Pourquoi a-t-on des tempêtes en hiver et des orages en été ?
Une tempête devrait atteindre la Belgique ce week-end. Au menu : vents forts, pluie et neige. La faute au jet-stream, plus puissant en hiver. L'été est, lui, la saison des orages.
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- Publié le 24-12-2020 à 20h27
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Elle ne porte pas encore de nom officiel - c’est le cas tant qu’aucun pays n’a lancé d’alerte orange - mais une tempête venue d’Islande devrait toucher notre pays, dimanche. Autour de cette dépression, dont le centre approchera la Belgique, les vents seront puissants. D’au moins 8-9 Beaufort en mer (80 km/h) et de 50 à 60 km/h, voire 80 km/h en rafale à l’intérieur des terres. Des perturbations abondantes y seront associées, qui devraient être hivernales sur le flanc sud de l’Ardenne (20 cm de neige). Cette tempête typique de l’hiver s’ajoute à la série de tempêtes hivernales qu’a connues la Belgique en 2020, notamment en février : Ciara, Dennis…
La faute au jet-stream, ce couloir de vent fort qui se trouve en altitude. Le phénomène est permanent et est dû à la différence de température entre l’Équateur et les pôles. "En hiver, avec un pôle Nord très froid, on a un grand contraste de température entre le pôle et l’équateur (qui, lui, reste toujours chaud), souligne Fabian Debal, météorologue principal à l’Institut royal de météorologie (IRM). C ela entraîne un grand contraste de densité de l’air, donc un grand contraste de pression. Or le vent est créé par une différence de pression entre deux points. Plus la différence entre l’équateur et le pôle sera importante, plus le vent en altitude sera important. En hiver, le jet-stream, ce vent en altitude, est donc beaucoup plus soutenu. La dynamique que le jet va impulser (car le jet-stream va influer sur tout ce qui est en dessous) va être beaucoup plus importante. Donc on aura des systèmes pluvieux plus actifs, des dépressions plus creuses et donc parfois des tempêtes." Celles-ci se définissent comme une dépression qui produit des vents moyens supérieurs à neuf Beaufort. Une dépression est un endroit de la surface du sol où la quantité d’air est déficitaire ; la pression y est plus basse que l’environnement. Une dépression se creuse quand la pression diminue en son centre, ce qui peut aboutir à la formation d’une tempête. Si l’anticyclone, zone d’excès d’air, apporte un temps calme, la dépression est le siège de conditions plus agitées. "En été, le contraste de températures entre l’équateur et le pôle Nord est plus faible car le pôle Nord s’est réchauffé - les jours y durent 24 h - et la différence de pression en altitude est donc moindre. Le jet-stream est par conséquent moins puissant et les dépressions moins creuses ; les perturbations moins actives. Il n’y a donc pas de grosses tempêtes comme en hiver, où on peut même en avoir en succession. C’est un cas de figure que l’on ne voit pratiquement pas en été. En été, le jet-stream est beaucoup plus relâché, et repoussé un peu plus vers le nord, plutôt vers l’Islande."
L’été est plutôt la saison des orages, même si ceux-ci peuvent nous toucher aussi en hiver, dans une moindre mesure. L’orage est en fait une grosse averse qui dégénère et s’accompagne de phénomènes électriques. Ces décharges électriques (dans et hors du nuage ; foudre, éclairs) proviennent en fait du frottement des gouttelettes et cristaux au sein de ce nuage, souvent très épais.
Les orages d’hiver, c’est possible
L’origine de l’orage ? De l’air proche du sol qui s’élève localement de manière brutale et profonde. Le moteur qui peut provoquer ce soulèvement d’air intense (parfois sur plusieurs kilomètres), c’est un contraste de températures entre la surface du sol et l’altitude. "Plus le différentiel de température entre l’air chaud en surface et l’air froid qui la surplombe est important, plus l’activité va être importante, avec un risque d’averses intenses et d’orages. Les orages de chaleur en été, qui éclatent en fin de journée localement, en sont un bon exemple", souligne Fabian Debal.
Mais suivant ce même modèle, des orages d’hiver peuvent également se produire. "De l’air froid polaire transitant via l’Atlantique ou la Manche a le temps de se réchauffer par la base (les océans sont plus chauds) et donc d’induire ce fameux contraste entre surface et altitude à l’origine des orages. Il n’est donc pas rare de voir en hiver se déclencher des orages sur la Manche ou en mer du Nord et ceux-ci sont ensuite parfois poussés vers les terres." De manière générale, en hiver, les orages naissent d’ailleurs sur les surfaces maritimes. Puisqu’ils restent en général cantonnés sur l’océan, ils sont finalement moins nombreux à nous toucher. "En hiver, c’est l’eau de mer qui est plus chaude que l’air en altitude ou venu des pôles qui circule sur le continent, et c’est sur la mer qu’on va retrouver les contrastes les plus importants", détaille Fabian Debal.
En été, c’est le contraire, et les orages de chaleur se développent donc dans les terres. Il existe des cas intermédiaires : les giboulées parfois orageuses en mars. "Ces orages sont aussi liés à de l’air polaire qui descend par l’Atlantique, mais, plutôt que de se réchauffer au-dessus des mers, ces masses d’air commencent à se réchauffer au-dessus des terres. Et cela donne lieu aux premiers orages de l’année qui se déclenchent sur les terres, ce qui préfigure la suite de l’été, où les orages se déclenchent en majorité sur les terres."
L’Ardenne, région propice
Une autre configuration propice aux orages : lorsque le contraste de température se produit à un niveau horizontal et non plus vertical. Il s’agit alors de changements de masse d’air, avec un front froid qui arrive et prend la place de l’air chaud et le propulse vers le haut. Ce mouvement de propulsion qui se fait à la frontière entre les masses d’air provoque une activité importante : pluies intenses, averses ou orages. Ces "orages frontaux" peuvent se produire en toutes saisons. Un vent à grande échelle frappant une chaîne montagneuse, en s’élevant pour la franchir, peut aussi provoquer des orages, puisque ceux-ci sont dus à de l’air qui s’élève brutalement. Cela vaut aussi lorsqu’un vent d’ouest frappe l’Ardenne. Cet aspect contribue au fait que l’été, on connaît plus facilement des orages en Ardenne et qu’ils y sont souvent plus intenses.
Enfin, le fameux jet-stream peut aussi mener à des déséquilibres en altitude, qui eux mêmes entraînent des mouvements d’ascendance et donc des orages, dits dynamiques. Comme ce jet-stream est plus marqué en hiver, cela explique aussi la possibilité d’orage durant cette saison.