Qu'est-ce que le PFOS, cette substance à l'origine de l'une des plus graves crises environnementales en Flandre?
PFOS ou perfluorooctane sulfonate. Si toute la Flandre semble découvrir avec effarement l’existence de cette molécule chimique et des suspicions sanitaires qui l’entourent, celle-ci est pourtant omniprésente dans nos vies quotidiennes depuis des décennies.
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Publié le 15-06-2021 à 20h59 - Mis à jour le 16-06-2021 à 23h25
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Le PFOS fait en effet partie d’une famille qui compte plus de 4 000 substances chimiques de synthèse - les composés perfluoroalkyle (ou PFAS) - utilisées dans diverses applications industrielles et présentes dans de nombreux produits de consommation courants : vêtements, moquette, poêles à frire et autres ustensiles de cuisine, cartons d’emballage alimentaire, isolant électrique, mousse anti-incendie…
Depuis une vingtaine d’années, ces composés perfluorés, et plus particulièrement certains d’entre eux dont le PFOS, font l’objet d’une surveillance rapprochée en raison de leur persistance dans l’environnement (sols, eaux de surface et souterraines), de leur accumulation dans la chaîne alimentaire et, in fine, dans les populations humaines.
Étude après étude, l’étau s’est resserré, mettant en évidence leurs impacts délétères sur la santé publique et leurs liens probables avec une série de pathologies dites "de civilisation".Une problématique mise en évidence dans le film "Dark Waters" qui, basé sur des faits réels, raconte comment l’avocat américain Rob Bilott a forcé l’entreprise chimique DuPont a de substantiels dédommagements suite à une contamination à grande échelle en Virginie Occidentale.
Substances toxiques
"Le principal effet du PFOS est d’être un perturbateur endocrinien, commente la toxicologue Corinne Charlier (ULiège). Cette substance s’accumule dans nos graisses et peut entraîner des problèmes de fertilité, d’immunité, de désordre du métabolisme (augmentation du cholestérol) et éventuellement des problèmes neurologiques. "
Dans un avis publié en septembre, l’Agence européenne de sécurité alimentaire (Efsa) soulignait pour sa part que les enfants constituent le groupe de population le plus exposé, et que l’exposition pendant la grossesse et l’allaitement est le principal contributeur à l’apport en PFAS chez les nourrissons. " Les experts ont considéré que la diminution de la réponse du système immunitaire à la vaccination constituait l’effet le plus critique pour la santé humaine", relève encore l’agence.
D’autres expérimentations menées sur des animaux laissent par ailleurs suspecter une activité diabétogène et cancérogène de ces molécules tellement répandues dans l’environnement que l’on considère aujourd’hui que l’ensemble de la population mondiale est exposée. " En 2015, nous avons réalisé une étude épidémiologique sur 250 personnes à Liège qui a montré que 90 % d’entre elles étaient contaminées ", illustre la Pre Charlier.
Pas encore de normes européennes
Une situation qui, toujours en 2015, avait amené un groupe de scientifiques à tirer la sonnette d’alarme, appelant à mieux réguler les PFAS et à limiter au maximum leur usage. Quatre ans plus tard, les ministres européens de l’Environnement ont appelé la Commission à développer un cadre réglementaire afin d’éliminer les utilisations non essentielles de ces substances désormais considérées comme des "risques chimiques émergents".
Ce travail est en chantier mais, à l’heure actuelle, il n’existe pas encore de normes européennes limitant l’exposition aux PFAS. Dans son dernier avis sur les risques pour la santé humaine résultant de la présence de PFAS dans les aliments, l’Efsa recommande de ne pas dépasser une dose hebdomadaire tolérable de 4,4 nanogrammes par kilogramme de poids corporel.
En l’absence de normes européennes, son pendant belge, l’Afsca, a demandé en 2017 à un comité scientifique indépendant de proposer des limites d’action pour certains contaminants chimiques dans différentes catégories d’aliments. Pour les PFOS, ce seuil a été fixé à 50 µg/kg (50 millionièmes de gramme pour la viande ; 6 µg/kg pour le lait ; 100 µg/kg pour les œufs et 150 µg/kg pour les poissons. Ce qui signifie qu’en cas de contrôle des produits présentant un dépassement de cette limite ne seront pas autorisés à la vente. " C’est un principe de précaution, mais cela ne signifie pas nécessairement qu’il y a un risque direct pour la santé", précise la porte-parole de l’agence, qui ajoute qu’un nouvel avis urgent a été demandé à ce comité à la suite de la dernière communication de l’Efsa.