”C’est comme se tenir devant un four ouvert”: quand les températures extrêmes attirent les touristes à la recherche d’expérience exceptionnelle
Des températures proches du record mondial ont attiré des dizaines de curieux dans la vallée de la Mort, en Californie.
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- Publié le 19-07-2023 à 11h24
- Mis à jour le 19-07-2023 à 11h28
“J’ai l’impression d’avoir un sèche-cheveux dans le visage, lance un touriste de 31 ans au Los Angeles Times. C’est la température la plus élevée que j’aie jamais ressentie”. Depuis quelques jours, c’est l’affluence dans le parc national de la vallée de la Mort, aux États-Unis. Comme lui, les curieux s’y pressent pour faire l’expérience de conditions météorologiques extrêmes.
Située en Californie, la vallée de la Mort est en effet réputée pour être à la fois “l’endroit le plus chaud de la planète et le plus sec d’Amérique du Nord”. Le record mondial de température y a été enregistré il y a un peu plus d’un siècle, le 10 juillet 1913 : les relevés officiels affichaient le chiffre impressionnant de 56,7 °C, soit 134 °F. Depuis lors, même s’il y fait très chaud, la température de la vallée de la Mort n’a que très rarement approché le record. En 2020 et 2021, c’est la première fois en 100 ans que le mercure égalait les 54,4 °C (soit 130 °F). Et, depuis ce week-end, la vague de chaleur qui touche la Californie fait grimper la température dans le parc national, avec des prévisions qui se rapprochaient du record planétaire. Un pic officiel à 53,3 °C a été enregistré par les météorologues ce dimanche.
Chaque année, les 13 848 km² du parc national accueillent plus d’un million de personnes, dont environ un cinquième entre juin et août. Aux abords du centre des visiteurs, de multiples avertissements mettent en garde les touristes et des avis à l’attention des promeneurs détaillent les mesures de précaution et de sécurité. “Buvez beaucoup d’eau et emportez-en avec vous en plus. Évitez les randonnées, ne les faites pas après 10 heures du matin. Voyagez préparé pour survivre. En cas de maladie liée à la chaleur, rejoignez un endroit frais et demandez de l’aide immédiatement”, rappelle aussi en ligne le National Park Service.

Une photo à tout prix
Qu’importent les dangers liés à la chaleur, tous ont choisi de braver la météo pour se rendre dans le parc dans l’espoir de pouvoir se vanter d’avoir visité l’endroit le plus chaud sur Terre. S’immortaliser devant le célèbre thermomètre en métal installé au centre des visiteurs du parc est devenu une véritable attraction : des douzaines de personnes s’y sont rassemblées ce week-end pour immortaliser leur venue, dont certaines n’hésitant pas à jouer la carte de l’absurde en portant des manteaux de fourrure ou polaire.
”Je veux juste aller à un endroit, un peu comme le mont Everest, pour dire, vous savez, vous l’avez fait”, confie au Washington Post un habitant de Las Vegas qui se rend chaque été au cœur de la vallée de la Mort. “C’est incroyable, je ne trouve pas les mots pour le décrire”, s’émerveille quant à lui un touriste français de 45 ans accompagné de sa femme et ses deux enfants. “C’est comme se tenir devant un four ouvert”, confie à propos de la chaleur un Anglais, qui s’avoue un peu nerveux : “Est-ce sûr ? Est-ce dangereux ? J’ai un peu peur de crever un pneu !”.

Car une telle chaleur peut être fatale. Début juillet, un homme de 65 ans a été retrouvé mort dans sa voiture, à quelques mètres de l’autoroute, “apparemment victime des températures de 52 °C de la veille”. L’année dernière, un homme de 67 ans est décédé alors qu’il marchait les 3 kilomètres qui séparaient sa voiture à une station-service, alors que la température avoisinait les 50 degrés Celsius.
Le changement climatique en action
Pourtant, si certains semblent fascinés, d’autres visiteurs dénoncent une attitude trop légère face aux conséquences directes du changement climatique. Interrogé par la BBC, un homme fait part de son désespoir face à cette vague de tourisme de catastrophe. “Les gens sont enthousiastes pour le record, regrette l’activiste climat. Je l’appelle Happy Death Day (“Joyeux jour de la mort”), parce que l’année prochaine, ce sera une nouvelle étape marquante”. “Dans 10 ans, 20 ans, il fera 60 °C ici. Qu’est-ce qu’on célèbre ?”, s’interroge-t-il.

Les tendances observées ne laissent pas de doute sur l’effet qu’a le changement climatique sur les températures. “La vallée de la Mort devient définitivement plus chaude chaque année, assure Giovanna Ponce, chargée de l’information du public. Nous battons toujours des records et la chaleur ne va faire que continuer à augmenter dans le futur. D’ailleurs, sept des dix étés les plus chauds enregistrés dans le parc national ont eu lieu au cours des dix dernières années”, ajoute-t-elle.
Un avis partagé par les experts de la World Weather Attribution, une organisation scientifique, qui estiment que “chaque vague de chaleur dans le monde est désormais plus forte et plus susceptible de se produire en raison du changement climatique”. À l’instar du sud de l’Europe et de l’Asie, l’ouest et le sud des États-Unis sont touchés par une vague de chaleur “généralisée et oppressante”. À Phoenix, cinquième plus grosse ville des États-Unis située en Arizona, cela fait à présent 19 jours qu’il n’a pas fait moins de 43,3°C (soit 110°F). Un nouveau record, sans répit à l’horizon. “La vague de chaleur record bien documentée se poursuivra dans la région tout au long de cette semaine et probablement au-delà, puisqu’une alerte de chaleur excessive reste en vigueur jusqu’à vendredi soir”, a averti le National Weather Service dans une prévision émise mardi après-midi.