Ordinateurs portables, télévisions, électroménager : vers un indice pour mesurer la "réparabilité" de nos appareils
Le Fédéral a présenté son plan pour booster l’économie circulaire. À l’achat, nos appareils électriques neufs se verront attribuer un “Repair Score”, un indice de réparabilité. À terme, les voitures ne seront pas épargnées par un tel indice.
Publié le 11-01-2022 à 15h11 - Mis à jour le 12-01-2022 à 13h37
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Vérifier en un coup d'œil qu'un produit que l'on acquiert est (facilement) réparable ? C'est l'objectif du "Repair Score" (indice de réparabilité), l'une des vingt-cinq mesures "concrètes" du plan fédéral pour le déploiement de l'économie circulaire présenté conjointement, en décembre dernier, par les SPF Économie et Environnement. Un plan qui doit permettre au pays de sortir du mode "extraire-fabriquer-consommer-jeter", encore largement en vigueur en Belgique.
Une priorité belge
Le timing ne doit rien au hasard. Tous les États européens sont invités à booster la circularité de leur économie (et à collaborer entre eux), puisqu'il s'agit d'un des principaux axes du pacte vert pour l'Europe enclenché par la Commission européenne. Laquelle estime que l'économie de l'Union est (beaucoup) trop linéaire à l'heure actuelle : "12 % seulement des matières et des ressources secondaires y sont réintroduites", selon l'exécutif européen.
Parmi les mesures (lire encadré) que comporte ce plan fédéral d'envergure, "l'indice de réparabilité" figure en seconde position, juste derrière l'amélioration de la conception de certains produits en vue de faciliter leur recyclage. Concrètement, "cet indice a pour objectif d'informer le consommateur de la réparabilité du produit qu'il compte acquérir", indique le SPF Économie. Sur la forme, "l'indice sera affiché sous forme d'étiquette, d'affiche ou toute autre forme appropriée", mais aussi, "lorsque cela s'avère pertinent, le produit devra aussi proposer un compteur d'usage (similaire à un compteur kilométrique)."
Cinq catégories pour commencer
Cinq catégories sont d'ores et déjà concernées : les ordinateurs portables, lave-linge, télévisions et tondeuses à gazon électrique. Soit les mêmes produits déjà soumis à un score de réparabilité en France depuis le 1er janvier 2021. "Nous ne partons pas de rien, le modèle de nos voisins français est une très bonne base", nous glisse-t-on du côté du SPF Économie, qui estime que "nos voisins ont réussi à mettre cette mesure en application récemment avec succès".
D’autres produits pourraient être assez rapidement concernés, tels les vélos (notamment électriques), mais cela dépendra des discussions en cours avec les Français, mais aussi Luxembourgeois et Néerlandais.
L'indice se basera sur des critères tels que "la disponibilité des pièces détachées nécessaires au bon fonctionnement du produit, leur prix, la disponibilité des manuels de réparation, la facilité de réparation (démontage, accès aux pièces), etc.", précise le document du SPF Économie.
Vers la durabilité
À terme, cet indicateur de réparabilité devrait évoluer "vers un indice de durabilité permettant de couvrir d'autres aspects allant au-delà de la réparabilité et permettant ainsi d'informer le consommateur sur la durée d'usage du produit", explicite le SPF Économie, qui a noté que "les consommateurs attendent des informations sur la durabilité des produits, et non pas seulement sur leur réparabilité, et qu'ils sont souvent prêts à payer plus cher pour des produits plus durables."
Mais d'ici là, il faudra surmonter quelques écueils : "La principale difficulté, c'est la disponibilité des données (relatives aux appareils, provenance ou disponibilité des matériaux, pièces etc.)", tempère Bart Mantels, expert en soutenabilité au sein du bureau de recherche Vito (Flandre). En 2018, le bureau s'était en effet fendu, en partenariat avec la KUL, d'une étude sur le "Repair Score" à l'échelle du Benelux. "Chaque circuit de réparation est confronté à ses propres défis et il convient d'en tenir compte lors de l'évaluation de la réparabilité des produits", pouvait-on lire. "Pour l'étude conduite avec la KUL, résume aujourd'hui Bart Mantels, c'était également assez compliqué du fait que nous devions récolter des données dans la littérature scientifique."
