Cent jours pour bâtir un "green new deal" belge !
La "Saison 2" des mobilisations pour le climat est annoncée. Les actions vont se multiplier jusqu’à la fin de l’année. Objectif : faire pression sur le monde politique et celui de l’entreprise. La rentrée a un goût un peu particulier pour Adélaïde Charlier. Fraîchement sortie de rhéto, la jeune figure de proue francophone du mouvement Youth for climate ne prendra pas immédiatement les chemins des auditoires universitaires car elle souhaite encore consacrer quelques mois à son engagement d’activiste climatique. Diverses actions sont en effet à l’agenda des prochaines semaines. En compagnie du président de la Coalition climat, Nicolas Van Nuffel, elle fait le point sur les mois écoulés et les nouvelles mobilisations qui s’annoncent. Avant les vacances d’été, on a pu ressentir une forme d’essoufflement de la mobilisation climatique. L’été a permis de recharger les batteries ? Adélaïde Charlier : La dernière marche a eu lieu le 24 mai, puis on est entrés en examen.
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Publié le 14-09-2019 à 17h20 - Mis à jour le 14-09-2019 à 17h23
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La "Saison 2" des mobilisations pour le climat est annoncée. Les actions vont se multiplier jusqu’à la fin de l’année. Objectif : faire pression sur le monde politique et celui de l’entreprise. La rentrée a un goût un peu particulier pour Adélaïde Charlier. Fraîchement sortie de rhéto, la jeune figure de proue francophone du mouvement Youth for climate ne prendra pas immédiatement les chemins des auditoires universitaires car elle souhaite encore consacrer quelques mois à son engagement d’activiste climatique. Diverses actions sont en effet à l’agenda des prochaines semaines. En compagnie du président de la Coalition climat, Nicolas Van Nuffel, elle fait le point sur les mois écoulés et les nouvelles mobilisations qui s’annoncent.
Avant les vacances d’été, on a pu ressentir une forme d’essoufflement de la mobilisation climatique. L’été a permis de recharger les batteries ?
Adélaïde Charlier : La dernière marche a eu lieu le 24 mai, puis on est entrés en examen. Dans Youth for climate et je pense dans les différents mouvements pour le climat, il n’y a pas du tout eu d’essoufflement. Avec les marches hebdomadaires, tout s’est passé très très vite durant ces six mois. Cet été, on a pu se mettre autour d’une table et discuter pour remettre tout à plat et aplanir certains désaccords. Nous partageons le même objectif de changement de la société, même si nous avons des idées différentes sur la façon de mener cette transition. Mais on veut avancer ensemble. On a pris le temps de se poser, de faire le point afin de voir comment on allait continuer à agir en renforçant les coalitions avec les autres associations pro-climat et comment ensemble nous pourrions être beaucoup plus forts en structurant un peu les choses.
On est donc prêts pour la "Saison 2" qui débute le 20 septembre. Il y aura une grande marche à l’occasion de la troisième grève mondiale pour le climat, juste avant la réunion de l’Onu qui se déroule à New York le lundi 23. Puis une semaine de mobilisation jusqu’au 27 septembre à l’appel de Greta Thunberg, qui est suivie dans presque 120 pays. Ensuite nous mènerons diverses formes d’actions toutes les semaines, avec parfois d’autres organisations, qui vont continuer jusqu’à la COP 25 fin décembre au Chili.
On veut continuer à travailler sur trois piliers : maintenir la pression sur le politique, créer une pression vers l’industrie et ensuite travailler sur l’éducation. Il faut faire comprendre pourquoi il est important de descendre dans la rue pour porter ce message d’urgence et de continuer à se battre. Notre but est de toucher un maximum de jeunes, ce qui reste notre priorité, et un maximum de citoyens.
Nicolas Van Nuffel : la Coalition climat, qui représente la société civile organisée historique, a en effet beaucoup travaillé cet été à la mise en articulation de tous les mouvements spontanés que l’on a vu apparaître : workers for climate, civil servant for climate, scientists for climate… C’était un gros boulot avec pour objectif d’être le plus efficace possible à la rentrée. Derrière cela, le cœur de notre travail reste de transformer ces mobilisations préélectorales et d’influencer au maximum les déclarations gouvernementales. On s’est attaché à parler avec les négociateurs à Bruxelles et en Wallonie. On a aussi essayé de faire un petit peu entendre notre voix en Flandre et au fédéral.
Que pensez-vous des intentions affichées par les nouveaux gouvernements wallons et bruxellois ?
N.V.N : Le niveau d’ambition climatique affiché dans les deux déclarations de politique gouvernementale est sans aucun doute supérieur à ce que l’on a pu connaître dans le passé. Et c’est, entre autres, le résultat de la mobilisation des citoyens depuis neuf mois. Les deux textes vont dans le bon sens en visant notamment la neutralité carbone en 2050. C’est quelque chose qu’il faut saluer. Mais c’est évidemment au moment où l’on verra les budgets - on sait que la situation est difficile en Wallonie - que l’on pourra juger si les choix faits sont à la hauteur de ces ambitions. On verra aussi cela dans une amélioration de la gouvernance.
