Se reproduire: le but ultime de toutes les espèces animales pour lequel tous les coups sont permis
Dans le monde animal, in fine, tout se ramène à la reproduction. Le but est de maximiser celle-ci. Il n’y a vraiment que l’homme qui fait des choses contraires à sa survie ou à sa reproduction”, explique François Verheggen, professeur de zoologie à Gembloux Agro-Bio Tech. Une “obsession” qui se traduit par de multiples stratégies ayant pour objectif de permettre aux animaux concernés de perpétuer leur lignée. “ Chez les mammifères, par exemple, la femelle est une ressource limitée, poursuit le biologiste. D’abord parce qu’elle produit peu d’ovules, contrairement au mâle qui produit beaucoup de spermatozoïdes en continu. Ensuite parce qu’elle s’occupe des jeunes durant de longues périodes. Du coup, les mâles ont développé toute une série de comportements qui doivent leur permettre de devenir l’élu, ce qui conduit souvent les dominants à s’adjuger toutes les femelles.”
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- Publié le 21-08-2019 à 10h52
- Mis à jour le 21-08-2019 à 10h55
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Le but ultime de toutes les espèces animales est d’assurer leur perpétuation. Pour y arriver, elles ont développé diverses stratégies de séduction, mais aussi des méthodes plus pernicieuses. La sauvegarde des petits est également un enjeu majeur. Quitte à en sacrifier quelques-uns.
"Dans le monde animal, in fine, tout se ramène à la reproduction. Le but est de maximiser celle-ci. Il n’y a vraiment que l’homme qui fait des choses contraires à sa survie ou à sa reproduction”, explique François Verheggen, professeur de zoologie à Gembloux Agro-Bio Tech. Une “obsession” qui se traduit par de multiples stratégies ayant pour objectif de permettre aux animaux concernés de perpétuer leur lignée.
“Chez les mammifères, par exemple, la femelle est une ressource limitée, poursuit le biologiste. D’abord parce qu’elle produit peu d’ovules, contrairement au mâle qui produit beaucoup de spermatozoïdes en continu. Ensuite parce qu’elle s’occupe des jeunes durant de longues périodes. Du coup, les mâles ont développé toute une série de comportements qui doivent leur permettre de devenir l’élu, ce qui conduit souvent les dominants à s’adjuger toutes les femelles.”
L’une des stratégies de séduction les plus courantes – qui n’est pas propre aux seuls mammifères, ni d’ailleurs au monde animal… – consiste à “faire le beau” pour tenter de séduire la partenaire convoitée. C’est notamment le cas du lion qui expose une crinière luxuriante, du paon qui déploie une éblouissante parure de plumes caudales ou du colibri de Costa qui exhibe un impressionnant masque mauve en exécutant de spectaculaires figures de voltige aérienne.
Ces manifestations amoureuses reposent souvent sur des éléments visuels, comme la mise en évidence de jolies couleurs ou des démonstrations de force. Les combats de cerfs à l’automne, sont une illustration de cet exercice qui a pour but de permettre à un mâle “d’affirmer sa primauté sur un harem”, observe le scientifique.
Et, même s’il peut y avoir des accidents, il s’agit avant tout de “rituels” par lesquels un mâle fait comprendre à l’autre qu’il doit céder la place. “Un serpent à sonnette pourrait mettre un rival à mort car ils ne sont pas immunisés contre leur propre venin. Ils ne le font pourtant jamais dans les combats entre mâles car ce serait mauvais pour l’espèce.”
Sexe contre nourriture
Mais d’autres espèces se livrent à des approches plus subtiles, poursuit François Verheggen. “Il y a tout d’abord ce que j’appelle des stratégies pré-copulatoires. Chez certains animaux, cela peut se manifester par des offrandes. Le mécoptère – un insecte, NdlR – propose ainsi de la nourriture à la femelle, une mouche par exemple. Et plus la proie offerte est importante, plus les chances de reproduction sont grandes car la femelle va mettre du temps à la consommer, ce qui laisse au mâle plus de temps pour s’accoupler. Une femelle peut en effet avoir plusieurs partenaires et c’est souvent le mâle qui lui aura transmis le plus de spermatozoïdes qui sera le géniteur final.”
