Obligation de rénovation des bâtiments, réduction de la vitesse sur les autoroutes, limitation des activités des aéroports… Le projet de Plan Climat wallon 2030 propose une rupture
Le ministre wallon du Climat Philippe Henry a actualisé la stratégie climatique wallonne. Un projet qui comporte une mise à jour de mesures existantes et propose une série de nouvelles mesures pour permettre à la Wallonie de réduire de moitié ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030.
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- Publié le 09-09-2022 à 13h58
- Mis à jour le 09-09-2022 à 19h46
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Faire sa part. S’il faut résumer en une formule simple le projet de Plan wallon Air Climat Énergie 2030 (Pace 2030) présenté ce vendredi par le ministre Philippe Henry (Écolo), c’est peut-être celle-là. Tout le monde va devoir faire (juste) sa part. Et ce ne sera pas une sinécure.
Souscrivant à l’objectif de réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne en 2030, et bien que les discussions intrabelges sur le partage de ces efforts entre les Régions soient toujours en cours, le gouvernement wallon est en effet tenu de mettre à jour sa stratégie climatique. Un devoir qui s’inscrit dans le cadre du Plan national Énergie Climat que la Belgique doit rentrer auprès des instances européennes pour le mois de juin 2023.
Depuis des mois, les experts des administrations compétentes se sont donc astreints à ce chantier gigantesque reposant sur plusieurs centaines de mesures qui doivent permettre de transformer les paroles en actes. La construction de ce projet de plan repose aussi sur un large processus de consultation, dont un panel de citoyens tirés au sort. A côté de l’actualisation de certaines actions déjà en cours, le document comporte de nouvelles propositions susceptibles de bouleverser fondamentalement le cadre et le mode de vie de la population… Et de faire grincer pas mal de dents. Une transformation rendue inéluctable par l’urgence climatique.
Le transport et les bâtiments aux premières loges
Conscient de cet écueil, le rapport – qui compte 214 pages - insiste sur la nécessité d'opérer cette transition d'une manière socialement juste et inclusive. Les ménages à revenus plus élevés " contribuent en moyenne significativement plus aux émissions de gaz à effet de serre" que les familles aux revenus modestes, relève le texte. La lutte contre la précarité énergétique, qui touchait quasiment un ménage wallon sur trois en 2020, soit bien avant la flambée des prix que nous connaissons actuellement, est ainsi mise en avant, tout en réitérant l'obligation de sortir des énergies fossiles. Un impératif qui devrait se traduire par l'abandon progressif des soutiens publics à ces dernières via les politiques d'investissement, de subventions et autres dispositifs d'aide.
Tous les secteurs de la société sont concernés, mais celui du transport (qui représentait 37 % des émissions wallonnes non-ETS en 2019) et celui des logements résidentiels (24%) seront les plus impactés.
S’il est évidemment impossible de résumer ce projet et ses multiples subtilités en quelques lignes, on peut néanmoins épingler quelques-unes des mesures avancées.
- En matière d' énergies renouvelables, le plan envisage diverses actions pour lever les obstacles juridiques au développement rapide des filières, et singulièrement de l'éolien. Il entend également faciliter le développement du partage d'énergie renouvelable entre les occupants d'un même bâtiment, favoriser l'autoconsommation et les communautés d'énergie entre citoyens ou entre entreprises, via par exemple, l'installation de panneaux photovoltaïques sur les toits des logements sociaux ou les réseaux de chaleur.

- Il prévoit par ailleurs de fixer des objectifs contraignants d'intégration de gaz renouvelable (obtenu par biométhanisation) aux sociétés de distribution afin de développer cette filière et de nouveaux mécanismes de soutien à cette dernière. Des projets pilotes de production de biocarburants de 2e génération (à base de déchets verts et non plus de cultures vivrières) sont aussi envisagés.
- Côté logements, l'accélération et la massification de la rénovation des bâtiments constitue un très gros morceau. L'objectif est simple : sonner le glas des "passoires énergétiques". Le projet de PACE prévoit ainsi des obligations de rénovation phasées dans le temps et un renforcement des normes énergétiques. A partir de 2027, tous les bâtiments sans exception devraient ainsi être labellisés en fonction de leur consommation d'énergie.

