"L’Affaire climat" fait son retour au tribunal : “Les politiciens n’avaient pas encore compris”
Ce jeudi 14 septembre s’ouvre la procédure en appel de « L’Affaire climat ». En amont, dimanche dernier, une trentaine d’actions ont eu lieu à travers la Belgique.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/70bb1a17-0ccf-40d5-a5f5-2d078d3af5ce.png)
- Publié le 14-09-2023 à 07h27
:focal(2306x1545.5:2316x1535.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/TUA4A3OH5NHNNOGMHPBZBMKMQA.jpg)
“Il fait chaud, mais c’est ce que vivront nos enfants !”, lançait Bruno Goffart aux quelques personnes debout devant lui dimanche dernier. Très investi dans la lutte climatique, l’homme a répondu à l’appel de l’ASBL Klimaatzaak/Affaire climat et a décidé de prendre part à l’action “Tous avocats pour le climat” en réunissant quelques personnes à la Bah’utte, la Givebox du Parc des Sources de Woluwe-Saint-Lambert. D’autres groupes s’étaient aussi donné rendez-vous à Hasselt, Durbuy ou encore Brugge : au total, 32 rassemblements de ce type ont eu lieu ce jour-là.

À la Bah’hutte, une dizaine de personnes ont fait le déplacement malgré un thermomètre affichant plus de 30 °C. Rassemblés autour de Bruno Goffart, s’abritant tant bien que mal du soleil à l’ombre des arbres, les participants commencent à échanger : politique communale, élection de 2024, action citoyenne… Plusieurs sujets sont abordés en vrac. “Je pensais qu’on était là parce qu’il y allait avoir quelque chose au tribunal ?”, s’interroge un homme présent, recadrant la discussion. “Tout à fait !”, lance l’organisateur, qui en profite pour inviter Sarah Tak, la coordinatrice et porte-parole de l’asbl Affaire climat, à prendre la parole. Pour elle, cette réunion est aussi l’occasion d’expliquer ce qui se déroulera à partir de ce jeudi 14 septembre. “C’est la deuxième étape d’un procès déjà en route”, rappelle-t-elle d’emblée, évoquant les débuts de l’affaire.
Condamnation insuffisante ?
Lancée en 2011 par une dizaine de citoyens, rapidement rejoints par près de 60 000 Belges, l’Affaire climat a déjà réussi ce qui semblait être impossible : faire condamner devant un tribunal l’État belge et ses trois Régions pour “inaction climatique”. Le 17 juin 2021, le tribunal de première instance de Bruxelles rendait un jugement “historique” en déclarant la politique climatique belge violait non seulement le devoir social de diligence, mais aussi les droits de l’homme (articles 2 et 8 de la CEDH) des 58 586 codemandeurs. “Jamais dans l’histoire de la Belgique il n’y a eu un verdict aussi accablant sur la politique de nos gouvernements envers leurs citoyens”, commentait à l’époque l’es responsables de l’association. Une condamnation surtout symbolique, puisque la cour n’avait pas accompagné son jugement d’objectifs de réduction de gaz à effet de serre obligatoires ou d’astreintes. Quelques mois après avoir obtenu gain de cause en première instance et voyant que “rien n’avait changé”, l’ASBL a décidé d’interjeter appel. Une procédure qui débute ce jeudi matin devant la cour d’appel de Bruxelles.
”Les politiciens n’ont pas encore compris et n’ont pas changé de cap, déplore Sarah Tak, devant un groupe attentif. On va en appel pour que la juge impose des objectifs de réduction de gaz à effet de serre contraignants. C’est l’enjeu : on veut que notre gouvernement fasse ce qui est nécessaire pour limiter le réchauffement climatique.” Concrètement, les avocats de l’ASBL demandent au tribunal d’ordonner la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 61 % à l’horizon 2030 (par rapport aux seuils de 1990) pour mettre fin aux politiques climatiques inadéquates identifiées en première instance. Ce chiffre n’a pas été choisi par hasard : il a été avancé par des climatologues indépendants – dont le Belge Jean-Pascal van Ypersele – comme le plancher absolu à atteindre nécessairement pour un pays comme la Belgique. Il s’agit d’un objectif très ambitieux pour notre pays, qui s’est par ailleurs vu attribuer un objectif de réduction de 47 % dans le cadre de la répartition des efforts climatiques entre les États membres de l’Union européenne. “L’Affaire Climat soutiendra devant les tribunaux que cet objectif (fixé dans le cadre européen, NdlR) , qui est le résultat d’un compromis politique, est inadéquat et ne permet pas à notre pays de respecter ses obligations dans le cadre de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques”, précise l’ASBL. Une astreinte d’un million d’euros par mois de retard à atteindre l’objectif fixé pour 2030 est également demandée.
Un mois de plaidoirie
”On espère vraiment qu’il y aura beaucoup de pression médiatique, que des citoyens comme vous iront dans la rue et qu’il y ait plus de débats”, poursuit la représentante de l’association. Selon elle, c’est ce qui manque encore en Belgique. “Tout le monde va vivre les conséquences du réchauffement climatique. Nous n’avons pas le pouvoir de nous en protéger nous-mêmes. On a besoin du gouvernement pour cela”, insiste-t-elle. La première audience a lieu ce jeudi à 9 h 30. “Est-ce que l’on peut venir ?”, demande l’un des participants. “La dernière fois, il y avait eu un rassemblement devant le palais de Justice”, remarque un autre. Pour Sarah Tak, le mieux de soutenir l’action en justice en devenant “partisan”. “Vous ne pouvez plus être ajouté dans le procès comme codemandeur légal, mais vous pouvez nous supporter quand même. Nous sommes presque 70 000 maintenant !”, lance-t-elle. Les plaidoiries se poursuivront jusqu’au 6 octobre, à raison de deux jours par semaine. L’ASBL Affaire climat espère une décision d’ici à la fin 2023.
Les membres du groupe réuni par de Bruno Goffart espèrent quant eux devenir acteurs du changement. À la fin de la réunion, l’organisateur a ainsi proposé à chacun de donner ses coordonnées pour rester en contact et réfléchir à des idées afin de faire bouger les choses localement. “J’ai l’impression de prêcher dans le désert autour de moi”, confie une habitante de la commune bruxelloise. “Je suis très désabusé, je vous le dis tout de suite”, lui répond un autre, tandis que la discussion reprend de plus belle.
“Il est devenu urgent de se concerter entre nous, que ça fasse tache d’huile. Il faut développer des dynamiques locales et, par contagion, on arrivera à créer une masse qui fera pression sur les politiques”, conclut l’optimiste Bruno Goffart.
