Les eaux contaminées de Fukushima bientôt dans l'océan Pacifique ? "La Belgique doit s’opposer à cette décision"
En pleine pandémie de Covid-19, le Japon pourrait annoncer dans les prochains jours sa décision de rejeter les eaux contaminées de Fukushima dans l’océan Pacifique. Une option qui suscite la contestation internationale.
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Publié le 25-10-2020 à 10h18 - Mis à jour le 25-10-2020 à 13h42
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Pour le député fédéral Samuel Cogolati (Écolo), la Belgique ne peut pas rester sans réaction face à l’imminence d’une annonce du gouvernement japonais. Notre pays, juge-t-il, doit saisir ses partenaires européens pour demander au Japon de suspendre toute décision précipitée concernant le rejet en mer des eaux contaminées de Fukushima. "Certains États ont également convoqué l’ambassadeur nippon pour lui demander des explications. Vu nos bonnes relations avec ce pays avec lequel nous entretenons des liens diplomatiques et économiques étroits, on est tout à fait en droit de demander toute la transparence sur l’impact sanitaire, écologique et économique qu’aurait une telle décision qui serait une violation du droit international. Ce serait un véritable écocide", avance M. Cogolati.
La Belgique pourrait aussi renforcer les contrôles qui ont déjà cours sur les importations d’aliments provenant du Japon, voire envisager la suspension de certaines d’entre elles, ajoute-t-il. Et de rappeler qu’il avait déjà interpellé Didier Reynders (MR) en octobre 2019 et, le 7 juillet dernier, son successeur au portefeuille des Affaires étrangères, Philippe Goffin (MR), sur cette question. Tous deux avaient reconnu le problème, le second nommé affirmant qu’il s’opposerait clairement à cette décision.
"Je suis conscient qu’il y a des enjeux économiques énormes pour le Japon et en particulier pour l’opérateur Tepco qui fut à l’origine de la catastrophe de Fukushima. Mais je ne peux pas accepter que l’on rejette n’importe quoi dans l’océan. On a déjà un septième continent de plastique, il faut tout faire pour éviter d’y ajouter un huitième continent radioactif. Le principe de précaution doit primer, surtout dans un domaine aussi sensible. On ne peut vraiment pas faire l’impasse sur une étude d’incidences menée en bonne et due forme par un groupe d’experts internationaux. Le problème posé par cette eau n’est pas neuf. Ce qui est nouveau, c’est l’empressement du Japon à prendre une décision en plein milieu d’une crise sanitaire, qui nous empêcherait de mener ces études scientifiques indépendantes."
Contraire au droit international
Pour la Pre Delphine Misonne, qui enseigne le droit de l’environnement à l’Université Saint-Louis Bruxelles, il semble évident qu’une telle démarche prise unilatéralement par le gouvernement japonais contreviendrait au droit international. "Les États font ce qu’ils veulent sur leur territoire en matière d’environnement, cela relève de leur choix souverain, explique-t-elle. Mais leur responsabilité est engagée dès lors que leur politique environnementale a un impact soit sur le territoire d’un autre État, soit dans des zones qui ne relèvent d’aucune juridiction nationale, comme la haute mer, par exemple." La Cour internationale de justice a consacré ce principe (le principe 21) qui découle de la Déclaration de Stockholm comme "un élément fondamental du droit international général", poursuit-elle. "Et depuis 2018, la Cour a accepté de sanctionner le dommage aux services écologiq ues. On serait en plein dans ce cas de figure."
Le Japon est par ailleurs partie d’une convention internationale sur les déchets de l’industrie nucléaire qui insiste sur l’importance de se préoccuper des générations futures, relève encore la juriste. "Ce sont quand même des substances particulières qui ont une très longue durée de vie et qui sont liées à des impacts sur la santé." Et de rappeler encore que les objectifs de développement durable des Nations unies font également de la protection des océans un de leurs axes majeurs.
Le Japon s’exposerait au paiement de dommages
Pour autant, souligne la Pre Misonne, rien n’empêche formellement le Japon de s’engager sur cette voie, "mais on peut prédire que s’il rejette ces eaux dans la mer, une action sera entamée devant la Cour internationale de justice. Ce pays risque alors une condamnation et de devoir payer des dommages importants". En outre, en vertu du principe 21, le Japon est tenu de respecter certaines obligations procédurales. "Il faudrait normalement qu’il y ait une étude d’incidences où le Japon consulte au-delà de son territoire", observe la Pre Misonne, pour qui les Nations unies devraient peut-être préalablement solliciter la Cour internationale de justice pour connaître son opinion sur la légalité de tels déversements en mer. "Rouvrir des possibilités pour les opérateurs de déverser tout ce qui les ennuie à la mer serait aller complètement à contre-courant de tout ce qui est fait pour la protection de l’environnement et ouvrir la porte à une dégradation massive des océans."