Où pourraient-ils s'installer? D'où viennent-ils? Les questions sur le retour des loups en Belgique
C’est une grande première en Wallonie. Après sept loups mâles repérés en Wallonie depuis 2016, on vient d’apprendre qu’une première femelle a été identifiée. L’ADN a été trouvé en janvier en plein dans le territoire d’Akéla, l’unique loup mâle installé en Wallonie.
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Publié le 02-05-2020 à 07h16 - Mis à jour le 04-05-2020 à 12h44
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C’est une grande première en Wallonie. Après sept loups mâles repérés en Wallonie depuis 2016, on vient d’apprendre qu’une première femelle a été identifiée.
L’ADN a été trouvé en janvier en plein dans le territoire d’Akéla, l’unique loup mâle installé en Wallonie. Et en général, pour qu’un couple se forme, il suffit qu’une femelle arrive, et qu’elle soit captée par un loup “résident”. “Mais les territoires sont grands, il faut que le loup ait capté la présence de la femelle, et qu’il soit dans les parages au moment où elle est passée, et inversement, il faut que la femelle ait capté le message odorant du mâle, précise le biologiste Pascal Ghiette. La probabilité est assez élevée qu’ils se soient rencontrés et qu’il y ait un couple, mais ce n’est pas une certitude.”
La saison des amours des loups ayant lieu vers février-mars-avril, la création d’un couple pourrait donc mener à des louveteaux, et donc à une meute. “Les meutes de 30 loups comme dans les films, cela n’existe pas. On doit parler de cellule familiale : le père, la mère, les rejetons de l’année (de 2 à 6) et ceux de l’année précédente qui donnent un coup de main pour nourrir les nouveaux. Après deux ans, ils sont mis dehors et vont s’installer ailleurs", précise Pascal Ghiette. A noter que d'autres échantillons (excréments) ont été prélevés dans la forêt depuis janvier, mais le confinement a empêché les analyses ADN. Les pièges photographiques n'ont pas pu non plus capter de photos de cette femelle, mais son absence peut s'expliquer : si elle est pleine, elle reste dans la tanière. Une preuve serait en revanche de pouvoir photographier Akela transportant de la nourriture dans la gueule : cela signifie qu'il nourrit la femelle.
En Flandre, la ministre de l’Environnement a de son côté annoncé que la louve Noëlla et le loup August, seuls loups “installés” en Flandre (Bourg-Léopold), attendent des petits. “Si il y a des mises bas en Flandre, quand les louveteaux seront mis dehors par leurs parents, peut-être viendront-ils en Wallonie, et rencontreront-ils les louveteaux des Hautes Fagnes, ce n’est pas loin, reprend Pascal Ghiette. Il n’y aurait pas de consanguinité et ces deux groupes de louveteaux pourraient alors former de nouvelles meutes en Wallonie.” La Flandre apparaît moins riche en territoires adaptés mais les louveteaux, plutôt que se diriger vers la Wallonie, pourraient cela dit aussi repartir vers les Pays-Bas ou Allemagne, voire aller en France. “Ce qui est sûr c’est qu’à partir du moment ou il y a des meutes et des louveteaux, la population de loups va probablement croître de manière exponentielle.”
Combien le pays pourrait-il en accueillir ?
Les scientifiques, de manière grossière, tablent pour l’ensemble du pays, sur un maximum d’une vingtaine de meutes (cellule familiale, en moyenne 5 individus en Europe) dont une quinzaine en Wallonie.
En fait, ce sont les loups eux-mêmes qui vont déterminer la limite de leur population belge, en fonction du gibier disponible et de la limite de dérangement.Si il ne trouve pas assez à manger ou est trop dérangé, il poursuivra son voyage plus loin.
Où pourraient-ils s’installer ?
Le loup n’a a priori pas de limites géographiques, mais a donc besoin d’une certaine densité de gibier pour se nourrir, et de calme, en particulier pour la tanière de la louve. Les régions les plus propices à son installation sont donc tout le massif ardennais ainsi que peut-être une petite partie de l’entre-Sambre-et-Meuse.
Difficile d'imaginer une installation du loup dans le Brabant wallon, par exemple. Pourquoi ? Car la quantité de nourriture n'est pas suffisante. Un loup mange en moyenne l'équivalent de 20 biches par an. "Il n’ y pas de biches ou de cerfs dans le Brabant wallon. Il n’y a que des chevreuils et c’est quatre fois plus petit. Il faudrait 80 chevreuils pour nourrir un seul loup. Il n’y a pas beaucoup d’endroit dans le Brabant wallon où on peut garantir 80 chevreuils par an”, souligne Pascal Ghiette. Même raisonnement pour la forêt de Soignes. En revanche, dans le Hainaut, les grandes forêts frontalières avec la France pourraient accueillir le loup. Cinq loups ont déjà été repérés dans les Hautes-Fagnes. Un seul s'est installé de manière permanente.
Combien de loups y a-t-il en Wallonie ?
