La compassion en action
Marion Chaygneaud-Dupuy raconte, dans Respire, tu es vivante, son aventure spirituelle et environnementale, qui l'a amenée à nettoyer les pentes de l'Everest et à accompagner les nomades tibétains dans la modernisation.
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Publié le 14-10-2020 à 19h03 - Mis à jour le 06-12-2020 à 17h57
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Sa vie a emprunté mille chemins, mais elle n’a finalement suivi qu’un cap: le lien à la nature. Marion Chaygneaud-Dupuy a gravi l’Everest à trois reprises - un record pour une Européenne - mais "l’exploit sportif ne m’intéresse pas", écrit-elle. "Cette expédition est une expérience pour contempler le lien de l’homme et de la nature." Son aventure écologique et spirituelle, elle l’a mise en mots, dans le livre qu’elle vient de publier, Respire, tu es vivante : le récit, honnête et lucide, d’un parcours initiatique et d’une quête spirituelle qui inspirent, interrogent, bousculent; l’histoire d’une jeune femme qui s’abandonne dans le silence contemplatif et qui, petit à petit, redécouvre son corps, se reconnecte aux autres et à la nature.
Marion Chaygneaud-Dupuy incarne la compassion en action. Sa rencontre avec le médecin philanthrope Jack Preger à Calcutta transforme la vision que l’ado un peu fêtarde a de l’humain. Au contact de souffrance et de la mort, elle comprend que le "retour vers l’ignorance", dans "le confort anesthésiant de la France", ne sera plus possible pour elle. Elle a 16 ans et, de son cœur, jaillit le souhait d’aider les autres. Elle se tourne alors vers le bouddhisme et se plonge dans les méandres de l’esprit, pour apprendre à cultiver la compassion qui colorera durablement ses actions. Elle s’envole pour le monastère de Mirik, en Inde, elle étudie auprès du grand maître tibétain Bokar Rinpoché, elle vit en ascète, pratique et médite des heures durant. Puis, à 22 ans, comprend qu’elle doit partir.
Un effort joyeux
Lorsqu’elle foule la terre du Tibet pour la première fois, la sensation d’appartenir à ce pays la bouleverse, même si "la chape de plomb chinoise" - qui n’est qu’effleurée dans son livre - est une épreuve. "La géographie du pays est un appel à la retraite contemplative." Française à l’extérieur, elle est tibétaine à l’intérieur. "Je fais de la haute montagne pour être tranquille : sur l’Everest, plus aucune caméra de surveillance ne m’épie. J’ai deux mois pour méditer. Seul ‘détail’, je dois aussi aller au sommet." Au fil des ans, des expériences de la vie et des rencontres, germe le projet de nettoyer les pentes de la plus haute montagne de la planète, maculées de déchets, et de rendre ainsi la pureté aux eaux de fonte de la déesse mère éléphant.
Un engagement exigeant, qui nécessite discipline du corps et entraînement de l’esprit : de la concentration, de la vision, de la patience, de l’altruisme, de la détermination, éclaire-t-elle. L’ascension est l’occasion de cultiver sa "force de détermination" mais, dans le bouddhisme tibétain, le "semchuk" est un effort joyeux. En prenant la plume à la première personne, elle transmet aussi un peu de la sagesse orientale.
Sa vraie raison d’être au Tibet n’est cependant pas l’ascension et le nettoyage de ses plus hautes montagnes, mais l’accompagnement des nomades dont le mode de vie est en plein bouleversement face à la modernisation et à la destruction des écosystèmes. C’était la mission que Bokar Rinpoché lui avait donnée et qui la voit aujourd’hui engagée dans la création, avec Tashi Dorjee, un environnementaliste connu à travers tout le haut plateau, dans la création de l’Institut des nomades, un lieu de recherche et de diffusion des savoirs pour ancrer ces éleveurs dans la modernité sans trahir leur héritage ancestral. C’est ainsi qu’elle plante aujourd’hui les graines dont elle pourra offrir les fruits aux générations futures.
Marion Chaygneaud-Dupuy, "Respire, tu es vivante", Massot Éditions, 2020, 224 pp., env. 20,90 €.