Paris-Nantes en char à voile ? "C’est vraiment le symptôme de toute une société qui peine réellement à se remettre en question"
La réaction de Christophe Galtier et de Kylian Mbappé sur les déplacements du PSG en jet privé fait couler beaucoup d'encre. Quelle analyse faire, à chaud, face à de telles attitudes ?
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Publié le 06-09-2022 à 18h11 - Mis à jour le 06-09-2022 à 22h35
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Une réponse en forme de boutade (même pas drôle) et un fou rire (jaune ?) : voilà ce dont a dû se contenter un journaliste venu interpeller en conférence de presse d'avant-match de Ligue des champions, l'entraîneur du PSG Christophe Galtier et l'iconique joueur Kylian Mbappé. Interrogé sur la possibilité de prendre avec son équipe de footballeurs le train au lieu de l'avion pour des trajets aussi courts qu'un récent Paris-Nantes effectué dans un Boeing 737 loué pour l'occasion, l'entraîneur français a choisi d'ironiser en ces mots : "Ce matin, on a discuté avec la société avec laquelle on fait nos déplacements pour savoir si on ne pouvait pas se déplacer en char à voile ." Une réponse qui n'a (probablement) amusé que son acolyte, aussitôt reparti dans un fou rire infantile.
Face à ces attitudes, les réactions n'ont pas tardé, fusant de toutes parts. Indécent, inacceptable, égoïste, irresponsable, méprisant, déconnecté, consternant… ne sont que quelques-uns des qualificatifs que l'on a pu lire suite à cette scène pour le moins pathétique.
Mais comment donc expliquer de tels comportements, dans le contexte économique et climatique actuel, alors que "la planète crame littéralement", comme le faisait remarquer un politique français ? Non mais c'est vrai, quoi : "On se réveille, les gars ?", a pour sa part lancé la maire de Paris, Anne Hidalgo.
De la difficulté à envisager une certaine sobriété énergétique
Politique de l’autruche ? Inconscience ? Résistance au changement, difficulté à envisager une certaine sobriété énergétique ? Quelle analyse faire, à chaud, face à de telles attitudes – a fortiori venant de personnalités qui pourraient se montrer exemplaires –, ici largement médiatisées, diffusées sur les réseaux sociaux, mais aussi fustigées ?
"Il est difficile de faire le procès d'une seule personne, alors que c'est vraiment le symptôme de toute une société qui peine réellement à se remettre en question de manière globale et à enclencher une autre façon de fonctionner dans son ensemble. On manque d'imagination et de créativité pour se réinventer collectivement. Alors, on se focalise sur les gestes individuels que chacun va poser", nous a répondu Emeline De Bouver, chercheuse en éducation à l'environnement et en éducation permanente au sein de l'association Écotopie. "Cette réaction nous montre surtout à quel point le système dans son ensemble est encore complètement déconnecté de la réalité écologique et des défis auxquels on doit faire face. Dans de nombreux métiers et domaines de l'existence, les gens sont encore installés dans des dynamiques structurelles qui ne tiennent pas compte de l'état du vivant. Ils sont mus et se déplacent à l'intérieur de structures qui ne les encouragent pas à penser autrement et à intégrer l'écologie."
Dès lors, comment espérer les faire changer ? "Aller vers la sobriété est complexe et lié à notre capacité à poser des choix, selon la sociologue. On demande à la personne de transformer sa pratique alors qu'elle est inscrite dans une logique plus globale qui n'est pas remise en question : croissance, progrès, absence de limites, surconsommation… Ces attitudes montrent que le fait d'intégrer la question environnementale dans tous nos métiers, nos décisions… n'est pas encore acquis. Nous sommes effectivement encore loin de réaliser que l'environnement est une priorité. Encore bien loin d'une conscience de l'urgence de transformer nos comportements, nos stratégies dans tous les domaines. Et peut-être que, dans certains milieux, comme celui du football, cela a encore peu percolé. L'avion est une des questions, mais il y en a évidemment encore bien d'autres à se poser."
Reste que, pour ce vol Paris-Nantes effectué en Boeing 737, la pollution engendrée par cet avion est sans commune mesure avec celle d’un train pour le même trajet. Le TGV aurait en effet rejeté environ 100 fois moins de CO2 dans l’atmosphère, soit l’équivalent de 134 kg pour 56 personnes en TGV contre plus de 13 tonnes pour l’avion, d’après nos confrères du Monde.