Biodiversité : ces dix endroits du monde qu'il faut sauver d'urgence
Selon le Rapport Planète Vivante 2022 du WWF, publié ce jeudi, les populations de vertébrés sauvages surveillées ont diminué de 69 % en moyenne entre 1970 et 2018. Le rapport relève aussi la dizaine d’endroits du monde où la biodiversité est la plus à risque, en croisant la richesse en biodiversité, les espèces menacées et les six principaux dangers qui pèsent sur elles . Ce sont donc, dans le monde, les lieux prioritaires où prendre des mesures
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Publié le 13-10-2022 à 06h35 - Mis à jour le 13-10-2022 à 13h17
Mammifères, oiseaux, amphibiens, reptiles et poissons… Les populations d'animaux sauvages ont décliné en moyenne de près de 70 %, sur ce dernier demi-siècle. Selon le Rapport Planète Vivante 2022 du WWF, publié ce jeudi, les populations de vertébrés sauvages surveillées ont diminué de 69 % en moyenne entre 1970 et 2018. L'Indice Planète Vivante (IPV), caculé avec la Société zoologique de Londres, est une mesure de l'état de la diversité biologique mondiale basée sur les tendances démographiques des espèces de vertébrés du monde entier. Il le fait de la même manière qu'un indice boursier suit la valeur d'un ensemble d'actions ou qu'un indice des prix de détail suit le coût d'un panier de biens de consommation.
En même temps, le rapport relève aussi la dizaine d’endroits du monde où la biodiversité est la plus à risque, en croisant spatialement la richesse en biodiversité, les espèces menacées (sur la liste rouge) et les six principaux dangers qui pèsent sur elles : agriculture, chasse et piégeage, exploitation forestière, pollution, espèces envahissantes et changement climatique. Ce sont donc, dans le monde, les lieux prioritaires où prendre des mesures, selon les résultats de l'étude parue dans Nature.
De manière générale, les populations d’animaux en Asie-Pacifique ont chuté de 55 %. L’Himalaya, ces chaînes de montagnes successives et en parallèle qui touchent la Chine, le Bouthan, l’Inde, et le Népal et le Pakistan, accueille 163 espèces de mammifères menacées à l’échelle mondiale parmi lesquelles l’éléphant d’Asie ou le plus grand carnivore d’Asie, le tigre. L’Himalaya combine une série de menaces, dont la première est le réchauffement climatique, qui provoque la fonte des glaces “à une vitesse ahurissante”, selon le WWF, ainsi que le braconnage et la déforestation. Il peut cependant avoir de bonnes nouvelles : selon l’IPV, le Népal s’en tire bien : ses populations de tigres ont ainsi doublé (121 à 235) entre 2009 et 2018 et sont même 355 en 2022. Le gouvernement népalais s’est notamment attelé à la constitution et la préservation de corridor entre les habitats fragmentés du tigre. Les communautés locales sont aussi impliquées dans les projets.

L’Asie du Sud-Est, avec notamment le littoral vietnamien et en particulier les îles de Sumatra et Bornéo, montre de haute probabilité d’impact à travers toutes les espèces et pour toutes les menaces. Ainsi, les effectifs des orangs-outangs de Bornéo ont baissé de moitié entre 1999 et 2005, selon l’indice Planète vivante. “Bornéo, île gigantesque était considérée comme un hotspot de biodiversité mais elle est à présent extrêmement affectée car il y a à présent des plantations de palmiers à huile à perte de vue, détaille le biologiste Thierry Hance (UCLouvain). Toute une série d’espèces est en train de disparaître complètement. Pour les emblématiques orangs-outangs, on estime que si cela continue, dans 15 à 20 ans, il n’y aura quasi plus d’orangs-outangs en milieu sauvage à Bornéo, Sumatra ou Java, car les populations sont très altérées. C’est toute l’Indonésie qui développe cette politique,, mais il faut savoir que l’huile de palme, il y en a dans le diesel vendu ici en Europe…” Par ailleurs, la déforestation expose davantage les grands mammifères au braconnage et aux trafics, ajoute le WWF.


La côte est de l’Australie, avec les régions polaires et l’Afrique du Sud, connaît les risques liés au changement climatique les plus élevés en particulier pour les oiseaux. Le WWF considère cette région connue pour ses plages touristiques et la Grande barrière de corail comme un “front de la déforestation” et pointe les risques pour de nombreuses espèces. Les koalas de la côte est ont été déclaré “en danger” en 2022. “Le nombre de koalas a diminué de moitié en 20 ans – un déclin incroyablement rapide, dû plus récemment aux feux de brousse endémiques, mais aussi au défrichement, à la sécheresse, aux maladies, aux collisions avec des voitures et aux attaques de chiens”, alerte le WWF.

