La fondatrice de PuriFungi, Audrey Speyer teste le cendrier. ©Tomáš Libertíny

Ce nouveau biomatériau est très prometteur selon la designer : "Certains scientifiques s'accordent à dire qu'il remplacera bientôt le plastique et le polystyrène. Lorsqu'on achètera quelque chose, on pourra jeter son emballage dans le jardin, et ça restructurera le sol", imagine-t-elle. Des capteurs sont installés pour mesurer la croissance de la culture, qui attire les insectes et les oiseaux : "Tout le système de vie est ainsi recréé, donc c'est n'est pas de la consommation mais de la restructuration du vivant. C'est l'inverse de l'obsolescence programmée", ajoute la jeune femme.

Récompensée à Dour

Les 11, 12 et 13 juillet, elle participe au Move Up festival, un événement créé en marge du Dour festival par l'accélérateur de start-up wallon Digital Attraxion. A l'issue de ces trois jours, deux projets sont récompensés : la poubelle intelligente Neurogreen et le cendrier d'Audrey Speyer. Les lauréats reçoivent alors un coaching pour perfectionner le système avant de l'expérimenter au festival Cabaret Vert, partenaire du Move Up de Dour. "Dans les festivals, la pollution est concentrée, manipulable, donc c’est plus facile pour canaliser le déchet. Et comme le cendrier interpelle, les gens seront sans doute plus attentifs pour y écraser leurs cigarettes", explique la designer.

Un test PuriFungi sur sol contaminé.
Un test PuriFungi sur sol contaminé. ©PuriFungi page Facebook

A terme, Audrey Speyer imagine la mise en place d'un service de gestion des mégots : des professionnels, comme des entreprises ou des restaurants, pourraient louer les cendriers. "On viendrait fréquemment récupérer les cendriers et les ramener au centre de culture, pour l'accroître. Mais pour les restaurants il faudra encore travailler sur l'odeur, qui n'est pas très agréable", indique-t-elle. La jeune femme va s'installer prochainement dans un laboratoire de recherche sur les champignons à Bruxelles, où l'installation d'un cendrier de rue à proximité est bientôt prévue. "C'est génial de pouvoir rendre accessibles ces innovations scientifiques, et ça donne de l’espoir aussi de réussir à faire quelque chose avec un produit aussi néfaste que les mégots. Je reçois beaucoup de messages sur ma page Facebook, des personnes se renseignent pour savoir comment on pourrait intégrer le cendrier dans des lieux publics. Ces échanges me donnent beaucoup de motivation et l'idée se développe très rapidement", conclut la designer.

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