La Niña et son cortège d’intempéries sont là: qu’est-ce exactement? Avec quelles répercussions pour la Belgique?
La Niña, de retour, devrait perdurer jusqu’à l’année prochaine, alerte l’Onu. Ce phénomène climatique influe sur les températures, les précipitations et les tempêtes un peu partout dans le monde.
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Publié le 06-10-2020 à 20h16 - Mis à jour le 06-12-2020 à 19h00
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La Niña est bien là. Et elle va s’installer. Selon l’Organisation météorologique mondiale, le retour de ce phénomène climatique, qui provoque généralement des intempéries variées dans le monde, s’est amorcé et devrait perdurer jusqu’à l’an prochain. Il influera sur les températures, les précipitations et la configuration des tempêtes dans de nombreuses régions du monde.
L’avènement de cet épisode La Niña devrait être d’une "intensité modérée à forte", avertit l’OMM. Le dernier épisode de forte intensité remonte à 2010/11, et a été suivi d’un épisode modéré en 2011/12. Il avait provoqué notamment des pluies torrentielles en Amérique du Sud et en Asie du Sud. Les épisodes La Niña ont lieu de façon irrégulière, tous les 2 à 7 ans.

Refroidissement des températures mondiales
À l’inverse du phénomène El Niño, La Niña a généralement pour effet de refroidir la température à l’échelle mondiale. D’une manière générale, La Niña correspond au refroidissement à grande échelle des eaux de surface dans le centre et l’est du Pacifique équatorial. Elle est également associée à des variations de la circulation atmosphérique tropicale (vents, pression, précipitations). Ses effets sur le temps et le climat sont en général l’opposé de ceux de l’anomalie El Niño.
Mais toujours le réchauffement climatique…
La Niña et El Niño, phénomènes naturels liés à des "rétroactions" entre l’océan et l’atmosphère, sont déterminants pour le système climatique de la Terre. Mais le refroidissement des températures mondiales induit par La Niña n’est pas suffisant pour arriver à combattre le réchauffement climatique, a prévenu le secrétaire général de l’OMM. Ce refroidissement "est plus que compensé par la chaleur piégée dans notre atmosphère par les gaz à effet de serre. Par conséquent, 2020 est toujours en passe de devenir l’une des années les plus chaudes jamais enregistrées et 2016-2020 devrait être la période de cinq ans la plus chaude de l’histoire, a précisé Petteri Taalas. Les années à Niña sont aujourd’hui même plus chaudes que les années à fort Niño que l’on a connues. Tous les phénomènes climatiques d’origine naturelle s’inscrivent désormais dans un contexte de changement climatique d’origine anthropique qui accentue les conditions météorologiques extrêmes et affecte le cycle de l’eau".
Des répercussions partout dans le monde
Que se passe-t-il exactement au-dessus de nos têtes ? "Les alizés (type de vents situés à l’Équateur, NdlR) qui soufflent dans cette région, orientés au secteur sud-est, sont plus forts que la normale, entame Fabian Debal, météorologiste à l’IRM. Les eaux océaniques sont poussées vers l’ouest. Ce mouvement de poussée des eaux vers l’ouest conduit au large des côtes de l’Amérique du Sud à une remontée des eaux profondes. Les eaux de surface sont repoussées vers le large et donc il y a une compensation qui s’opère, par une remontée des eaux beaucoup plus profondes et donc plus froides. C’est l’inverse d’El Niño où les alizés seront plus faibles que la normale. Ces anomalies ont des conséquences sur les conditions météorologiques d’abord dans ces régions, mais aussi à l’échelle mondiale. Ces phénomènes qui se produisent dans le Pacifique vont avoir, par répercussions, des impacts sur les conditions dans d’autres parties du monde. L’atmosphère est un tout."
Précipitations accrues en Australie
Dans la région du Chili et du Pérou, la première conséquence est un temps plus sec que la normale. "Au sud de l’Amérique du Sud, les eaux sont plus froides que la normale donc dégagent moins d’humidité, donc l’atmosphère est plus sèche. En revanche, les courants liés à La Niña poussent les eaux chaudes vers l’Australie, ce qui implique davantage d’humidité, et davantage de précipitations dans ces régions." En 2011, La Niña avait provoqué des inondations meurtrières en Australie.
Dans le reste du monde, pour les mois de novembre, décembre, janvier, l’influence de La Niña se fait également sentir, "en raison de phénomènes en cascade, plus complexes", reprend Fabian Debal. En Alaska et au Canada, on s’attend à des précipitations plus fréquentes. Dans la partie sud des États-Unis, on prévoit à l’inverse un temps plus sec.
Situation perturbée dans nos régions ?
Selon l’OMM, les régions de la Corne de l’Afrique, de l’Asie centrale et de l’Asie du Sud-Est devraient enregistrer des précipitations inférieures à la normale, alors qu’elles seront supérieures à la normale dans certaines îles du Pacifique et dans la partie septentrionale de l’Amérique du Sud. En Afrique, l’épisode La Niña de 2020 coïncide avec une saison de pluies et de semailles importante dans une grande partie de l’Afrique de l’Est, qui devrait connaître des conditions plus sèches que la normale. "Ajoutée aux effets de l’invasion de criquets pèlerins, cette situation est préoccupante et pourrait accroître l’insécurité alimentaire dans la région", avertit l’OMM, qui dépend de l’Onu. Autre effet : dans les Caraïbes, les épisodes La Niña peuvent contribuer à augmenter l’intensité de la saison des ouragans.
Et chez nous ? Dans les régions potentiellement impactées, l’Onu, dans son communiqué, n’évoque pas l’Europe. C’est que la question de l’impact de La Niña dans nos régions (Atlantique Nord) n’est pas tranchée au niveau scientifique. Une partie des chercheurs estime que l’effet de La Niña sur le nord de l’océan Atlantique est minime ou nul. "Une autre partie pense en revanche qu’il y a bien une répercussion sur la circulation atmosphérique sur le Nord-Atlantique, qui aboutirait à une circulation plus dynamiqu e, un ‘flux zonal’, détaille Fabian Debal. Celui-ci charrie des dépressions, des pertubations atlantiques, donc une situation perturbée. C’est ce qu’on appelle un NAO +, dont la part positive est favorisée par La Niña. Cela provoque chez nous un hiver humide, caractérisé par le passage de perturbations. Un peu à l’image de ce qu’on a connu en janvier-février 2020, avec un rythme de quasi une tempête par week-end. Cela s’accompagne alors de températures douces. Ce serait ce type de régime-là que La Niña pourrait favoriser chez nous, mais je rappelle qu’il n’y a pas de consensus. On ne peut donc pas en conclure que l’hiver sera comme cela, et même si c’est le cas, cela peut ne pas être dû à La Niña."
De son côté, l’OMM rappelle que les phénomènes El Niño et La Niña ne sont pas les seuls facteurs déterminant les régimes climatiques. Une façon de rappeler l’importance d’être au fait des dernières prévisions saisonnières... En ce qui concerne notre pays, selon les prévisions saisonnières européennes de Météo France, qui fonctionnent par probabilité, il y a 50 % de chance que les températures jusque fin janvier soient dans la normale, mais aucun scénario ne se détache pour les précipitations. Le Centre européen pour les prévisions météo à moyen terme ne voit pas non plus de signal chaud/froid ou sec/humide significatif en novembre-décembre-janvier.