Nassonia, le "bébé" d'Éric Domb, dans les mains des citoyens
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Publié le 19-11-2019 à 13h29 - Mis à jour le 19-11-2019 à 17h14
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Le projet Nassonia fera appel aux citoyens afin d’alimenter la vision pour le futur de cette forêt-laboratoire. Le "bébé" d’Eric Domb doit entre autres allier tourisme, biodiversité et chasse. Ils sont trente, tirés au sort, venus pour beaucoup des communes avoisinant la forêt de Saint-Michel-Freyr, et un peu moins du reste de la Wallonie. Le projet Nassonia, partenariat public-privé entre la Fondation Pairi Daiza d’Eric Domb et la Région wallonne et visant à faire de 1 600 hectares de forêt dans la région de Saint-Hubert un laboratoire à ciel ouvert, intégrera la participation de citoyens, représentatifs de la population. C’est ce que la ministre de l’Environnement Céline Tellier (Écolo) et l’entrepreneur Eric Domb ont annoncé hier après-midi sur place.
Le contrat signé en 2018 entre la Région et la Fondation prévoyait déjà de faire une large place à la population au sein du processus de gestion. Cette "agora citoyenne" devra entre autres contribuer à la réalisation du master plan de Saint-Michel-Freyr. Les citoyens seront accompagnés dans cette démarche par l’Université de Liège. Les travaux des citoyens doivent "irriguer" le master plan et si les porteurs du projet ne reprennent pas les idées de l’Agora, ils devront solidement argumenter. Le projet Nassonia possède déjà de grandes lignes de conduite mais le master plan, à rédiger pour juin 2020, devra donner une vision de la forêt pour les 80 années à venir, avant que celle-ci ne soit soumise à la Région et traduite en plans plus concrets.
Un des premiers objectifs du projet Nassonia est de faire de cette forêt domaniale une "forêt plus libre et plus sauvage", afin de développer et de restaurer au maximum l’écosystème.
Réchauffement climatique
"Pour l’instant, rappelle la ministre Céline Tellier, les quatre essences principales qui couvrent 60 % de la forêt wallonne sont déjà menacées et montrent des signes de faiblesse face au réchauffement climatique. Il est urgent d’agir en préservant car cela permet à la nature de se régénérer et de s’adapter au changement climatique. En Wallonie, 1 % du territoire est protégé, il faudrait 3 %. Ce qui est aussi ici très inspirant dans ce projet pour la Région, c’est que cela permet de tester en situation réelle à quoi pourrait ressembler une gestion forestière de demain."
L’idée n’est cependant pas de tester de nouvelles essences susceptibles de mieux résister au changement climatique, du moins de manière large. "Ce sera très, très limité, car on est ici en Natura 2000 , et c’est très fixiste, on ne peut pas faire ce qu’on veut, précise Gérard Jadoul, le naturaliste coordonnant Nassonia. On ne pourra pas planter du cèdre de l’Atlas ! Ici, le but est de voir comment nos espèces à nous, avec une gestion plus douce de la forêt, pourraient passer le cap du réchauffement climatique."
Pour la ministre Céline Tellier, le projet Nassonia est aussi novateur parce qu’il est un laboratoire qui valorise les différentes fonctions de la forêts : "production, chasse et tourisme, ainsi que la mise sous protection d’un massif forestier de grande taille."
Un autre objectif est en effet de montrer que la protection de la biodiversité est compatible avec l’économie locale. Actuellement, les agents du département de la Nature et des forêts (DNF) de la Région wallonne exploitent et coupent du bois mais veillent à préserver au maximum la biodiversité, par exemple en maintenant les arbres morts ou les arbres d’intérêt biologique. "Pour l’instant, le master plan, c’est une page blanche, reprend Gérard Jadoul. Mais si les citoyens et mes collègues du DNF disent que ce serait vraiment enthousiasmant d’avoir la première forêt totalement naturelle, et donc qu’on ne fait plus rien - on ne plante pas, on ne coupe pas - dans ce cas, cela coupe le robinet de mon fonds financier. Cela me force à être prodigieusement créatif pour trouver d’autres manières de trouver du financement que de couper des arbres ! C’est exactement le défi auquel les bourgmestres des environs font face (NdlR : entre autres avec la sécheresse ou les scolytes qui dégradent les arbres, ce qui menace les rentrées financières liées aux coupes dans les forêts communales). Mais nous, on a le luxe de le tester." Une idée serait par exemple que les entreprises compensent leurs émissions de gaz à effet de serre en payant la préservation de la forêt.
Chasses de la Couronne
Quant à la chasse, parce que l’on se trouve ici sur les chasses de la Couronne (chasses dont nos souverains avaient les droits, rétrocédés à la Région par Baudouin) et parce qu’elle est dite de "poussée silencieuse" et donc moins dérangeante pour les animaux, elle sera maintenue. "La chasse est un très bon outil de survie des forêts, juge Gérard Jadoul. On limitera les populations, beaucoup, par les chasses de la Couronne qui sont un modèle."
Enfin, le but de Nassonia est aussi de développer un tourisme "diffus" - et non de masse - dans cette forêt propriété de la Région wallonne. L’objectif est que Saint-Michel-Freyr soit une "vitrine" mais qui "diluerait" les touristes dans le reste des massifs forestiers (100 000 hectares) du coin, et que les visiteurs soient encouragés à rester plusieurs jours dans la région. Il n’y aura pas de quotas limitant le nombre de touristes, Saint-Michel-Freyr étant un lieu public soumis au régime forestier. Mais, pour Eric Domb, il n’y a aucun risque que la forêt de Saint-Michel-Freyr soit envahie par les visiteurs : "La forêt wallonne est peu visitée par les Wallons. Elle est très souvent déserte ! L’enjeu est presque à l’opposé d’un risque de quotas. Le vrai problème, c’est qu’il y a une très grande méconnaissance des richesses extraordinaires de la forêt de Saint-Hubert. Le vrai défi, à moyen terme, c’est de ‘déprivatiser’ la forêt, qui n’est pas privée juridiquement, mais de facto, car utilisée par un petit nombre d’acteurs comme les chasseurs ou ceux qui travaillent la gestion forestière. Les citoyens, eux, connaissent peu la forêt wallonne et la pratiquent peu." Enfin, il y a bien une distinction entre le parc Pairi Daiza et la Fondation", a encore tenu à insister lundi Eric Domb. "Hors de question pour nous de retirer le moindre bénéfice financier de la forêt y compris en sous-traitance. Nous voulons juste apporter humblement notre soutien." Le DNF (Département de la Nature et des Forêts de la Région wallonne) reste titulaire de la gestion forestière. La Fondation a, elle, engagé un coordinateur de projet. Chaque partenaire garde aussi la maîtrise de son budget dans son domaine de compétences.