Plus la durée de la copulation est longue, plus ce dernier a donc de chance de décrocher la timbale.
Toujours avec le même objectif, d’autres mettent pour leur part en œuvre des stratégies post-copulatoires. “Chez certains insectes, une fois que l’accouplement a eu lieu, le mâle peut rester collé à la femelle 24 ou 48 heures si nécessaire”, raconte notre interlocuteur. De cette manière, ses spermatozoïdes disposent d’un temps confortable pour féconder les ovules avant qu’un autre prétendant ne se présente.
“Et chez d’autres espèces encore, les mâles disposent d’organes sexuels qui fonctionnent comme des brosses avec lesquelles ils vont racler le tractus génital de la femelle pour en extraire le sperme des mâles précédents.” Quand la durée de votre existence se limite à deux ou trois semaines, tous les coups sont permis dans la course à la vie…
Dans le registre des entourloupes, on peut entre autres citer le cas de ces moustiques qui couvrent la femelle d’une odeur anti-aphrodisiaque afin de décourager leurs rivaux, ou d’autres insectes qui vont lui injecter des substances réduisant son appétence sexuelle.
Protéger les jeunes
Au-delà de l’acte sexuel, l’enjeu de la survie des jeunes après la naissance est également un élément fondamental qui amène les animaux à développer des comportements qui peuvent sembler contradictoires au premier abord, décrit encore le Pr Verheggen.
C’est notamment le cas des mouettes rieuses. “On a pu observer que celles-ci récupéraient les coquilles des œufs vides une fois les poussins éclos pour aller les jeter à l’écart du nid. C’est a priori étrange car en procédant de la sorte, elles laissent les jeunes seuls à la merci des prédateurs. Des scientifiques ont essayé de comprendre la raison de ce comportement. Ils se sont rendu compte que si l’extérieur tacheté des coquilles constituait une forme de camouflage dans le nid, l’intérieur de celles-ci, qui est blanc, offrait un point de repère aux prédateurs.” Une fois les œufs éclos, les corneilles utilisent en effet ces coquilles pour repérer les nids où se trouvent des poussins. Pour ne pas attirer ces prédateurs, les mouettes ont donc tout intérêt à s’en débarrasser.
L’ornithologue néerlandais Nikolaas Tinbergen – considéré comme l’un des pères de l’éthologie animale avec Konrad Lorenz – a ainsi démontré que le nombre de nids pillés en se livrant à cette opération était moindre que si les coquilles restaient en place. Des travaux qui lui ont valu un prix Nobel.
Une ponte sacrificielle
Les colonies de mouettes présentent également la particularité de synchroniser la date de leur ponte, poursuit François Verheggen. Un comportement qui n’est une fois encore pas le fruit du hasard. “En fait, elles agissent de la sorte pour créer une surabondance de proies. Si elles pondaient un petit peu tout le temps, ce qu’elles sont physiologiquement capables de faire, la population des prédateurs aurait la capacité de grandir car elle disposerait de nourriture de façon permanente sur de longues périodes. Par contre, en pondant en très grand nombre sur une période réduite, elles donnent naissance à une forte population de jeunes que les prédateurs ne seront pas capables de manger. Synchroniser leur ponte leur permet donc de sauver une grande partie de leurs petits.” Quitte à en sacrifier une partie.
Dans le même ordre d’idées, la distance qui sépare les nids – un à deux mètres – répond également à un savant calcul. “Ce n’est ni trop près ni trop loin, résume le scientifique. Trop près, ce serait prendre le risque que la mouette du nid voisin ne mette un coup de bec sur le crâne de vos poussins. Mais trop loin, ce serait perdre le bénéfice de la vigilance collective qu’offre une population dense. Si un prédateur est repéré on peut en effet alors profiter du travail défensif du groupe.”
L’union, dit-on, fait la force.