Les dérèglements climatiques favorisent l’expansion du virus de Lassa
Le nombre de personnes potentiellement exposées à ce virus pourrait passer de 92 millions aujourd’hui à 700 millions en 2070, selon une étude à laquelle ont contribué des scientifiques de l'ULB.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/50f2df15-e66c-436e-8046-e2369826279b.png)
- Publié le 27-09-2022 à 11h00
- Mis à jour le 28-09-2022 à 11h44
Alors qu'il est actuellement essentiellement présent en Afrique de l'Ouest - et singulièrement en Sierra Leone, au Liberia, en Guinée, mais aussi au Nigeria - , le virus de Lassa pourrait gagner de vastes zones d'Afrique centrale au cours des prochaines décennies. Une potentielle expansion géographique que les auteurs d'une étude publiée ce mardi dans la revue Nature Communications associent au changement climatique et de l'utilisation du sol. La température, les précipitations et la présence de zones de pâturage sont des facteurs clés déterminant les conditions propices à la circulation du virus, soulignent-ils.
Le nombre de personnes potentiellement exposées à ce virus, qui se transmet à l’homme par l’intermédiaire d’un rongeur (le rat plurimammaire du Natal), risque donc également d’enregistrer une croissance impressionnante. De 92 millions de personnes exposées aujourd’hui, il pourrait passer à plus de 450 millions en 2050 et 700 millions en 2070, soit une augmentation de plus de 600 %.
Les estimations disponibles font état de plusieurs centaines de milliers d’infections chaque année, alors qu’il n’existe à l’heure actuelle aucun vaccin ni traitement efficace pour traiter la maladie. Si 80 % des personnes infectées ne souffrent que de symptômes légers, voire sont asymptomatiques, les 20 % restants développent des formes graves, avec une issue très souvent mortelle ou des séquelles durables pour les survivants.
Une dispersion lente
« Il s'agit cependant de projections réalisées à l'aide de modèles et non de prévisions », insiste le Dr Simon Dellicour, chercheur qualifié FNRS au Laboratoire d'Épidémiologie Spatiale de l'ULB, qui cosigne cette étude avec la Dr Raphaëlle Klitting, chercheuse postdoctorale au Scripps Research. La particularité de cette recherche, embraie-t-il, est que celle-ci repose sur une véritable collaboration interdisciplinaire entre des épidémiologistes, des climatologues, mais aussi des spécialistes en biologie de l'évolution. Ces scientifiques ont analysé des données environnementales associées aux infections par le virus de Lassa qu'ils ont croisées avec les évolutions démographiques attendues dans le futur.

Si les zones propices à la circulation du virus – sa « niche écologique » - risquent de s’élargir considérablement, une ‘bonne nouvelle’ est cependant apportée par l’analyse des données génétiques du virus prélevées un peu partout dans son aire de distribution actuelle. Ces analyses démontrent en effet que cette dispersion se produit de façon assez lente par rapport à d’autres pathogènes, ce qui implique que le virus ne va pas automatiquement ou du moins pas rapidement envahir de nouvelles zones propices à sa circulation. Les auteurs de l’étude suggèrent cependant d’inclure le « Lassa » aux programmes de surveillance des virus qui sont en place dans les pays qui pourraient en devenir hôtes dans le futur.
Anticiper les risques futurs
« Que les changements climatiques aient un impact sur la distribution des virus est quelque chose de connu mais très rarement estimé, complète Simon Dellicour. Ces analyses nécessitent une collaboration entre différentes expertises et c'est précisément l'intérêt de l'approche interdisciplinaire utilisée dans notre étude.L'impact des changements environnementaux en cours (climatiques, occupation du sol) sur la distribution et le risque d'exposition à toute une série de pathogènes est malheureusement un sujet d'actualité. En Europe, par exemple, il y a toute la question des arbovirus transmis par moustiques qui viennent notamment de plus en plus menacer le sud du continent. Il faut donc, à mon sens, augmenter les analyses de ce type.»