Rémunérer les agriculteurs qui stockent du CO2 pour stimuler les pratiques durables
L’agriculture est à la fois pointée du doigt pour ses émissions de gaz à effet de serre et victime des impacts du réchauffement. Elle fait pourtant partie de la solution, avance Soil Capital. Qui propose un système pour stimuler les pratiques durables.
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Publié le 24-09-2020 à 14h37
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Rémunérer les agriculteurs qui contribuent à la lutte contre le réchauffement climatique en captant et en stockant du CO2 dans la végétation et les sols, l’idée circule depuis de nombreuses années. Longtemps restée théorique, cette approche commence à faire l’objet d’initiatives concrètes, comme l’illustre le projet présenté mercredi par l’entreprise belge Soil Capital.
Créée en 2013 par l’agriculteur Nicolas Verschuere et son associé Chuck de Liedekerke, Soil Capital est une société de conseil indépendante qui s’est donné pour ambition de diffuser le plus largement possible les pratiques de "l’agriculture régénérative" en Belgique et à l’étranger. Semblable aux principes promus en agroécologie, celle-ci vise à restaurer la fertilité des sols en limitant au maximum le recours aux intrants chimiques, en minimisant le labour, en intégrant de la diversité dans les cultures (à rebours des monocultures actuelles) ou encore en assurant un couvert végétal quasi permanent des sols. Une stratégie qui repose sur plusieurs piliers donc, et qui s’appuie à chaque fois sur les ressources présentes sur la parcelle concernée au lieu d’essayer de "forcer" la nature.
Outre les bénéfices qu’elle apporte en termes de biodiversité et de lutte contre l’érosion, cette manière de travailler permet de réduire les émissions de CO2 tout en accroissant la séquestration de carbone par rapport à l’agriculture conventionnelle. Et elle est rentable pour l’exploitant, insistent les deux fondateurs de Soil Capital, qui ont la conviction que les agriculteurs peuvent vivre dignement de leur travail sans avoir à choisir entre environnement et rentabilité.
Un bilan de carbone et un plan de gestion
Pour accélérer cette transition agroécologique à grande échelle, Nicolas Verschuere et Chuck de Liedekerke ont décidé de s’attaquer à l’un des freins à cette conversion : le manque d’incitant financier. Avec le projet Soil Capital Carbon, ils proposent aux agriculteurs qui franchiront le pas de percevoir une rémunération sonnante et trébuchante pour chaque tonne de CO2 économisée ou stockée durablement.
L’agriculteur qui adhère à ce programme (l’inscription annuelle se monte à 980 €) bénéficie tout d’abord d’un diagnostic complet de son exploitation qui permet d’établir son "bilan carbone". Une évaluation réalisée en se basant sur les outils de mesure élaborés par une série d’universités dans le cadre du Cool Farm Tool (une initiative en faveur de l’agriculture durable financée par une série de grandes entreprises : ABInbev, Bayer, Danone…) qui fait aujourd’hui référence, souligne M.Verschuere.
Partant de ce bilan, un plan de gestion des actions permettant d’améliorer à la fois l’impact environnemental de la ferme et sa rentabilité est élaboré. L’agriculteur s’engage à respecter celui-ci et bénéficie de l’accompagnement de Soil Capital pendant les cinq années que dure le programme. Un audit annuel indépendant permet de suivre avec précision les progrès enregistrés et de s’assurer que les changements convenus sont bien mis en œuvre.
Des certificats vendus aux entreprises
En contrepartie de ces efforts, l’agriculteur recevra chaque année des "certificats carbone" (certifiés par la norme Iso) équivalant aux tonnes de gaz à effet de serre qui n’ont pas été relâchées dans l’atmosphère. Ces certificats sont ensuite vendus par l’intermédiaire de la société South Pole à des entreprises. Le groupe Cargill figure ainsi parmi les premiers partenaires du Soil Capital Carbon, tout comme la société belge IBA - qui a développé la protonthérapie. Précision utile : ces entreprises ne pourront ni revendre ces certificats sur le marché des "droits de polluer", ni les créditer dans leur propre bilan carbone. Il s’agit avant tout de soutenir le développement d’une agriculture durable et résiliente, souligne Chuck de Liedekerke, ajoutant qu’une commune ou un particulier qui souhaite s’inscrire dans cette dynamique peut également acquérir ces certificats. Les acteurs du secteur agroalimentaire apparaissent néanmoins comme des partenaires prioritaires, dans la mesure où ce système leur permet de stimuler la neutralité carbone au sein de leur filière d’approvisionnement et, pourquoi pas, de vendre un jour de la bière ou du pain produit à base de céréales "CO2 friendly".
Grâce à la vente de ces certificats, les agriculteurs sont rémunérés à un prix minimum garanti de 27,5€ par tonne de CO2 épargnée. 80 % de ce montant leur sera versé durant les cinq premières années ; les 20 % restants étant affectés à une réserve d’assurance liée à une période de rétention de dix ans afin de s’assurer que le stockage de CO2 qui a été réalisé l’est bien sur le long terme et que les pratiques vertueuses misent en place se perpétuent. Dans l’affirmative, le solde sera versé à l’exploitant.
D’ici à 2025, les promoteurs de Soil Capital ont pour ambition de rallier au moins 10 000 agriculteurs à ce programme et de couvrir un million d’hectares afin de jeter les bases solides d’un marché du carbone agricole européen crédible et efficace.