En attendant, la Flandre et le fédéral doivent accélérer le pas. Il reste un peu plus de 100 jours à la Belgique pour remettre une version révisée de son Plan climat à la Commission européenne (l’échéance est le 31 décembre) ; la nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé qu’elle présenterait un grand "green new deal" au niveau européen 100 jours après son entrée en fonction. On lance le même défi à nos politiques. Il reste un peu plus de 100 jours pour faire le "green deal" belge. il nous faut un plan national qui soit à la hauteur de l’accord de Paris. Action !
A.C : Il faut effectivement voir si l’action concrète va suivre. C’est vraiment cela qui nous importe. La Wallonie a déjà affiché beaucoup d’ambitions l’an dernier, mais les experts ont montré qu’on était encore très très loin de les réaliser.
Le projet d’une loi-climat fédérale reste dans votre agenda ou vous avez abandonné l’idée ?
A.C : Non, cette loi-climat reste importante. Il faut vraiment poser un cadre dans la société belge afin de voir vers où on veut avancer.
N.V.N : Sur le fond, rien n’a changé : sans une loi spéciale climat, le mécanisme fixant ce cadre va être boiteux. Mais vu le rapport de force post-électoral au fédéral et en Flandre, cela semble difficile sous cette législature. Maintenant, la balle est dans leur camp. C’est à eux de nous prouver qu’un accord de coopération peut marcher et ne met pas dix ans à être signé, puisqu’ils nous ont dit que la loi spéciale-climat ne servait à rien.
Combien de personnes espérez-vous rassembler pour que la marche de vendredi soit un succès ?
A.C : La marche de vendredi va bien au-delà d’une mobilisation de jeunes qui ratent les cours. On espère qu’il y aura énormément de travailleurs, mais aussi des professeurs, des grands-parents… C’est aussi important pour nous d’avoir la reconnaissance des syndicats, tout comme les gilets jaunes. Derrière la justice climatique, il n’y a pas seulement une question d’environnement, il y a aussi une question sociale. Le message que l’on veut faire passer le 20 septembre est qu’il faut faire cette transition vers un monde bas carbone en incluant tout le monde.
N.V.N : Des marches avec énormément de gens, on en a eu le 2 décembre et le 27 janvier. Ce qui est essentiel ici, ce n’est pas le nombre mais de montrer que le mouvement s’installe dans la durée et dépasse cette vague climat que l’on a connue entre décembre et mai. Parce que c’était le pari de certains de dire que cela allait s’effondrer.
"Les attaques nous donnent envie de continuer"
Le mouvement Youth for climate a été la cible d’attaques assez violentes ces dernières semaines. Anuna De Wever et vous, Adélaïde, également, à titre personnel. Vous attendiez-vous à autant d’aggressivité ? Cela ne vous donne pas envie de baisser les bras ?
De l’agressivité à l’égard du mouvement et de nos personnes, on en a subi dès le jour où nous avons décidé de descendre dans la rue. Avoir des citoyens qui sont contre nous, et qui l’expriment principalement sur les réseaux sociaux, ne date donc pas de cet été.
Ce qui a été marquant, c’est d’avoir fait l’objet de violences en face-à-face lors du festival Pukkelpop où j’étais aussi présente. Cet événement a été choquant et même très humiliant. Ce fut un week-end très difficile à avaler pour le mouvement Youth for climate, mais on est passé au-dessus.
Quand on nous agresse personnellement, c’est parce que notre message est difficile à entendre. Et il l’est ! Même pour nous, c’est dur d’accepter qu’il faut aller vers cette transition. D’admettre qu’on ne peut pas rester dans le confort dans lequel on est aujourd’hui, mais qu’il faut aller vers une autre forme de confort. Il faut une réduction globale de notre consommation pour aller vers une société zéro carbone. On sait qu’il faut le faire et on doit pouvoir écouter ensemble ce message si l’on veut rendre ces changements les plus agréables possible.
Ce qui est sûr, c’est que des agressions il y en aura encore. On souhaiterait simplement que celles-ci ciblent le message que nous portons et non les personnes. Mais cela nous donne envie de continuer car on se rend compte qu’il y a encore beaucoup de personnes qui ont du mal à avaler cette réalité ou qui veulent la nier.
Nicolas Van Nuffel : Je suis assez admiratif devant cette réponse d’Adélaïde. J’ai aussi essuyé des attaques, mais il faut dire les choses telles qu’elles sont : quand l’homme blanc hétérosexuel de 41 ans que je suis est attaqué, il est toujours attaqué sur ses idées. Quand on attaque Greta Thunberg, Adélaïde ou Anuna De Wever, on s’en prend aux personnes parce que ce sont des jeunes femmes qui font entendre leur voix. Il faut absolument dénoncer cela avec la plus grande sévérité.
En menant main dans la main avec elles le combat que nous menons aujourd’hui, je prends vraiment conscience que l’on n’est pas égaux. On peut s’attaquer au message et ne pas être d’accord avec nous, mais malheureusement la science est d’accord avec nous. Nous ne sommes que les messagers du fait qu’il y a un problème. Mais je trouve inadmissible la manière dont Greta, Adelaïde et Anuna ont pu être agressées.