Si la hausse des températures se limite à 1, 5°C, la fonte des glaciers pourrait être réduite de moitié
Des chercheurs ont cartographié chacun des 220 000 glaciers du monde. Résultat: presque tous les glaciers de la planète reculent toujours plus vite. Si la hausse des températures se limitait à 1, 5°C, la perte serait réduite de moitié, selon une étude réalisée entre autre par des chercheurs de l'ULiège et de l'ULB. Dans les scénarios plus pessimistes, on pourrait arriver à un mètre de hausse du niveau de la mer pour la Belgique.
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- Publié le 05-05-2021 à 17h00
- Mis à jour le 09-05-2021 à 17h52
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Si nous limitons le réchauffement climatique à 1, 5°C d’ici 2100, la perte des glaciers pourrait être réduite de moitié par rapport à un scénario "business as usual". C’est l’une des conclusions de l’étude internationale parue ce 5 mai dans Nature et à laquelle plusieurs chercheurs belges ont participé. Cette recherche a réalisé quelque 900 simulations pour établir des prévisions pour la fin du siècle, en fonction des différents scénarios d’émissions (réduction ou pas) de gaz à effet de serre possibles.
Une des résultats principaux : si les habitants de la planète arrivent à limiter la hausse des températures globales à 1, 5°C, l’élévation du niveau de la mer d’ici 2100 due à la fonte des glaces pourrait être réduite de moitié. Concrètement, les pertes pour la calotte glaciaire du Groenland réduiraient de 70 % par rapport aux émissions actuelles, et de moitié pour les glaciers. “Actuellement, les glaciers, au niveau de la contribution de la fonte des glaces sont les plus importants, rappelle le Prof. Frank Pattyn, du laboratoire de glaciologie de l’ULB, qui a pris part à l’étude. Mais on prévoit qu’à la fin de ce siècle, la dominance de ces glaciers va diminuer. C’est normal, deviennent de plus en plus petits, et donc peuvent perdre de moins en moins…” Selon l’étude, en 2100 et si l’on se base sur les engagements des pays à Paris, les glaciers (NDC) devraient faire monter le niveau des océans d’entre 9 et 18 cm, le Groenland d’entre 0 et 16 cm et l’Antarctique entre moins 5 et 14 cm.
Bonnes et mauvaises nouvelles
L’incertitude demeure pour l’Antarctique, car il est actuellement difficile de savoir si la neige qui tombe à l’intérieur de la calotte froide compense la perte via la fonte sur les côtes. Dans un scénario pessimiste, la fonte antarctique pourrait être cinq fois plus importante que si les objectifs de Paris visant à garder la hausse des températures sous 1, 5°C sont atteints. “Il y a de bonnes nouvelles et de mauvaises nouvelles dans cette étude, en fait”, résume le Prof. Frank Pattyn, du laboratoire de glaciologie de l’ULB, à qui nous avons demandé, à partir de son étude, de tirer des conclusions concrètes pour la Côte belge. Si on arrive à atteindre la limite fixée par l’accord de Paris, on sera bien en dessous des précautions que l’on a mises en place pour le futur. Car en Belgique, le plan Sigma s’est basé sur les scénarios du Giec des années 2000, qui prévoit une hausse maximale de 85 cm du niveau de la mer d’ici 2100.”
Ce plan Sigma consiste entre autres entre le rehaussement de digues et la création de zones d’inondation dans le bassin maritime de l’Escaut, pour éviter l’effet des marées tempêtes. Selon l’étude de Nature, si la hausse des températures est limitée à 1, 5°C, la hausse du niveau des mers associée à la fonte des glaces serait de 20 cm en 2100. “Cependant, l’expansion thermique des océans n’est pas prise en compte dans cette étude (en raison de la hausse des températures, l’eau se dilate et son volume augmente, NdlR), nuance Frank Pattyn. Selon les dernières études, il faut donc encore ajouter 15-20 cm supplémentaires si on suit les accords de Paris, et dans le scénario business as usual (si on ne fait rien), c’est 30-40 cm à ajouter.” Les chiffres de l’étude, qui livre une moyenne mondiale, peuvent directement être appliqués à la Belgique, car bien qu’il puisse avoir des variations de la hausse du niveau de la mer selon les régions du monde, les prévisions pour la Belgique sont proches de cette moyenne, précise Frank Pattyn.

La Côte belge devra adapter son plan Sigma
“Mais la mauvaise nouvelle de l’étude, c’est que nous avons aussi analysé les contributions déterminées au niveau national (NDC), c’est-à-dire les promesses d’effort de réduction des émissions de chaque pays prises dans le cadre de l’accord de Paris. Avec les NDC actuelles, on dépasse largement les 1, 5°c, et on arrive en 2100 à 40 cm de hausse du niveau des mers, voire 70 cm si on tient compte d’un scénario “haut risque” lié à une fonte élargie de l’Antarctique et non plus localisée comme maintenant. Dans ce cas-là, avec l’expansion thermique, on arrive à environ un mètre de hausse. On voit que les NDC actuelles sont largement insuffisantes. Il faut faire ces efforts, où, en Belgique, on devra adapter le plan Sigma.”
“Cela ne veut pas dire que tout ce qui serait au-dessus d’un mètre sera inondé, mais qu’avec une hausse d’un mètre, l’impact d’une tempête est 10 à 100 fois plus important, complète Frank Pattyn. Combinée avec une marée haute, cela fait pénétrer la mer vers l’intérieur et provoquer des inondations. Une tempête susceptible de se passer tous les 100 ans comme en 1953 peut arriver tous les ans si on ne suit pas les accords de Paris.” Et les risques d’inondations ne concernent pas que la côte stricto sensu. Mais “toutes les embouchures fluviales”, influencées par l’effet de marée car liées à la mer via l’Escaut, comme Anvers.
Le climatologue Xavier Fettweis, responsable du modèle MAR à l’ULiège, qui a aussi participé à l'étude, précise de son côté : "L'Antarctique reste la plus grande inconnue sur l'élévation du niveau des mers. C’est difficile à prévoir mais en même temps critique pour la partie haute des projections sachant que la côte belge est plus sensible à la fonte de l'Antarctique qu'à celle de la calotte glaciaire du Groenland en raison de changements locaux dans la gravité terrestre. Dans un scénario pessimiste, certains modèles suggèrent qu'il y aurait 5% de chances que la contribution de la glace terrestre (Antarctique) à l'élévation du niveau des mers dépasse 56 cm en 2100, même si nous limitions le réchauffement à 1,5°C. La gestion des inondations côtières doit donc être suffisamment souple pour tenir compte d'un large éventail d'élévations possibles du niveau des mers, jusqu'à ce que de nouvelles observations et modélisations puissent améliorer nos prévisions du bilan de masse de l'Antarctique."
À noter que le projet européen Protect, auquel l'ULB participe, consiste à fournir de manière quasi continue des prévisions de la hausse du niveau de la mer pour l’Europe, afin que les plans d’aménagement régionaux puissent être adaptés si nécessaire.