Faire pousser de la biomasse sur des sites marginaux, une solution d'avenir? "Il existe actuellement un très haut potentiel"
Après quatre ans, le projet New-C-Land touche à sa fin. En plantant de la biomasse sur des sites considérés comme marginaux, les chercheurs et personnes impliquées dans le projet espèrent montrer que des chaînes de valeur existent... et rapportent.
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Publié le 28-06-2022 à 06h55 - Mis à jour le 28-06-2022 à 06h56
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Qu'ont en commun le site d'une ancienne usine de produits chimiques à Auvelais, l'ancienne cour d'un hangar industriel Roeselare ou encore une ancienne décharge en périphérie de Lille ? Difficiles d'accès, pollués ou situés en zone inondable, tous ces terrains sont inutilisés et ne conviennent ni à l'agriculture à but alimentaire, ni à l'implantation d'habitations. Ils sont pourtant loin d'être inutilisables. Ces sites marginaux font partie des nombreux lieux identifiés comme ayant un potentiel de production de biomasse par le projet New-C-Land.
Lancé en juillet 2018, ce projet de recherche avait pour ambition de stimuler la croissance du secteur bio-économique en créant des synergies entre la région des Hauts-de-France, la Wallonie et la Flandre, acteurs du programme européen de coopération transfrontalière Interreg. Quatre ans plus tard et alors qu'il touche à sa fin dans quelques jours, le 30 juin, l'heure est au bilan. Et il est plutôt positif, selon Evi Michels, chercheuse à l'UGent et cheffe de file du projet New-C-Land.
"Il y a une demande croissante en biomasse", expliquait-elle à l'occasion de l'événement de clôture du projet, en rappelant toutefois l'importance de tenir compte des principes d'utilisation durable des terres. "La bioéconomie ne doit pas menacer la production alimentaire locale", a-t-elle insisté. C'est d'ailleurs là l'un des atouts de la démarche entamée via New-C-Land : en utilisant des terrains marginaux inutilisés, la production alimentaire locale n'est pas entravée.
Cinq voies de valorisation envisagées
Pour parvenir à identifier les sites marginaux susceptibles d’être utilisés à pour la production de biomasse, des outils ont été développés par les équipes de New-C-Land. Le but est d’accompagner et de guider les porteurs de projet, tout en facilitant la mise en relation de tous les acteurs concernés et notamment avec les gestionnaires de ces sites.
Depuis 2020, un inventaire accessible en ligne répertorie les zones pouvant être utilisées pour produire de la biomasse, ainsi que les utilisateurs finaux. Des informations relatives aux sites sont disponibles pour chacun d'entre eux : personne de contact, surface disponible, historique, mais aussi des indications au niveau des contraintes comme la pollution du site ou de la biodiversité présente sur place.

Au total, cinq voies de valorisation ont été mises en évidence : le bioraffinage (pour produire des carburants “verts”), la construction (utiliser la matière végétale pour produire de l’isolant ou des panneaux de construction, par exemple), le textile, la combustion (pellets de chauffage) et la méthanisation (production de gaz et d’électricité).
Au terme de ce travail, Evi Michels espère que l'impulsion donnée par le projet a permis de montrer que la culture et l'utilisation de biomasse issue de sites marginaux étaient des options intéressantes et viables économiquement. "Il existe actuellement un très haut potentiel qui nécessite, dans le futur, encore des investissements et des développements pour émerger", souligne-t-elle.
Une fois le terrain sélectionné, encore faut-il savoir quoi planter pour obtenir un rendement optimal. Un outil d’aide à la décision a été créé pendant le projet afin de définir, au cas par cas, la meilleure manière de valoriser un site et les cultures les plus adaptées au lieu. Des fiches cultures ont été élaborées pour huit variétés parmi lesquelles le chanvre, le miscanthus, le robinier, l’aulne ou encore le peuplier. Elles permettent d’aborder tant les aspects techniques qu’économiques et donnent aux producteurs une image plus globale des valorisations possibles pour chacune des espèces.
La coopération transfrontalière paie
Outre l’utilisation des terrains, le projet a permis de renforcer les connaissances des différents acteurs ainsi qu’un aperçu des besoins et opportunités, mais aussi des différents goulots d’étranglement.
Exemple du côté de Charleroi, sur l’ancien site minier du Martinet, abandonné suite à la fermeture du charbonnage. Les 55 hectares du site ont retrouvé une nouvelle vie grâce à la mobilisation citoyenne et au projet New-C-Land. Et ce n’était pas gagné : plusieurs poches de pollution se trouvaient sur le terrain. Des recherches ont été menées sur l’influence de la plantation de biomasse sur la contamination des sols. Deux procédés se sont distingués : la phytoremédiation, par laquelle les cultures présentes immobilisent les polluants, et la phytoextraction, quand les cultures absorbent les polluants dans les racines de la plante et les transportent vers les feuilles.
Une fois le site dépollué, il a fallu le réaménager. Trois zones ont été identifiées pour accueillir la production de biomasse. Du miscanthus a été planté dans une zone centrale d’approximativement 2 hectares, qui accueille un taillis à très courte rotation expérimental. Une forêt de bouleaux de 3 hectares, gérée de manière durable et en faveur de la conservation et de la protection de la faune et la flore présente sur le site. Enfin, plusieurs entreprises se sont installées dans les bâtiments. L’objectif est de pouvoir produire l’énergie dont ont besoin ces entreprises en circuit extra-court, sur le site-même.

Le travail réalisé pendant ces quatre années a également permis de mettre en évidence des zones de forte complémentarité, créant dix chaînes de valeur transfrontalières. Exemple en Flandre, où la bio-économie suscite un réel intérêt mais où la concurrence pour les terrains disponibles est très forte. Et pour cause : l’industrie, les logements et l’agriculture laissent peu de place pour de nouveaux développements.
Grâce au projet New-C-Land, une solution a été trouvée sur le site Terre à vernir, à Leuze-en-Hainaut. Flamands et Wallons ont coopéré pour mettre en place deux chaînes de valeur. D’une part, une production de miscanthus valorisée en combustible, mené par les entreprises Phitech et Biosynergie. D’autre part, du chanvre transformé en matériau isolant par la société Exie.
"Si on a appris quelque chose, c'est qu'il y a d'autres possibilités et qu'il faut enlever les œillères pour trouver d'autres applications", conclut Evi Michels avec un optimisme prudent.