Les scientifiques font la différence entre les loups installés, dont la présence est prouvée dans une région durant plusieurs mois et la dizaine d'autres, considérés en quelque sorte de passage (voir infographie). Les experts allemands considèrent qu’il faut six mois de séjour minimum pour qu’un loup soit installé, les experts français, un an. En Flandre, August est considéré comme installé. La femme est elle présente depuis Noël. En Wallonie, on considère qu'il y a un loup installé, Akela, sur le plateau des Hautes-Fagnes. Le statut du loup d'Ebly est plus incertain. "On se pose la question pour le loup d’Ebly, du côté de Libramont, indique Pascal Ghiette. On n’a plus de nouvelles de lui depuis un certain temps. Il est arrivé au mois d’août 2019. S’il réapparaît, il sera considéré comme installé, s’il n’apparaît pas, c’est qu’il est parti plus loin. Il a aussi pu être braconné, ou a pu être écrasé par une voiture sur une route, ce qui est la première cause de mortalité chez le loup. Chez nous, c’est très risqué de ce côté-là. Par exemple, Akela, quand il part chasser, traverse très régulièrement des grands routes."

D'où viennent les loups qui arrivent en Wallonie ?
La comparaison avec les banques de données génétiques allemandes a uniquement montré, qu’au printemps 2018, Akela avait été détecté en Allemagne, à une centaine de kilomètres au nord des Hautes-Fagnes. Les loups qui arrivent en Wallonie sont venus par l’Allemagne et la France. Ils y sont probablement nés mais on ne peut en être certain. Un loup peut parfois parcourir des centaines, voire des milliers de kilomètres avant de s’installer quelque part.Grâce au collier émetteur qu’elle portait, on sait que la louve Naya a parcouru plus de 500 km entre son terrier natal en Poméranie et le Limbourg belge où elle a établi son territoire.
Qu'est-ce qui a permis le retour du loup en Europe ?
Avec la présence de meutes en Belgique, le loup retrouverait sa place du 18e siècle, mais sans doute avec une population moindre, puisqu’à l’époque on trouvait certainement des meutes en Brabant et Hainaut. En effet, si le loup a disparu, c’est le résultat d’une extermination directe par l’homme à partir de la Renaissance et non d’une pression sur son territoire. Il était jusque là le carnivore le plus répandu de l’hémisphère nord. C’est en fait sa protection légale au niveau européen qui a permis son retour. Et si les visites des loups se font de plus en plus fréquentes ces derniers mois (voir infographie) en Belgique, ce n’est pas un hasard : “Nous sommes entourés de pays où le loup est bien présent et en pleine expansion. C’est le surplus de population en Allemagne et en France qui arrive chez nous. C’est un phénomène naturel d’expansion de population qui va continuer. Et la population belge ne va cesser de croître", explique Pascal Ghiette.
A partir du moment ou le loup a été protégé, à partir des noyaux où il avait subsisté ( les loups s’étaient réfugiés dans des lieux les plus inhospitaliers à l’être humain comme la haute montagne ou les forêts épaisses de l’Europe de l’Est - c'est pour cette raison que l'on parle de lignée génétique germano-polonaise, scandinave, italo-alpine ou encore espagnole) il a commencé à réoccuper ses anciens territoires. "Il y a des gens qui sont toujours persuadés du contraire mais le retour du loup n’est absolument pas dû à une réintroduction volontaire. Il suffit de voir Naya, on l’a suivi de son terrier natal jusqu’en Flandre. Personne ne l’a amenée, elle est venue toute seule. Ces animaux se déplacent sur de grands territoires. Pour cette espèce-là, c’est tout à fait normal de réapparaître subitement, sur un territoire où il n’y a plus eu de loup depuis cent ans, si le territoire le plus proche est à 200 km."
Quel est le système le plus efficace en Wallonie pour protéger les élevages de moutons du loup ?
"Il n'y a aucune mesure qui marche à 100 %, comme les Français nous l'ont fait savoir, répond Pascal Ghiette. Ce qui paraît le plus efficace pour l'instant, pour le genre de troupeau que nous avons en Walloni est le Turbo Fladry. Il s'agit d'un câble dans lequel il y a de l'électricité qui circule et le long duquel sont pendues des banderoles colorées, tous les 50 cm et qui volent avec le vent. Donc, s'il essaye de passer, le loup reçoit une décharge. On ne peut cependant pas garantir à 100 % que le loup ne passera pas.
Les chiens de bergers, "cela peut être efficace, mais c'est difficilement transposable chez nous, car on a de tout petits troupeaux, quelques animaux installés dans un petite parcelle. Ces moutons restent deux semaines à un endroit, et puis vont bouger d'endroit. Donc le patou doit chaque fois changer de lieu, ce n'est pas l'idéal. Et en général, ces moutons sont répartis sur plusieurs pâtures en même temps, donc il faudrait plusieurs patous. Cette constatation vaut autant pour les particuliers que pour les professionnels. Cela coûterait beaucoup trop cher, le jeu n'en vaudrait pas la chandelle.
Quant aux chiens "non bergers", il faudrait que le chien choisi ait "le poids le caractère et la force nécessaire pour se battre contre un loup, il n'y a pas beaucoup de races qui correspondent à cela. Les patous ont été sélectionnés pour se battre contre les ours, au départ, et contre le loup. Cela peut être autre chose qu'un patou, mais il faut que ces conditions soient réunies".