- A partir de 2024, les nouveaux logements proposés à la location devraient au minimum être de niveau F, une obligation qui se renforce tous les trois ans. En 2033, le label C sera au minimum exigé. La même philosophie s'applique pour les biens déjà en location, mais les dispositions ne prendraient cours qu'à partir de 2026.
Dès 2025, la vente d'un bâtiment existant s'accompagnerait de l'obligation pour le nouveau propriétaire de réaliser des travaux de rénovation pour atteindre un niveau de performance énergétique D dans les cinq ans après l'achat. Là encore, le seuil de performance exigé se renforcera tous les cinq ans pour atteindre le label A en 2040.
En parallèle, les biens les plus énergivores seront progressivement interdits de vente ou de location en l'état, entre 2030 et 2050. Les nouveaux bâtiments pour leur part verront le niveau d'exigence énergétique relevé au-delà de la norme qZEN actuelle (85 kWh/M2 par an), de façon à ce que le parc immobilier dans son ensemble obtienne en moyenne une mention A.
Les chauffages au mazout ou au charbon seront bannis dans les nouvelles constructions à partir du 1er janvier 2024.
Parmi les autres pistes envisagées, on peut encore noter l'idée d'imposer aux entreprises un rapportage de leurs consommations énergétiques via une plateforme en ligne et l'accompagnement de leur transition bas carbone dans le cadre d'accords volontaires afin, là aussi, de favoriser diverses synergies. L'octroi de certaines aides pourrait désormais être lié, à une série de conditions comme la réduction des émissions de GES, le respect de l'environnement et la garantie du maintien d'emplois locaux de qualité.
- A l'échelle industrielle , divers leviers sont proposés pour faire émerger une filière wallonne de l'hydrogène vert, mais aussi développer les techniques de capture et d'utilisation du CO2, pour le transformer en carburant synthétique par exemple.
- En matière d'économie d'énergie et de ressources , la sobriété et la réduction des gaspillages deviennent le cap à suivre. Pour y arriver, le plan propose d'interdire aux commerces et établissements ouverts au public de laisser leurs portes ouvertes quand les espaces sont chauffés ou climatisés. Il avance également la réduction des luminaires et panneaux publicitaires lumineux dans les centres commerciaux, commerces et autres, ainsi que l'extinction des lumières intérieures et extérieures de ces bâtiments pendant la nuit, tout comme la généralisation des éclairages intelligents dans les espaces publics (qui s'allument uniquement en cas de passage).
- Au rayon mobilité , l'objectif est de réduire l'usage de la voiture individuelle en faveur des modes de mobilité douce (le vélo, la marche…) et des transports en commun, en facilitant au passage le déploiement – via la fiscalité notamment - des véhicules électriques en lieu et place des motorisations thermiques.
Une ambition qui repose sur un principe de base : rationaliser les besoins en mobilité, via notamment le télétravail et le coworking, mais aussi plus largement en intégrant les enjeux d'une mobilité bas carbone dans les principes d'aménagement du territoire. En priorisant, par exemple, l'urbanisation à proximité des nœuds de mobilité ou en conditionnant l'attribution d'un permis à de tels critères. La volonté est aussi de réduire la place dévolue aux voitures dans les centres-villes en faveur d'autres modes de déplacement, d'augmenter l'offre en transports en commun et leur accessibilité ainsi que le nombre de parkings vélo, ou encore de favoriser l'instauration d'une journée sans voiture une fois par mois dans toutes les grandes villes wallonnes.
L'idée est par ailleurs retenue de favoriser la portabilité des droits d'enregistrement pour une habitation propre et unique afin de faciliter les déménagements.Dans la liste des sujets qui ne manqueront pas d'animer les conversations, on peut encore relever la volonté de réduire la vitesse maximale sur les autoroutes à 100 km/h, à 70 km/h sur les voiries régionales et d'aller vers une généralisation du 30 km/h dans les agglomérations.
Une révision de la redevance kilométrique des poids lourds figure également au menu.
- Dans la catégorie des sujets qui fâchent toujours, le secteur de l'aviation n'est pas oublié. Le projet de PACE prévoit ainsi de mettre fin à l'extension de l'aéroport de Liège tant au niveau du nombre de vols que du développement des infrastructures, mais également de revoir à la baisse les objectifs de croissance de l'aéroport de Charleroi et d'encourager le recours au train pour les destinations de courte et moyenne distance. La Wallonie défendrait également une limitation de l'utilisation des jets privés auprès des instances européennes.

- Enfin, dans les mesures diverses, on peut relever la volonté d'encadrer le développement de la 5G pour que l'effet rebond qui découle de son utilisation n'aille à l'encontre des objectifs climatiques ou encore celle de réduire la pression publicitaire pour les produits polluants.
Voilà pour les intentions. Le document qui a déjà fait l'objet d'une série de discussions en intercabinets, qualifiées " pas faciles" par un participant, est désormais entre les mains des membres du gouvernement. Nul doute que ceux-ci auront à l'esprit les conséquences des inondations de 2021 et de la sécheresse de cet été au moment de réaliser leurs arbitrages.
LE CONTEXTE
Dans le cadre des nouveaux objectifs européens de lutte contre le réchauffement climatique, la Belgique doit, d’ici à 2030 et par rapport à l’année de référence 2005, réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 47 % dans les secteurs dits non-ETS (transport, bâtiments, agriculture, déchets…). Des réductions auxquelles s’ajoutent celles que doivent réaliser les industries lourdes dans le cadre du marché carbone européen (l’ETS).
Un effort considérable qui induit de porter la part des énergies renouvelables dans la consommation finale à 40 %; d’améliorer sensiblement l’efficacité énergétique, c’est-à-dire consommer moins d’énergie pour un même usage ; et de façon marginale de renforcer la capacité des puits de carbone naturels (forêts, prairies…) à stocker le CO2.
En ligne de mire, l’ambition d’atteindre le « graal » climatique de la neutralité carbone en 2050 et de parvenir de la sorte à limiter la hausse des températures à un maximum de 1,5°C. Un effort que doivent se partager les trois gouvernements régionaux et le Fédéral.
LE CHIFFRE
En Wallonie, réduire de 55 % les émissions totales de gaz à effet de serre revient à ramener celles-ci à un niveau de 25 Mt en 2030. Un chiffre à comparer avec les 51 Mt comptabilisés en 2005.
Y parvenir nécessite de multiplier par dix les efforts de réduction annuels par rapport au taux de réduction moyen observé ces trente dernières années...