Le Bois d’Imbrechies menacé par l’expansion d’un zoning industriel : “C’est vraiment une ineptie de lancer un projet comme ça”
Ce samedi 20 mai, le collectif citoyens “Sauvons le bois d’Imbrechies” organisait une matinée de sensibilisation à destination des habitants des environs. Leur but : préserver cet écrin de verdure et sa biodiversité riche.
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Publié le 23-05-2023 à 06h31
L’extension du zoning industriel de Harchies, dans la commune de Bernissart (Hainaut), justifie-t-elle la destruction d’une forêt ancienne ? Pour les associations de défense de l’environnement et les membres du collectif citoyens “Sauvons le Bois d’Imbrechies”, la réponse est sans appel. “À l’heure actuelle, avec tous les chiffres dont les scientifiques nous abreuvent sur l’importance des forêts, des puits de carbone… C’est vraiment une ineptie de lancer un projet comme ça”, regrette Alain Malengreau, membre du collectif. Ce passionné d’ornithologie et bénévole de l’association Natagora se mobilise pour empêcher la modification de plan de secteur qui verrait 17 hectares de forêt et 6 hectares de prairies devenir une zone d’activité économique.

Ces parcelles ont été sélectionnées pour répondre aux normes des directives de l’administration wallonnes. Des critères purement administratifs permettant l’extension d’un zoning industriel déjà existant. “Pour un fonctionnaire qui a dans ses attributions l’aménagement du territoire, toutes les cases sont cochées pour que ce soit un beau zoning. C’est là que sont nos craintes : que toutes les cases des directives d’aménagement du territoire soient cochées, mais qu’il n’y ait pas une prise en compte suffisante de l’aspect écologique”, confie Alain Malengreau.
Les zones de compensation écologiques prévues dans le projet ne seraient qu’une maigre consolation, juge-t-il encore. “Ce qu’ils proposent, ce n’est déjà pas un bloc de 17 hectares, mais plusieurs morceaux. Il y a des prairies qui n’ont aucune valeur”, détaille ce passionné, pour qui les zones proposées ne permettent pas de parler de réelle compensation. “On parle de choses complètement différentes. Ici, on a une vieille forêt irremplaçable. S’ils veulent parler de compensation, ils définissent une zone, ils la laissent évoluer naturellement et on se revoit dans 600 à 700 ans pour voir si l’on peut compenser.”
Le Bois d’Imbrechies menacé par l’extension d’un zonning industriel
Biodiversité remarquable
Quelques feuilles mortes et brindilles craquent sous les pas d’Alain Malengreau, qui s’écarte du sentier de promenade pour se diriger vers le cœur du bois. “Vous sentez quand on marche ? On a l’impression que c’est un tapis parce qu’il y a 30 cm d’humus”, fait remarquer notre interlocuteur en s’abaissant. “Ça, c’est la structure d’un sol qui n’a pas été géré et qui n’a pas été perturbé depuis des centaines d’années, on ne devrait même pas marcher dessus !”, poursuit-il. En effet, le Bois d’Imbrechies apparaissait déjà sur les cartes de Ferraris (1770-1778), ce qui laisse penser que la surface est boisée depuis la fin du XVIIIᵉ siècle, probablement même depuis le Moyen-Âge. “Il n’y a pas vraiment d’arbres remarquables de 200 ou 300 ans parce que dans le temps, la forêt a quand même été un peu exploitée. Par contre, la structure de son sol et la faune qui vit sont là depuis des centaines d’années.”

Véritable héritage des temps anciens, le Bois d’Imbrechies abrite un riche écosystème. On dénombre par exemple une trentaine d’espèces d’oiseaux, dont le pic noir. “Ils sont bien représentés dans cette partie parce que le DNF a laissé toute une zone en réserve intégrale, donc sans aucune gestion, explique le naturaliste. Si le dossier avance, ils vont devoir tenir compte du pic noir et proposer d’autres zones en compensation. Mais ce n’est pas possible, parce qu’il ne niche que dans des arbres qui sont vieux de plusieurs dizaines d’années !”
Des dizaines d’espèces d’insectes trouvent également refuge dans cet écrin de verdure. La zone humide située à l’entrée du bois, restaurée il y a quelques années, regorge, elle aussi, de libellules et de diverses espèces de batraciens. Selon le recensement des observations faites dans la zone, près de 300 espèces animales ont été observées dans le bois et le zoning adjacent. La zone est d’ailleurs classée comme Site de grand intérêt biologique (SGIB). Située entre une zone Natura 2000 et les marais de Harchies, le bois joue aussi le rôle de corridor écologique pour certaines espèces.

Outil contre le réchauffement climatique
”Les arguments de la commune, c’est qu’il y a d’autres forêts sur son territoire. Mais ce ne sont pas de vieilles forêts”, renchérit notre interlocuteur. L’importance des forêts anciennes a été soulignée par de nombreuses études, tant pour la biodiversité qui y est préservée (des animaux, aux plantes et champignons), mais aussi pour leur rôle en tant que puits de carbone. “On doit garder toutes nos forêts parce que c’est notre assurance-vie pour les générations futures pour lutter contre le réchauffement climatique. Si on veut respecter nos engagements pour la COP21 (le sommet de Paris sur le climat, NdlR) et COP15 (le récent sommet de L’Onu sur la biodiversité) , on doit les garder”, insiste-t-il.
”On demande au peuple amazonien et aux Congolais d’arrêter de déforester et nous, on fait l’inverse. Il faut être cohérent dans ses actes. Chacun doit prendre sa part du fardeau et laisser ce bois en l’état pour les générations futures”, conclut Alain Malengreau. Pour pouvoir porter son message au Parlement, il a lancé avec les membres du collectif une pétition officielle, qui rassemble désormais plus de 1100 signatures. Ce week-end, le CRIE de Harchies organisait également des animations à destination des jeunes et des balades pour découvrir la richesse et l’importance écologique de ce bout de forêt.
Entre-temps, le projet d’extension continue son chemin. Le cabinet du ministre de l’Économie Willy Borsus (MR) vient de désigner les instances consultatives, qui disposent de 60 jours rendre un avis. Celui-ci servira de base au rapport de l’administration qui sera rendu au ministre, chargé de statuer dans le dossier.