Une analyse partagée par le SPF Économie : "Il est à noter que le développement d'un tel indice pose une série de challenges : collecter et centraliser les données, fixer des critères objectifs de cotation, garantir une bonne lisibilité pour les consommateurs, assurer le respect de cette obligation pour les entreprises", explique Nicolas Gillard, porte-parole du ministre Dermagne, ajoutant que "les concertations vont bon train. Le Conseil fédéral du développement durable (CFDD) et le Conseil central de l'économie, rassemblant notamment les représentants des entreprises, syndicats, ONG et consommateurs, ont été concertés une première fois sur l'ensemble du plan
(de 25 mesures, NdlR) et seront concertés une deuxième fois lors du développement de la mesure (le Repair Score, NdlR) pour s'assurer que l'avis des parties prenantes soit entendu."
Concernant le calendrier précis, les ministres Pierre-Yves Dermagne (ministre de l’Économie, PS) et Zakia Khattabi (ministre de l’Environnement, Écolo) se sont engagés à faire une proposition mi-février, ainsi qu’à détailler le cadre juridique, qui reste à déterminer.
Mesures fortes
Contrôle. Outre le "Repair Score", le fédéral entend pousser les fabricants à "fournir de l'information sur le maintien de la compatibilité logicielle des smartphones, tablettes et ordinateurs, etc." De même, le développement d'une certification fiable pour le contenu en matériaux recyclés est également sur les rails, tout comme la surveillance accrue des substances chimiques préoccupantes afin de renforcer la circularité des produits. Dans le même ordre d'idées, "un document de guidance sur les allégations environnementales a été rédigé et devrait être publié prochainement". Une mesure visant explicitement à contrer toute velléité de greenwashing de la part des fabricants.
Suppression. Une série de produits à usage unique, principalement plastique, seront supprimés au profit d'alternatives réutilisables. La liste de ces produits est en cours d'élaboration. Une campagne de communication afin de sensibiliser les consommateurs à la consommation durable et à l'économie circulaire en Belgique va par ailleurs être lancée.
La Flandre pilote un Eco Repair Score pour les voitures
Et les voitures alors ? Avec le boum incontournable de l’électrification du parc automobile – réduction du bilan carbone oblige – on pourrait s’attendre à ce qu’un Repair Score digne de ce nom ne fasse pas l’impasse sur ce secteur hautement crucial et largement soumis à des aléas de réparations régulières. Et pourtant, nulle mention dans le plan fédéral d’un tel indice pour ce secteur. À moins que…
La Flandre aux manettes
En y regardant à deux fois, un Eco Repair Score pour les voitures est en réalité bel et bien sur les rails. À ceci près ce n'est pas le fédéral qui est aux manettes, mais la Région flamande, par l'entremise du bureau Vito (dont la Région est l'unique actionnaire), en collaboration avec le cabinet d'expertise automobile et d'assurance Vonck. "Avec notre Eco Repair Score, nous cherchons à savoir quel est l'impact environnemental de chaque réparation d'un véhicule endommagé en fonction des matériaux, des pièces et les produits dont on a besoin et de leur disponibilité. De cette façon, on mesure donc, pour la première fois, le coût environnemental d'une réparation", nous explique Wout van den Abbeele, directeur de Vonck."Notre Eco Repair Score n'est pas directement destiné aux consommateurs", rebondit Bart Mantels du côté de Vito, même si, à terme, "une étiquette plus facile à comprendre avec les gradations(de type ABCDE, NdlR)sera introduite."
En vigueur en Europe ?
"Un projet pilote avec entre autres des assureurs est en cours afin d'automatiser les calculs de l'Eco Repair Score", complète Wout Van den Abbeele, qui ne fait pas mystère des ambitions de Vito et Vonck : "Un conseil des sages est en cours d'installation avec tous les acteurs du secteur, y compris les gouvernements, qui surveillera le développement et l'utilisation correcte de l'Eco Repair Score." L'objectif étant, selon le directeur de Vonck, d'introduire cet indice (et la méthode de calcul qui va avec) "dans toute l'Europe."