Jusqu'à 80,8 °C : voici les lieux les plus chauds du monde
Grâce à des données satellites, des chercheurs ont mesuré les records de température sur toute la planète. L’endroit le plus chaud du monde n’est plus la vallée de la Mort. À quoi ce palmarès sert-il donc ?
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- Publié le 27-05-2021 à 20h08
- Mis à jour le 02-06-2021 à 15h21
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Le 10 juillet 1913, dans la bien nommée crique de la Fournaise, dans le désert de Californie, la température a atteint les 56,7 degrés Celsius. En moyenne, à cet endroit situé dans la vallée de la Mort, les températures estivales dépassent régulièrement les 45 °C. Mais comme on le voit, le record date de plus d’un siècle. Et il s’agit là de la mesure de la température de l’air. Selon les résultats d’une étude qui vient d’être publiée dans le Bulletin of the American Meteorological Society, les températures atteintes dans certains lieux de la planète sont bien plus élevées que cela : elles dépassent les 80 °C ! Il s’agit de ce qu’on appelle la température de surface.
Concrètement, pour obtenir les températures de l’air, 11 000 météorologues à travers le monde mesurent automatiquement ou manuellement l’atmosphère à l’ombre dans des abris ventilés, à 1,5 mètre du sol. Résultat : de larges parties de la planète sont absentes des archives météorologiques, particulièrement dans les endroits perdus. Une autre solution est possible : utiliser les données satellites, qui déterminent, elles, les températures de surface. Depuis deux décennies, des satellites d’observation de la Terre, équipés d’un instrument de la Nasa, scannent l’entièreté du globe, deux fois par jour. Le spectoradiomètre Modis mesure, lorsqu’il n’y a pas de nuage, la chaleur infrarouge émise par les surfaces pour prendre leur température. En gros, ce que l’on sentirait si l’on touchait le sol, la terre ou la glace.
"Selon les archives de l’Organisation météo mondiale (OMM), le record de température atmosphérique haut est donc celui de 1913 dans la vallée de la Mort, et le record de température basse est de moins 89,2 °C dans l’Antarctique le 21 juillet 1983", détaille dans sa recherche la première auteure Yunxia Zhao, chercheuse à l’Université d’Irvine en Californie. "Cependant, vu la couverture limitée des mesures basées au sol, il est probable que cela ne soit pas réellement les endroits les plus chauds et les plus froids sur Terre. D’autant plus que les températures de surface terrestre sont supposées être plus élevées que les températures atmosphériques." En effet, les surfaces tendent à être plus chaudes que l’air au-dessus d’elles, en particulier lors des journées ensoleillées, lorsque l’énergie du soleil et l’air se combinent. Exemple : le sable d’une plage ou une voiture parquée au soleil.
Grâce à une récente amélioration d’analyse, les relevés de températures de Modis ont pu passer d’une résolution de 5 km à 1 km. L’équipe de Yunxia Zhao a analysé les données de 2002 à 2019 en détail. Résultat : tous les records explosent. "La surface de la Terre est plus chaude (et plus froide) que ce que l’on pensait jusqu’ici."
À la hausse et à la baisse
Les chercheurs révèlent en particulier que le désert de Lout en Iran et le désert de Sonora au Mexique sont les endroits les plus chauds sur terre avec une température de surface de 80,8 °C, un record dix degrés plus haut que celui (désert de Lout en 2005) livré par une précédente analyse satellite. Le record à la baisse est de moins 110,9 °C, dans le centre-est de l’Antarctique, soit environ 20 degrés plus bas que le record enregistré par l’OMM. "On observe les températures maximales dans deux ‘écorégions’: les déserts et les terres arbustives xériques (arides, NdlR) et l’écorégion comprenant les brousses, les prairies et les savanes tropicales et subtropicales, continue la chercheuse. Le désert de Lout se détache du reste des déserts avec la plus haute température et le plus grand nombre de maximums annuels, confirmant qu’il s’agit bien d’un des endroits les plus chauds du monde, souligne Yunxia Zhao avec ses collègues. La configuration exceptionnelle du désert de Lout s’explique par son terrain entouré de montagnes, qui limitent le mouvement de l’air et augmentent la séquestration de la chaleur ainsi que son sable foncé issu de lave volcanique et qui absorbe la chaleur." Le record de 80,8 °C y a été observé en 2018.
Ombre pluviométrique dans le désert de Sonora
Le désert mexicain de Sonora, quant à lui, a égalé cette plus haute température de surface en 2019 et est second en ce qui concerne le plus grand nombre de maximums annuels. Ce désert connaît un phénomène "d’ombre pluviométrique", dit aussi climat d’abri. Il se produit quand le versant au vent d’une montagne joue rôle d’écran protégeant de l’humidité des masses d’air le second versant. "Son élévation assez basse limite les effets du rafraîchissement dû à l’altitude. En outre, puisque entouré de montagnes, le bassin désertique y capture souvent la chaleur, faisant monter les températures atmosphériques et de surface." Et de souligner : "Bien que les déserts de Sonora et de Lout montrent un maxima similaire, si l’on considère l’entièreté des distributions, Lout est significativement plus chaud ; les températures extrêmes y sont observées plus fréquemment que n’importe quel endroit dans le monde."
Derrière ces deux endroits, citons aussi les brousses xériques (sèches) de Djibouti (80,7 °C, 2017) et le désert de Karoo Gariep en Afrique du Sud (74,8 °C, 2002). Avec les déserts de Sonora et Lout, l’étude qualifie donc ces quatre endroits de plus chauds du monde : c’est aussi principalement là qu’on enregistre les maximums annuels mondiaux en termes de températures de surface. L’étude y ajoute également les déserts du Nord de l’Arabie (Jordanie, Irak, Arabie Saoudite), et les bassins désertiques de la Perse centrale (Iran, nord-ouest de l’Afghanistan). Tous ces déserts se trouvent sous la "crête subtropicale", ceinture d’anticyclones caractérisée par des vents faibles. "Un flux descendant stable combiné à des hautes pressions en plus haute altitude favorise des conditions chaudes, arides et sans pluie", selon l’étude.
"Incroyable variabilité" du bassin du Qaidam
Si les températures maximums sont observées dans les déserts chauds, les plus grandes amplitudes thermiques (différence entre les températures de jour et de nuit) le sont dans les déserts froids : la steppe du plateau alpin du Tibet central (Chine, Inde), les pelouses alpines de l’ouest de l’Himalaya, le désert du sud de l’Asie centrale (le Kyzylkoum en Ouzbékistan et au Kazakhstan et le Karakoum au Turkménistan) ou encore la Puna sèche des Andes centrales (prairies arides de haute montagne qui s’étendent à travers l’ouest de la Bolivie et du nord du Chili et de l’Argentine). Au sommet se trouve le bassin chinois du Qaidam "qui fait preuve d’une incroyable variabilité sur une même journée : 81,8 °C". Vu la faible capacité thermique de ce lieu liée à l’absence d’humidité au sol, le sol nu du bassin absorbe rapidement la chaleur en journée. Et la chaleur captée ne peut se dissiper via l’évaporation. La nuit, entre autres facteurs, l’air froid descend des hautes montagnes. Le bassin est en effet entouré des montagnes Kunlun, de plus de 7 000 mètres.