Le crime d'écocide a désormais sa propre définition : qu'est-ce que cela pourrait changer?
Encore utopique il y a quelques années, l’idée d’inscrire le crime d’écocide dans le droit pénal national et international gagne lentement mais sûrement en consistance.
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- Publié le 30-06-2021 à 19h34
- Mis à jour le 30-06-2021 à 20h11
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Si de plus en plus de voix s’accordent sur ce principe, encore faut-il lui donner une assise légale concrète, solide et pertinente. Une étape essentielle vient d’être franchie dans ce sens avec la publication d’une définition juridique qui ferait de l’écocide le 5e crime international à la Cour pénale internationale de La Haye.
Rédigée par une équipe de juristes qui font autorité dans le domaine du droit international(présidée par le Pr Philippe Sands, directeur du Centre sur les tribunaux et tribunaux internationaux du University College de Londres), cette proposition définit les écocides comme des "actes illégaux ou arbitraires commis en connaissance de la réelle probabilité qu’ils causent à l’environnement des dommages graves qui soient étendus ou durables". Arbitraires signifiant dans le cas présent que les auteurs des faits incriminés se seraient comportés "de manière imprudente et sans faire de cas des dommages qui seraient clairement excessifs au regard des avantages économiques et sociaux escomptés".
La Belgique pionnière ?
"Le fait qu’il y ait désormais une définition juridique, même si elle n’a pas encore de statut officiel, et qu’elle fasse consensus parmi un panel d’experts d’un tel niveau constitue une avancée bienvenue et extrêmement importante", commente le député Écolo Samuel Cogolati, qui porte ce combat au sein du Parlement belge.
Cette proposition, estime-t-il, est parfaitement calibrée dans la mesure où elle considère que commettre un écocide peut découler du simple fait de connaître la probabilité que ces actes puissent causer des dommages graves à l’environnement. "On pourrait en effet tout à fait définir l’écocide comme étant un acte purement délibéré et intentionnel. Mais cela voudrait dire en pratique que vous devriez pouvoir prouver que la personne qui commet l’écocide le fait avec la volonté de polluer l’environnement pour polluer l’environnement. Or, on sait très bien que c’est rarement ce qui arrive. Très souvent, quand il y a une marée noire ou la destruction d’un écosystème suite à l’effondrement d’un barrage minier, c’est généralement par défaut grave de prévoyance et de précaution de la part d’une grosse société transnationale, qui fait cyniquement un calcul coûts-bénéfices et considère qu’en lésinant sur les moyens pour protéger l’environnement, ils se font plus de pognon."
Cette définition, ajoute M. Cogolati, constitue une révolution juridique en ce sens qu’il s’agit de la première fois que l’environnement serait protégé "pour sa valeur intrinsèque" dans le Code pénal. Mais il ne s’agit pas pour autant de criminaliser tout un chacun ou toutes les entreprises qui émettraient des gaz à effet de serre, nuance-t-il.
Mercredi matin, le groupe Écolo-Groen a présenté en commission des Relations extérieures de la Chambre une proposition de résolution intégrant cette évolution juridique également reprise par l’ensemble des parlementaires internationaux membres de l’Écocide Alliance. "Cette définition du panel d’experts ouvre pour la première fois une opportunité historique de reconnaître cette notion d’écocide au niveau international, mais aussi du droit pénal belge", souligne Samuel Cogolati, rappelant que cette ambition figure dans l’accord de gouvernement fédéral et que, fin décembre, la ministre des Affaires étrangères Sophie Wilmès (MR) a plaidé pour que les membres de la Cour pénale internationale examinent "la possibilité d’introduire les crimes dits d’écocide" dans le traité qui a institué la Cour. Le vote est attendu en septembre.