Jean-Pascal van Ypersele : "Je suis très frustré, mais je ne suis pas désespéré"
Face à l’inertie politique, certains scientifiques n’hésitent plus à s’engager de façon plus militante. Une attitude qui fait débat, mais qui traduit une inquiétude partagée parmi leurs pairs. Voici le témoignage de Jean-Pascal van Ypersele.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/f744db9d-4059-49f1-b3ae-ab829b0df5cc.png)
- Publié le 11-11-2022 à 17h00
- Mis à jour le 14-11-2022 à 14h20
:focal(2367x1586.5:2377x1576.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/JTAUEWJMCRBNNJRTIUH2NXYBRQ.jpg)
Après plusieurs décennies d’étude du climat et de participation au Giec, Jean-Pascal van Ypersele , malgré "la très grande inertie" qu’il observe chez les décideurs dans la lutte contre le changement climatique, se dit "très frustré, pas désespéré". "On n’avance plus si on est désespéré ! Or, ce qu’il faut justement faire par rapport à ce problème du climat, c’est avancer plus vite !" Un de ses outils est la communication : conférences, interviews, rencontres avec les politiques... "Les scientifiques travaillant sur le climat sont au service de la communauté car elle paye leur salaire. Nous avons donc le devoir moral de passer une partie de notre temps et d’utiliser nos capacités afin d’expliquer – de manière à ce que les choses bougent davantage – ce sur quoi on travaille : les enjeux, les risques, les éléments de solution qui font aussi partie de la science sur le climat…"
La science ne doit pas s'enfermer dans une tour d’ivoire
La "neutralité" des scientifiques est-elle mise en cause par cette implication ? "Les scientifiques sont probablement celles et ceux qui sont les mieux placés pour apprécier les données scientifiques et les partager. Il faut le faire en distinguant ce qui est fondé seulement sur des éléments scientifiques et ce qui fait en plus appel à des valeurs, qu’il est important alors de préciser. Mais la neutralité en science, qu’est-ce que c’est ? Ce n’est pas clair pour moi. Il faut voir aussi qui, dans la société, pose ce genre de questions. Les partisans de la non-décarbonation sont prêts à utiliser tous les arguments possibles, dans tous les domaines..." Idem pour la désobéissance civile des scientifiques. "Ceux qui utilisent cet argument de la mise en cause de l'intégrité de la science pensent sans doute que celle-ci devrait continuer à se faire dans une tour d’ivoire, mais je peux vous assurer que, pour beaucoup de jeunes avec qui je suis en contact, ces actions rehaussent au contraire le prestige de la science."
Franchirait-il le pas ? Non, car pour lui c’est "chacun son style", chaque type d’action visant un public différent. En effet, s'il a donné des conférences à Extinction Rebellion et témoigné à un procès d'activistes en tant que climatologue, il bénéficie déjà d’un accès aisé au public, aux politiques (il tient d’ailleurs à ne pas s’engager dans un parti malgré les propositions afin de conserver l’oreille de tous) et aux médias. Pour lui, il y a deux impératifs, quel que soit le choix du scientifique : l'absence de violence et la fidélité absolue aux données scientifiques.