Agromet, cette nouvelle plateforme qui aide les agriculteurs face aux changements climatiques
Les changements climatiques poussent les agriculteurs à s’enquérir de la météo en temps réel. Un nouvel outil tout juste mis en ligne devrait les y aider. Mais les paramètres climatiques s’invitent aussi dans les produits d’assurance destinés aux agriculteurs.
Publié le 24-09-2021 à 14h21 - Mis à jour le 24-09-2021 à 15h34
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Ces derniers mois et leur lot de pluies diluviennes l’ont une nouvelle fois démontré, les aléas météorologiques influent de façon croissante sur le travail des agriculteurs, au point que ceux-ci sont de plus en plus dépendants - et demandeurs - de données et d’observations climatiques spécifiquement liées à leurs activités. À ce titre, le lancement, ce vendredi 24 septembre, de la plateforme numérique Agromet, qui compile de nombreuses observations météorologiques en temps réel, propulse un peu plus la profession dans un futur à forte coloration technologique.
Agriculture en temps réel
Pourtant, la majorité des données compilées par Agromet existaient avant la mise en avant de la plateforme, et ce, depuis au moins 25 ans. Mais voilà, ces informations n'étaient pas aussi facilement accessibles, et depuis lors, les temps ont drastiquement changé. "Les dérèglements climatiques impliquent une meilleure prise en compte des changements météo", abonde Damien Rosillon, du centre wallon de recherches agronomiques (CRA-W), qui a conçu Agromet. "La phrase bateau consiste à dire qu'on ne peut pas faire comme on a toujours fait, à savoir appliquer les recettes traditionnelles qui ne fonctionnent pas. Parce qu'il y a vraiment une modification des cycles des cultures, un shift dans le début et la fin des saisons. Même si le changement climatique n'est pas le seul élément qui pousse en faveur de cette remontée accrue de données, cela joue certainement."
Concrètement, Agromet se veut au service de l'agriculture de "précision" en permettant de "visualiser les données météorologiques enregistrées sur les 30 stations du réseau Pameseb du CRA-W en temps quasi réel" ; mais aussi d' "explorer un historique de 25 ans d'enregistrements météo, consulter des prévisions météorologiques et accéder aux 16 000 stations météo virtuelles qui couvrent la Wallonie".
Ainsi, Agromet entend aider les agriculteurs à "mener des actions agronomiques de la façon la plus ciblée possible, indique Damien Rosillon. Pour cela, on se base sur toute une série de capteurs, dont météorologiques, mais aussi dans le sol par exemple, pour mieux connaître son champ (PH, teneur en matière organique, etc.). L'idée, c'est de moduler les doses d'engrais, par exemple, en fonction de la nature et de la fertilité naturelle du sol."
"Besoin de toujours plus de données"
Le changement de paradigme sur le plan technologique est palpable chez les agriculteurs, comme le dépeint Pierre Lebrun, du centre pilote Fiwap (filière wallonne de la pomme de terre). "Aujourd'hui, beaucoup d'interventions sur les champs se font avec l'aide d'outils d'aide à la décision, qu'il s'agisse de lutte contre les maladies ou de répondre à des contraintes réglementaires, par exemple le fait qu'on ne doit pas pulvériser quand il y a du vent afin d'éviter que les matières actives ne s'échappent dans l'environnement. En tout cas on a besoin de toujours plus de données en temps réel pour pouvoir appliquer les technologies disponibles aujourd'hui."
"Le besoin d'une plateforme comme Agromet initial a été émis par les centres pilotes tel la Fiwap, confirme Damien Rosillon. Maintenant, en parlant avec les agriculteurs, on se rend compte qu'il y a un intérêt pour des données de référence, même s'ils disposent de leur propre station météo. Pour l'agriculteur, en termes de météorologie, il s'agit de connaître les conditions relatives à sa parcelle propre. Qu'il s'agisse de celui qui a son champ à côté d'une des 30 stations - et a accès à une donnée directement utilisable - ou de l'agriculteur qui habite plus loin, et qui a sa propre station météo, l'avantage d'Agromet sera d'avoir une donnée de référence - il peut y avoir des capteurs usés et c'est pourquoi il peut être important pour un agriculteur d'avoir cette référence à laquelle se raccrocher. Si les écarts sont trop importants, c'est une indication importante."
Interface intuitive
Un coup d'œil à la plateforme, déjà en ligne, témoigne du soin apporté à l'ergonomie et à la précision de l'interface (les parcelles sont rendues bien visibles sur une carte), rappelant au passage la superficie importante occupée par l'agriculture en Wallonie. "Historiquement, ces données étaient accessibles via différents canaux, et sur un site internet plutôt old school qui permettait d'accéder à ces données, poursuit Damien Rosillon. Elles étaient mises à disposition de tout ce qui est structure d'encadrement des professions agricoles, etc. Mais il est vrai que pour l'agriculteur lambda ou le particulier, ces données étaient un peu difficiles d'accès. Il s'agissait d'anciennes technologies et on s'est dit qu'il était dommage de ne pas exploiter cette base de données qui est là. De toute façon, ce travail est fait pour répondre à nos missions, donc autant la rendre disponible au plus grand nombre."
Le flop des assurances "paramétriques"
On les appelle "assurances paramétriques". Il s’agit, pour les agriculteurs, d’une couverture financière basée sur les mesures d’une sonde météo (pluie, vent, sécheresse, etc.), dont les seuils prédéfinis, selon qu’ils soient dépassés ou non, déterminent l’indemnisation en cas de perte ou d’altération de la récolte à venir.
C'est ainsi que, depuis deux ans, la Fédération wallonne de l'agriculture (FWA) propose à ses membres, en partenariat avec les assureurs Axa et Agrifa, des produits d'assurance paramétrée. En 2021, deux assurances distinctes, l'une sur la sécheresse (pour la période du 1er mai au 15 juillet) et l'autre sur les excès de précipitations (du 1er juillet au 15 septembre) ont été proposées aux membres de la fédération. "Ces produits n'ont pas très bien marché", nous dit-on du côté de la FWA, en particulier l'assurance concernant les… excès de précipitations.
On notera que, si les paramètres peuvent être nombreux (grêle, vent, etc.), c’est bien "le relevé pluviométrique" qui "est le seul et unique déclencheur de vos garanties", précise Agrifa, assurant qu’il n’y a "pas d’expertise en la matière" (de la part de l’assureur, NdlR).
Pas sûr que les données récoltées par Agromet, pour précises qu’elles soient, puissent servir aux agriculteurs, sinon pour objectiver ce qui aurait été constaté ailleurs : ce sont bien les seuils des stations de l’Institut royal de météorologie (IRM) qui font foi. Celles-ci sont situées à Bierset, Chièvres, Elsenborn, Florennes, Gembloux et Saint-Hubert.
Il n’est pas prévu, par ailleurs, d’extension des assurances sur les récoltes liées aux dommages climatiques, nous indique la fédération.