Les Etats-Unis et la Chine créent la surprise à la Cop 26
Après dix jours d’annonces en tout genre, le sommet climat de Glasgow est véritablement entré dans le vif des débats ce mercredi, avec la présentation d’un premier projet de texte de conclusions générales.
Publié le 10-11-2021 à 21h13 - Mis à jour le 12-11-2021 à 19h58
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Rédigé par la présidence britannique de la Cop 26, ce document tente de synthétiser les attentes exprimées par les 197 pays signataires de la Convention climat des Nations unies. Il acte un constat martelé dans toutes les langues au cours des dernières semaines : en l’état actuel des choses, malgré les nouveaux engagements nationaux annoncés par de nombreux pays pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, il reste un énorme fossé à combler si l’on entend parvenir à limiter le réchauffement global à 1,5 °C d’ici à la fin de ce siècle. Un seuil qu’il est éminemment souhaitable de ne pas dépasser, insiste le texte, rappelant que « les impacts du changement climatique seront bien moindres avec un réchauffement de 1,5 °C comparé à 2°C ».
À ce stade pourtant, et malgré la multiplication des promesses d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, les efforts que les Etats sont prêts à consentir au cours de la prochaine décennie ne les placent absolument pas sur une trajectoire compatible avec cette ambition. Les nouveaux engagements annoncés ces derniers jours n’ont guère changé la donne. S’ils sont tenus, le monde s’oriente vers une augmentation de 13,7 % des émissions de CO2 en 2030, alors qu’elles devraient être réduites de 45 % (par rapport à l’année de référence 2010), selon le Giec. A ce rythme, le thermomètre planétaire affichera, d’après les évaluations les plus récentes, une hausse située dans une fourchette de +2,4°C à + 2,7°C en 2100. On est donc toujours dans le rouge vif.
L’accent mis sur la nécessité d’accélérer les réductions d’émissions de CO2
Reflétant l’inquiétude manifestée par de nombreux acteurs, le document appelle les Etats à muscler sérieusement leurs engagements dès l’année prochaine, alors que l’accord de Paris prévoit normalement que ces contributions nationales soient révisées tous les cinq ans. Le texte esquisse également la possibilité de mettre en place un programme de travail pour renforcer les ambitions climatiques de façon continue au cours de cette décennie capitale, en mettant notamment sur pied une réunion ministérielle annuelle de « haut niveau ».
Plus inédit, il invite pour la première fois l’ensemble de la communauté internationale à accélérer l’abandon du charbon, mais aussi à mettre fin aux subsides aux énergies fossiles dans leur ensemble. Une mention inédite qui se heurtera sans nul doute à l’opposition des pays producteurs de pétrole et de gaz, en tête desquels l’Arabie saoudite, accusée par Greenpeace de bloquer tout progrès dans les négociations.
Ce jeudi, une vingtaine de pays devraient également annoncer leur ralliement à la « Beyond Gas and oil Alliance », une coalition lancée à l’initiative du Danemark et du Costa Rica pour rassembler des pays qui s’engagent à accélérer l’abandon du pétrole et du gaz.
Trop peu sur l’aide financière aux pays pauvres
Si l’accent est fortement mis sur la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour garder le cap de 1,5°C, ce projet de conclusions fait preuve de davantage de fatalisme sur les questions de financement, se contentant d’acter les promesses non tenues par les pays riches de mobiliser 100 milliards de dollars par an à dater de 2020 pour aider les pays vulnérables à réduire leurs émissions et à s’adapter aux impacts des dérèglements du climat.
Reconnaissant l’ampleur que prend cette question de l’adaptation au regard de la multiplication des catastrophes climatiques directement corrélée à l’augmentation des températures, il reconnaît « avec de sérieuses inquiétudes » que les flux financiers doivent s’accroître dans cette direction et invite les pays donateurs à doubler les aides dédiées à ces mesures. En 2019 en effet, à peine 20 des 80 milliards de dollars mobilisés par les pays riches l’ont été pour l’adaptation, alors que les pays pauvres exigent qu’à l’avenir ces moyens financiers aillent pour moitié aux mesures de réduction des émissions de CO2 et pour moitié à l’adaptation.
Tout en reconnaissant de façon explicite la nécessité de renforcer les moyens de soutien aux pays les plus vulnérables pour les pertes et préjudices irréversibles qu’ils subissent, le texte évite toutefois de mentionner tout mécanisme de financement spécifiquement dédié à ce volet. Ce point fait pourtant l’objet de revendications répétées avec insistance depuis une dizaine d’années par les pays pauvres les plus affectés par les impacts du réchauffement alors que leur responsabilité dans le déclenchement de ce processus est infime. Une hypothèse dont les Etats-Unis et l’Union européenne ne veulent pas entendre parler, car elle pourrait donner corps à des demandes de réparation en justice par les pays touchés afin d’obtenir compensation pour les dommages subis.
Les pays pauvres n’ont d’ailleurs pas masqué leur déception après la publication de ce brouillon, estimant qu’il reflétait trop peu leurs attentes, tandis que les ONG soulignaient pour leur part la nécessité de renforcer sérieusement les ambitions sur tous les fronts.
Annonce surprise de la Chine et des Etats-Unis
Alors que cette « pièce à casser » doit être débattue ce jeudi en séance plénière, les Etats-Unis et la Chine ont créé la surprise mercredi soir en annonçant avoir conclu un accord bilatéral pour « renforcer l’action climatique » ; les deux superpuissances reconnaissant « l'écart existant entre les efforts actuels et les objectifs de l'accord de Paris ».
Washington et Pékin s’engagent notamment à coopérer dans la définition des normes environnementales réglementaires, sur la transition vers les énergies propres et le déploiement de technologies de capture et stockage du CO2, mais aussi en matière d’économie circulaire, d'éco design et d’utilisation des ressources renouvelables.
Promettant de mettre sur pied un groupe de travail qui se retrouvera régulièrement pour discuter des solutions climatiques, les deux plus importants émetteurs de gaz à effet de serre de la planète affirment en outre leur volonté d’agir pour réduire les émissions de méthane et lutter contre la déforestation.
Une déclaration inespérée compte tenu du climat de tension et des nombreux sujets de dissension qui existent entre ces deux pays. On verra ce jeudi si elles donnent un nouveau souffle à des négociations qui semblaient à nouveau parties pour s’embourber.