L’eau, une ressource en voie de disparition : “C’est le moment pour nous de faire la différence”
Les Nations unies sonnent l’alerte : les pénuries d’eau, qui touchent déjà entre deux et trois milliards de personnes dans le monde, vont s’aggraver au cours des décennies à venir si la coopération internationale n’est pas renforcée.
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Publié le 22-03-2023 à 12h48 - Mis à jour le 22-03-2023 à 17h07
“J’adore l’eau. Dans 20 ou 30 ans, y’en aura plus”, assurait Jean-Claude Van Damme en 2010 dans une séquence devenue culte. À l’instar de l’acteur belge, de très nombreux scientifiques – bien plus sérieux – alertent depuis des années sur la crise de l’eau à venir. Première réunion de ce type depuis 1977, une Conférence des Nations Unies sur l’eau débute à New York ce 22 mars, date de la Journée mondiale de l’eau. Plusieurs rapports ont été publiés en amont afin de servir de base aux discussions. Ils sont unanimes et dressent un constat alarmant : l’humanité fait face à un risque imminent d’une crise mondiale de l’eau.
En 2010, entre 32 et 46 % de la population mondiale vivait dans des zones où le stress hydrique atteignait un niveau élevé ou critique au moins un mois par an. Près de 80 % de ces personnes vivaient en Asie, plus particulièrement dans le nord-est de la Chine, en Inde et au Pakistan. Selon le rapport de l’Unesco (l’organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture), “la population urbaine mondiale confrontée au manque d’eau devrait doubler, passant de 930 millions en 2016 à 1,7 – 2,4 milliards de personnes, soit un tiers à près de la moitié de la population urbaine mondiale, en 2050”.
Catastrophe hydrique
Dans un rapport publié ce lundi 20 mars, l’Unicef a identifié de son côté dix pays – tous situés en Afrique subsaharienne – qui sont confrontés à trois menaces liées à l’eau : l’inadéquation des services d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’hygiène (EAH) ; les maladies résultant de cette situation ; et les aléas climatiques. “La charge de morbidité qui en découle chez les enfants de moins de 5 ans et la fragilité croissante face aux menaces climatiques, se concentre essentiellement dans une poignée de pays”, note le rapport de l’ONG. Bénin, Burkina Faso, Guinée ou encore Mali… Près de deux décès sur cinq dus à des services EAH inadéquats ont lieu dans ces pays qui, au total, abritent un total de plus de 190 millions d’enfants confrontés à ce triple fardeau.
“L’Afrique fait face à une catastrophe hydrique. Si les chocs liés à l’eau et aux changements climatiques se multiplient à l’échelle mondiale, aucun autre continent ne présente une conjugaison de risques aussi dangereuse pour les enfants”, déclare Sanjay Wijesekera, Directeur des programmes à l’Unicef. “Les tempêtes et les inondations dévastatrices, ainsi que les sécheresses sans précédent, détruisent les installations et les habitations, contaminent les ressources en eau, génèrent des crises alimentaires et propagent les maladies. Alors que les conditions actuelles sont déjà extrêmement difficiles, si nous n’agissons pas de toute urgence, l’avenir pourrait être bien plus sombre encore.”
Des progrès trop lents
Les auteurs du rapport des Nations Unies estiment quant à eux que 2 milliards de personnes (soit 26 % de la population) sont privées d’accès à l’eau potable et 4,6 milliards de personnes (46 %) n’ont pas accès à un système d’assainissement géré de manière sûre. Ils font également le point sur les progrès accomplis dans la réalisation des cibles de l’Objectif de Développement Durable 6 pour l’eau potable et l’assainissement. “À la cadence actuelle, la réalisation des cibles de l’ODD 6 n’est pas en bonne voie : dans certains domaines, le rythme de mise en œuvre doit être multiplié par quatre voire plus”, alertent-ils.
De l’irrigation des terres agricoles à l’approvisionnement en eau potable des villes, en passant par la gestion des fleuves : presque toutes les interventions liées à l’eau impliquent une certaine forme de coopération, souligne le rapport. Or, selon l’Onu, la coopération internationale pourrait justement être la clé de l’accès à l’eau pour tous et être le seul moyen d’éviter une crise mondiale dans les décennies à venir. “La coopération permet d’améliorer la gouvernance de l’eau et la prise de décisions dans ce domaine, d’inciter à l’élaboration de solutions novatrices et d’exploiter les gains d’efficacité”, notent les auteurs.
Malgré cela, les accords de gestion au niveau des bassins accusent un retard aux niveaux territorial et national tandis que la gestion des aquifères affiche un retard encore plus important. Fin 2022, l’Unesco assurait en effet que sur les 468 aquifères transfrontaliers répertoriés dans le monde, seuls 6 sont gérés par des accords et des mécanismes de coordination entre les États concernés.
“Il est urgent d’établir de solides mécanismes internationaux pour éviter que la crise mondiale de l’eau ne devienne incontrôlable. L’eau est notre avenir commun et il est essentiel d’agir ensemble pour la partager équitablement et la gérer durablement”, plaide la Directrice générale de l’Unesco, Audrey Azoulay. “Il y a beaucoup à faire et le temps ne joue pas en notre faveur”, déclare quant à lui Gilbert F. Houngbo, Président d’Onu-Eau et Directeur général de l’Organisation internationale du travail. “Ce rapport démontre notre ambition et nous devons à présent nous rassembler et intensifier l’action. C’est le moment pour nous de faire la différence”, conclut-il.