Nouveau bras de fer autour des néonicotinoïdes
Une nouvelle dérogation pour les betteraviers est contestée.
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Publié le 14-10-2020 à 14h11
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Fortement décriés depuis de nombreuses années en raison de leur impact délétère sur les insectes pollinisateurs (abeilles…), les insecticides néonicotinoïdes refont parler d’eux. Pour rappel, depuis 2013, l’usage de ces produits apparus dans les années 1990 a été fortement restreint par les réglementations européennes. En 2018, les trois substances jugées les plus problématiques ont même été interdites pour les cultures en plein champ.
La législation prévoit cependant des possibilités de dérogation (pour une période limitée à 120 jours par an) pour certaines cultures s’il est démontré qu’il n’existe pas d’autres "moyens raisonnables" pour se prémunir d’un ravageur. Une dérogation dont la Belgique a fait usage en 2019 et 2020 à la demande des producteurs de betteraves sucrières. Dérogation que ces derniers souhaitent voir reconduite pour les cultures de 2021, arguant de la menace que représente la prolifération de pucerons vecteurs du virus de la jaunisse de la betterave, qui affecte le rendement de ces cultures.
"Un non-sens"
Une prolongation à laquelle s’opposent totalement les associations Nature & Progrès et Pesticide Action Network (PAN Europe) qui ont écrit aux différents ministres compétents pour faire valoir leurs arguments. Dans le puzzle institutionnel belge, c’est en effet l’échelon fédéral qui est habilité à attribuer ces dérogations, après concertation avec les représentants des Régions. La décision devrait être prise d’ici au début du mois de décembre, de façon à laisser le temps aux industriels de produire les semences traitées avec la substance incriminée. Alors que deux recours introduits par PAN et Nature & Progrès pour contester les autorisations accordées en 2019 et 2020 sont déjà pendants au Conseil d’État, les associations se disent prêtes à intenter une nouvelle procédure.
Les recherches effectuées ces dernières années n’ont fait que confirmer les effets toxiques de ces produits, même à des doses infinitésimales, sur les insectes et les oiseaux migrateurs, avancent-elles. Et ces substances peuvent persister dans les sols plusieurs années, être absorbées par les insectes qui se nourrissent du pollen et du nectar des cultures qui y sont implantées, et même migrer vers les terres voisines.
Si la filière betterave a souffert en 2020, ce n’est pas uniquement à cause de la jaunisse, mais pour des causes multifactorielles, souligne Marc Fichers, secrétaire général de Nature & Progrès, pointant notamment du doigt un hiver doux qui n’a pas permis de réduire les populations de pucerons ou encore la sécheresse qui a affecté notre pays durant le printemps et l’été. Vouloir recourir aux néonicotinoïdes de manière préventive alors que l’on ignore quelles seront les conditions météo en 2021 est un non-sens, juge-t-il. D’autant que des alternatives existent, qu’il s’agisse de pratiques culturales s’appuyant sur des insectes prédateurs du puceron, des rotations plus longues ou d’utiliser d’autres substances chimiques moins nuisibles. Au cours des deux dernières années, seuls 20 % des agriculteurs ont d’ailleurs profité de cette dérogation, avance de son côté Martin Dermine, expert au PAN.
Accorder une nouvelle dérogation ne signifie pas automatiquement que les agriculteurs vont se ruer sur les néonicotinoïdes, plaide de son côté Bernard Decock, de la cellule environnement de la Fédération wallonne de l’agriculture. Nombreux sont ceux qui font appel aux alternatives disponibles, mais aucune de celles-ci n’a la même efficacité que ces substances, ajoute-t-il. "Il faut que les agriculteurs disposent de suffisamment d’éléments de protection des cultures en fonction de la situation. Or on voit que la jaunisse de la betterave était beaucoup plus présente cette année et que les pucerons ont tendance à se développer. Cela justifie cette démarche préventive. La France, qui les avait totalement interdites, a d’ailleurs réintroduit temporairement le recours à ces substances pour le secteur betteravier. On sait que l’on va devoir en sortir totalement, mais il faut encore un peu de temps avant de disposer d’alternatives satisfaisantes."
Un point de vue que rejoint la Fugea, l’autre syndicat agricole wallon, qui appelle les pouvoirs publics à mettre en place un "plan de transition" intégrant des compensations des agriculteurs impactés par la perte de rendement.