Avec ses fameux baobabs, la forêt sèche (au sud et à l’ouest) de Madagascar affiche des risques pour tous les taxons et pour toutes les menaces. Ces forêts qui perdent leurs feuilles entre mai et octobre hébergent un grand nombre d’espèces endémiques. Dans les forêts sèches vivent des lémuriens, comme le Propithèque de Verreaux, en danger critique, ou le très rare et très menacé fossa, un petit carnivore indigène, dont la (petite) population a diminué entre 2008 et 2015. “Les forêts sèches survivantes sont fragmentées et gravement menacées par le défrichement pour le pâturage et l’agriculture. L’exploitation forestière sélective et l’enlèvement des grands arbres sont des menaces supplémentaires”, selon le WWF.

Le rift albertin et l’arc oriental

Faisant partie de la vallée occidentale du Grand Rift, le Rift Albertin, avec ses montagnes et ses vallées, chevauche la RD Congo, le Rwanda, le Burundi, l'Ouganda et la Tanzanie sur 1 000 km. Ses forêts sont surtout connues pour leur population de gorilles de montagne. Dans les zones à présent protégées du massif des Virunga, où ils habitent essentiellement, les populations sont passés de 680 en 210 à plus de 1000 en 2018. En revanche, dans le parc national de Kahuzi-Biega (RDC) à cheval sur le Rift albertin et le bassin du Congo, le gorille des plaines orientales, en danger critique, a vu ses effectifs décliner de 80 % entre 1994 et 2019. À l'est du grand rift, la chaîne de montagnes de l'Arc oriental (Kenya et Tanzanie) est connue pour sa haute concentration d'espèces indigènes et pour les risques qui pèsent sur elles : plus de 330 sont sur la liste rouge. Brûlis, coupe de bois, mines… Seul 10 % de l'habitat naturel subsiste.

Elles s’étendent sur 11 pays, sur la côte atlantique de la Sierra Leone au Cameroun. Comprenant entre autres le delta du Niger et les plus grandes mangroves d’Afrique, elles hébergent près de 1000 espèces menacées dont le gorille et le drill. De manière générale, entre 1970 et 2018, les populations d’animaux étudiées en Afrique ont chuté de 66 %.

Le bassin de l’Amazone
Selon le rapport Planète vivante, entre 1970 et 2018, les populations d’espèces sauvages surveillées en Amérique du sud, centrale et les Caraïbes ont chuté de 94 % en moyenne. Au coeur de l’Amérique du Sud, il y a bien sûr l’Amazonie et ses 5, 5 millions de km2 de dense forêt tropicale, la plus grande du monde et cible majeure de déforestation. Parmi de nombreux exemples, selon l’indice IPV, la population de dauphins roses du fleuve Amazone a vu ses effectifs chuter de 65 % entre 1994 et 2016 dans la réserve de Mamirauá, au Brésil. La raison ? Un ciblage accru par la pêche ainsi que les pressions imposées par une croissance rapide de la population humaine dans la région. De manière générale, les populations d’eau douce ont d’ailleurs connu le plus grand déclin par rapport aux autres groupes d’espèces, avec un déclin moyen de 83 % entre 1970 et 2018.

On y trouve notamment le singe-araignée laineux ou le minuscule singe-lion à face noire. Séparée du bassin amazonien par des savanes, et située le long du littoral du Brésil (notamment dans l’Etat de Sao Paulo) en Argentine et au Paraguay, la forêt atlantique est moins connue que l’Amazonie, mais “tout aussi importante et en danger critique”, alerte le WWF, qui l’a identifié comme un des “11 fronts de la déforestation” mondiaux. Constituée à la fois de forêt tropicale humide, de savane et de forêt sèche, elle a perdu 83 % de sa surface originelle.

Les Andes du Nord (Colombie, Équateur…) sont notamment le cadre des forêts de nuages, formées lorsque la vapeur d’eau de l’Amazonie atteint les Andes. Elle monte et se refroidit, provoquant des nuages qui enveloppent perpétuellement les montagnes. La biodiversité des forêts de nuages est très importante mais est fragilisée par l’empreinte humaine. Cet écosystème encore peu connu pourrait fortement pâtir du changement climatique.
Et l'Europe ?
"Certaines zones présentent des menaces multiples en Europe, mais en général, l'Europe présente un risque d'impact des activités humaines que nous avons évalué plus faible que d'autres zones, principalement tropicales, que nous avons mises en évidence dans le document, résume pour La Libre Belgique Mike Harfoot, l'auteur de l'étude parue dans Nature et co-auteur du rapport Planète Vivante. "Les menaces en Europe ont tendance à comprendre la pollution, les espèces envahissantes et le changement climatique qui affectent principalement les espèces d'amphibiens et, dans certains endroits, les mammifères également. Les zones côtières ont un nombre plus élevé de points chauds de risque de menaces qui leur sont associés, en particulier résultant de la pollution et des espèces envahissantes, dans tous les groupes taxonomiques. Au sein de l'Europe, la Belgique ne semble pas être un point chaud par rapport à d'autres régions, notamment côtières."
