Le fruit de mer le plus cher du monde est désormais menacé d’extinction
En Afrique du Sud, le braconnage par des réseaux criminels a ravagé les populations “d’ormeau de Mida”. L’ormeau, un des fruits de mer les plus chers au monde, fait son apparition dans la Liste rouge des espèces menacées, mise à jour ce vendredi. Le dugong, mammifère marin herbivore, est lui désormais en danger critique en Afrique de l’Est.
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Publié le 09-12-2022 à 16h01 - Mis à jour le 11-12-2022 à 10h17
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Avec sa silhouette bien dodue et son museau se terminant par une sorte de trompe élargie, le dugong a des petits airs d’aspirateur des fonds marins. Sous l’eau, ce mammifère passe en effet une grande partie de son temps la “trompe” au sol à brouter les prairies sous-marines, ce qui lui vaut le surnom de vache marine.
Les populations de dugongs d’Afrique de l’Est et de Nouvelle-Calédonie ont été respectivement ajoutées à la Liste rouge des espèces menacées dans les catégories “En danger critique” et “En danger”, a annoncé ce vendredi l’Union internationale de conservation de la nature (UICN). L’espèce reste “Vulnérable” à l’échelle mondiale. Malgré une corpulence impressionnante, cet herbivore est un animal discret à la nage gracieuse. Le dugong aurait inspiré, avec les lamantins, le mythe de la sirène, ce démon mi-femme, mi-poisson peuplant les fonds marins et dont les chants séducteurs provoquaient des naufrages.
Il reste aujourd’hui moins de 250 individus matures en Afrique de l’Est et moins de 900 en Nouvelle-Calédonie. Les principales menaces sont les captures involontaires dans les engins de pêche en Afrique de l’Est et le braconnage en Nouvelle-Calédonie, ainsi que les blessures causées par des bateaux dans les deux zones géographiques.

Impacts du changement climatique
En Afrique de l’Est, l’exploration et la production de pétrole et de gaz, le chalutage, la pollution chimique et les développements côtiers non autorisés endommagent et détruisent les herbiers marins dont dépendent les dugongs pour se nourrir. La dégradation et la perte des herbiers marins (prairies sous-marines faites de plantes à fleurs) en Nouvelle-Calédonie sont le résultat du ruissellement agricole, d’une pollution due à l’extraction de nickel et au développement côtier, ainsi que des dommages causés par les ancres des bateaux. Les impacts des changements climatiques représentent par ailleurs une menace sur toute l’aire de répartition des dugongs.
Le fruit de mer le plus cher du monde
Par ailleurs, le Corail à colonnes (ou cierge) (Dendrogyra cylindrus), présent partout dans les Caraïbes, de la péninsule du Yucatan et de la Floride à Trinité-et-Tobago, est passé de la catégorie “Vulnérable” à “En danger critique” sur la Liste rouge de l’UICN, après que ses populations ont diminué de plus de 80 % sur la majeure partie de son aire de répartition depuis 1990.
La menace la plus urgente est la maladie de la perte de tissu des coraux, apparue au cours des quatre dernières années et très contagieuse, qui infecte entre 90 et 100 mètres de récif par jour. Le blanchiment causé par l’augmentation des températures marines de surface et l’excès d’antibiotiques, d’engrais et d’eaux usées déversés dans la mer ont affaibli les coraux et les ont rendus plus vulnérables aux maladies. La surpêche autour des récifs coralliens a décimé les poissons herbivores, permettant aux algues de dominer les écosystèmes et exerçant une pression supplémentaire sur les coraux.

Enfin, 44 % de tous les ormeaux, des mollusques, rejoignent les espèces menacées d’extinction sur la Liste rouge de l’UICN. Les différentes espèces d’ormeaux sont en effet récoltées pour être vendues parmi les fruits de mer les plus chers du monde. En Afrique du Sud, le braconnage par des réseaux criminels, dont beaucoup sont liés au commerce international de la drogue (cartels sud-africains et mafia chinoise), a ravagé les populations d’ormeau de Mida.
Avant la pandémie, les ormeaux sud-africains issus du marché noir dépassaient les 100 dollars le kilo en Chine. Un tel prix encourage évidemment les braconniers à mener cette pêche dangereuse, devant être réalisée à la main par des plongeurs qui doivent parfois faire face aux requins, comme en Afrique du Sud. La récolte et le braconnage non durables de cette espèce qui a pour surnom “la truffe de la mer” constituent donc les premières menaces, aggravées par les changements climatiques, les maladies et la pollution. 20 des 54 espèces mondiales d’ormeaux sont aujourd’hui menacées d’extinction, selon la première évaluation mondiale de ces espèces sur la Liste rouge.

”Les ormeaux reflètent la gestion désastreuse de nos océans par l’humanité, à travers un microcosme : surpêche, pollution, maladies, perte d’habitats, proliférations d’algues, réchauffement et acidification, pour ne nommer que quelques menaces. Ils sont comme les canaris des mines de charbon “, a déclaré le Dr Howard Peters, membre du groupe de spécialistes des mollusques de la CSE – UICN et associé en recherche à l’université de York, Royaume-Uni, qui a dirigé l’évaluation des ormeaux. “La mesure la plus immédiate que nous pouvons tous prendre est de ne manger que des ormeaux d’élevage ou d’origine durable. L’application des quotas de pêche et des mesures de lutte contre le braconnage est également essentielle. Cependant, nous devons également stopper les changements dans la chimie et la température des océans pour préserver la vie marine, y compris les espèces d’ormeaux, à long terme.”

La Liste rouge de l’UICN comprend désormais 150 388 espèces, dont 42 108 menacées d’extinction. Plus de 1 550 des 17 903 espèces d’animaux et végétaux marins évaluées sont menacées d’extinction, les changements climatiques ayant un impact sur au moins 41 % des espèces marines menacées. “La dernière mise à jour de la Liste rouge de l’UICN révèle une combinaison parfaite d’activités humaines non durables décimant la vie marine dans le monde entier. Au moment où le monde se tourne vers la conférence des Nations unies sur la biodiversité pour tracer la voie du rétablissement de la nature, nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre d’échouer”, a déclaré le Dr Bruno Oberle, directeur général de l’UICN. “Nous devons d’urgence nous attaquer aux crises interconnectées du climat et de la biodiversité par des changements profonds dans nos systèmes économiques, ou nous risquons de perdre les avantages cruciaux que les océans nous procurent.”
