"Les roquettes qui détruisent les villes d'Ukraine sont achetées avec l’essence des voitures européennes" : l'appel de 25 ONG à stopper les importations russes

“Mettons fin aux importations de pétrole russe pour arrêter de financer la guerre de Poutine”, demandent 25 ONG européennes. Les organisations, basées d'Ukraine au Portugal en passant par la Belgique, exigent également que le pays d’origine du pétrole soit clairement indiqué dans les stations-service.

"Les roquettes qui détruisent les villes d'Ukraine sont achetées avec l’essence des voitures européennes" : l'appel de 25 ONG à stopper les importations russes
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L'Union européenne devrait mettre un embargo sur toutes les importations de pétrole et de gaz en provenance de Russie afin d'arrêter de financer la guerre de Poutine contre l'Ukraine, affirment 25 ONG environnementalistes de 15 pays européens dans un appel public aux dirigeants. La coalition, qui comprend plusieurs associations belges dont Inter-Environnement, demande également que le pays d'origine des produits pétroliers soit clairement indiqué dans les stations-service afin de garantir que les consommateurs ne financent pas "par inadvertance le régime de Poutine". "Nous demandons aux compagnies pétrolières, aux distributeurs de carburant et aux stations-service de divulguer la part de l'essence et du diesel vendus qui provient de Russie. Nous demandons aux gouvernements d'introduire des règles pour s'assurer que les détaillants de carburant fournissent ces informations."

Depuis l’invasion russe de l’Ukraine, les prix du gaz en Europe atteignent des sommets. Dans un rapport publié jeudi, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) affirme que l’Union européenne a la possibilité de réduire en un an d’un tiers ses importations de gaz naturel russe, en augmentant les importations d’autres sources, en investissant encore davantage dans l’énergie renouvelable et en améliorant l’efficacité énergétique. Le remplacement des chaudières à gaz par des pompes à chaleur, l’augmentation de la production d’électricité par le nucléaire et l’absence de nouveaux contrats avec la Russie sont d’autres leviers évoqués par l’agence. Le directeur exécutif de l’AIE Fatih Birol a déclaré que l’Europe devait agir rapidement pour se préparer à de nouvelles incertitudes sur l’approvisionnement en gaz russe l’hiver prochain.

Pour la coalition de 25 ONG, les pays devraient introduire un tarif ou une taxe sur les exportations russes de combustibles fossiles avant un embargo complet sur les importations de ceux-ci. "Le pétrole représente quatre dollars sur cinq provenant des exportations russes de pétrole et de gaz et a soutenu les dépenses militaires de Poutine pendant plus de deux décennies. Cela doit s'arrêter", dit la coalition qui réunit des ONG de Kiev à Lisbonne.

Pétrole et gaz pas dans les sanctions

“La guerre illégale de la Russie contre l’Ukraine est dévastatrice pour le peuple de notre pays. Les missiles et les bombes russes tuent des centaines de défenseurs et de civils ukrainiens. Cela ne fera qu’empirer”, renchérit Heorhiy Veremiychyk, du Centre écologique national d’Ukraine. Nous avons besoin d'une action urgente afin de paralyser la capacité du régime de Poutine à financer la guerre. La Russie continue de recevoir des paiements des gouvernements européens qui financent par inadvertance l’assaut de la Russie contre l’Ukraine. Cela doit cesser."

Jusqu’à présent, le pétrole et le gaz n’ont pas été inclus dans les sanctions économiques qui, bien que nécessaires, n’arrêtent pas l’avancée russe, soulignent les auteurs de la lettre ouverte. "Chaque jour, les pays de l’UE continuent de transférer des centaines de millions d’euros de pétrole et de gaz au régime de Vladimir Poutine – estimé entre 80 et 85 milliards d’euros en 2022 – pour payer sa guerre illégale contre l’Ukraine. Les deux tiers des importations russes de pétrole sont utilisés dans les transports."

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Selon les calculs de l'institut de recherche allemand IfW, qui a simulé les sanctions commerciales qui auraient le plus d'effet, "avec un embargo sur le commerce du gaz, la production économique russe diminuerait de près de 3 % ; avec un embargo sur le pétrole, d'environ 1 %".

Le gel du commerce des combustibles fossiles avec la Russie aura bien des impacts sur les prix de l’énergie, concèdent les ONG signataires, "mais l’extraordinaire agression militaire de Poutine nécessite une réponse extraordinaire". Ils appellent les gouvernements à prendre des mesures décisives pour protéger les ménages et les entreprises des effets négatifs de la crise énergétique. Les pays de l’AIE qui disposent de 90 jours de réserves de pétrole pour les urgences devraient les déployer pour soutenir les pays fortement exposés à la Russie, selon elles.

William Todts, directeur exécutif de Transport&Environnement, fédération d'ONG européennes basée à Bruxelles, a déclaré : “Les roquettes qui détruisent les villes ukrainiennes sont achetées avec l’essence des voitures européennes. Depuis 20 ans, nous payons l’argent du sang à Poutine. Mettre fin à notre dépendance au pétrole n’est pas seulement un impératif moral pour lutter contre le changement climatique, c’est crucial pour mettre fin à cette guerre."

Par ailleurs, les ONG demandent d'adopter d’urgence un plan d’action pour réduire la consommation de pétrole à court terme, "car le simple passage du pétrole russe au pétrole du Moyen-Orient ou à d’autres sources n’est pas une solution, ni pour le climat, ni pour les droits de l’homme, ni pour la sécurité énergétique. Les mesures de transport potentielles comprennent le maintien d’une part élevée de travail à domicile et de collaboration virtuelle pour éviter les déplacements inutiles en voiture et en avion, les réductions de vitesse, l’éco-conduite, les restrictions de conduite, la promotion de la marche, du vélo et des transports publics, et l’organisation de week-ends sans voiture dans les villes. Tout cela réduira la dépendance à l’égard du pétrole importé et réduira la pression à la hausse sur les prix du pétrole." Ils revendiquent aussi des mesures "pour accélérer radicalement et immédiatement la production d’énergie éolienne et solaire et pour accélérer les mesures d’efficacité énergétique, en particulier la rénovation des bâtiments". Parmi d'autres mesures, l’UE et ses États membres devraient aussi selon les signataires doubler leurs investissements dans les économies d’énergie et les investissements respectueux du climat dans le cadre des 723 milliards d’euros du fonds de relance et de résilience de l’UE. Enfin, la Commission devrait immédiatement retirer sa proposition d’étiqueter le gaz comme “vert” dans la taxonomie européenne de la finance durable.

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