En Wallonie, les vignerons misent sur le réchauffement climatique
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Publié le 17-10-2021 à 12h26
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En ce samedi très ensoleillé, les bénévoles sont venus en nombre pour prêter main-forte à Anne et Christian Balduyck, pour les vendanges au domaine de Glabais (Brabant wallon). Vu la météo (manque de chaleur et pluie), il a fallu attendre le second week-end d’octobre pour s’y mettre. “C’est tout au long de l’année, qu’il a fallu faire un suivi intense des vignes”, raconte Anne Balduyck. D’abord une dizaine de nuits de gel au printemps, puis les maladies liées à la pluie lors de l’été, et à l’automne, la pourriture à cause de la pluie stagnant entre les raisins.

Cépage bourguignon
Mais ce couple d'agriculteurs, qui s'est diversifié dans le vignoble, reste optimiste. Ils viennent d'ailleurs d'agrandir leur parcelle actuelle(pinot blanc, pinot noir, auxerrois, chardonnay). En faisant un pari sur le futur, et surtout sur le réchauffement climatique. "Exactement, s'amuse Anne. Quand on a choisi les cépages en 2015 pour faire les plantations en 2016, on est allés sur des cépages de type nordique, qui supportent plus facilement la pluie, le froid etc. Ici, on a donc replanté un hectare, juste à côté de la ferme. Et on a choisi un type bourguignon.Vous voyez déjà la différence ! En espérant, évidemment que ce soit comme l'an dernier où il faisait bon. Le climat allait dans le bon sens, mais cette année, on se retrouve de nouveau dans quelque chose qui est plus ressemblant à ce que la Belgique a connu depuis longtemps. Ici, on est plus sur un pari de se dire : il y a un changement climatique, il va être plus positif. Mais cela pose d'autres questions : si on n'a pas de pluie, cela veut dire qu'on devra s'équiper au niveau d'un goutte-à-goutte. Faut-il déjà investir ? C'est assez compliqué, on n'a pas de recul, on n'est pas certains par rapport à l'avenir. Les changements climatiques, cela peut être positif, si on va vers de la chaleur, mais si on va vers de la pluie, comme cette année, c'est néfaste… Maintenant, on constate aussi, que, de manière générale, les températures ont évolué. On se retrouve sur un climat équivalent à la Champagne, Bourgogne. Si on est sur ce genre de climat, c'est positif pour le développement des vignes en Wallonie."

Pour Pierre Rion, qui créa le Domaine de Mellemont en 1993 et préside l'association des vignerons wallons, même s'il s'attend à une perte, en gros, de 50 % pour les vendanges de cette "annus horribilis" , il reste optimiste. "Si on prend les dix dernières années comme échantillon, force est de constater qu'on a eu une majorité de très bonnes années. Dans un échantillon, il y a toujours des exceptions. Donc, je reste optimiste, j'ose croire que cette année est un accident. Le changement climatique se fait sur 20 ou 30 ans. La grande tendance, c'est qu'on a un réchauffement, des étés plus caniculaires et c'est très bien pour la vigne.Mais on peut aussi avoir des phénomènes extrêmes. Quelle va être la moyenne des 30 prochaines années, je n'en sais rien, mais j'ai plutôt tendance à penser que le changement climatique nous sera profitable."

Engouement
Les températures à la hausse contribuent d'ailleurs à l'engouement pour les vignes et le vin wallons. "Le consommateur se dit qu'il fait chaud chez nous, et dans l'inconscient collectif, on associe pays chaud et bon vin !" Et du côté des producteurs, "en trois ans, on a doublé la surface de vignobles en Wallonie", précise encore Pierre Rion, qui ajoute qu'il s'agit aussi bien d'agriculteurs en diversification, de créateurs partant d'une page blanche, d'investisseurs ou encore de "grandes familles". Cet optimisme général, le climatologue Sébastien Doutreloup (ULiège) cherche à l'objectiver. Il a entamé une recherche visant à déterminer l'impact des changements climatiques sur la vigne en Wallonie, et idéalement à aider les vignerons à choisir un cépage rentable adapté à un climat futur. "Il s'agit de répondre à la question : en Belgique, le climat de demain, pour la vigne, sera-t-il meilleur que celui d'aujourd'hui ? A priori, certains paramètres vont être meilleurs, comme la température et les précipitations moins importantes en été et plus importantes en hiver A priori, il y aura moins de gel, durant le printemps, la période gélive (octobre à avril) sera raccourcie (à décembre-février), en gros. C'est ce que le Giec annonce pour nos régions. Tous ces facteurs sont positifs pour la vigne. Mais on sait aussi que le gel est dangereux quand la vigne a déjà débourré : cette année, certains cépages ont débourré en mars, suite à une période chaude. Mon hypothèse est que même avec un réchauffement climatique, la variabilité en Belgique sera maintenue, et qu'il y aura donc encore un risque de gel en avril."D'autre part, signale-t-il, on prévoit plutôt les sécheresses importantes à partir de 2070, avant ce serait les précipitations extrêmes qui pourraient primer.

Indice de Huglin
Actuellement, le nombre de jours chauds augmente déjà en été. Cependant, le climat vinicole est toujours qualifié de "froid" en Belgique, selon l'indice de Huglin. Un indice de 1500 – la moyenne actuelle de la Belgique est de 1511 (contre quasi 1700 en Champagne) – est le minimum pour pouvoir cultiver des vignes sur un territoire. Mais cette année, c'était 1381, selon ses calculs : "Alors que pour comparer en 2020, on était à 1782, en 2019 à 1608 et 2018 à 1504. Donc d'une part, on peut dire que la variabilité météorologique en Belgique reste assez importante et d'autre part que 2021 est une année avec un indice faible d'où la certaine difficulté pour les raisins (selon le cépage) d'arriver à maturation. Il manque des degrés/jour", remarque encore Sébastien Doutreloup. "Les années deviennent de plus en plus propices à la vigne, mais dans la variabilité annuelle en Belgique, il reste des années difficiles pour les vignerons. Les amateurs n'auront pas trop de problèmes, mais les professionnels peuvent encore avoir des problèmes à cause du climat en Belgique