Recyclope : la start-up qui fait partir les mégots en fumée

Gaëlle Deleyto (St.)

Recycler vos mégots pour en faire des objets du quotidien ? C’est ce que Guillaume Berlemont, un jeune Belge de 24 ans, a décidé de faire en créant sa start-up.

Une première en Belgique pour lutter contre ces indésirables rebuts qui débordent de nos cendriers et tapissent trottoirs et caniveaux.

Fraîchement diplômé en économie, Guillaume Berlemont souhaitait de longue date s'impliquer dans le développement de l’économie circulaire. Un modèle où « rien ne se perd, rien ne se jette ». Nos espaces publics étant envahis de déchets de toutes sortes, il a eu l’idée de concentrer sur l'un des plus discrets mais aussi des plus présents d'entre eux en se lançant dans la première filière de recyclage de mégots. L’occasion pour lui de faire un état des lieux de la situation et des solutions proposées.

Les m�gots sont partout
©D.R.

Une phase de test plutôt concluante

Après avoir incubé chez Bestarter, le projet Recyclope sort tout juste de sa coquille. Guillaume a d'abord évalué toutes les possibilités existantes afin de sécuriser une filière de recyclage efficiente. Une période de test qui touche aujourd'hui à son terme. À l’issue de cette étude de terrain, le constat est clair : peu de personnes gèrent réellement les mégots en Belgique. Si les entreprises ont souvent le réflexe de mettre à disposition de leurs salariés des cendriers extérieurs, le traitement qui est ensuite réservé à ces déchets reste encore assez flou.

49% des déchets retrouvés dans le milieu naturel
sont des mégots de cigarette (Etude de l’OVAM en 2015)

Dans les communes, il s’agit d’un réel enjeu de propreté publique, un bon point par lequel commencer pour notre jeune entrepreneur. En contact avec plusieurs d'entre elles, en Wallonie et à Bruxelles - notamment celle d’Etterbeek -, Guillaume a pu observer comment la gestion des mégots s'organise, et surtout, comment les citoyens réagissent face à cette démarche. A ses yeux, tout le monde doit pouvoir être acteur dans ce combat. Il tente donc d’impliquer chaque personne en proposant des consultations populaires au sein même des communes, dans un but de sensibilisation de la population. « C’est très bien d’installer des cendriers, mais si les gens ne mettent pas leurs mégots dedans ça ne sert à rien », souligne ainsi le fondateur de Recyclope.

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Les entreprises, quant à elles, semblent également séduites par cette initiative et seraient prêtes à investir dans quelque chose qui aura un impact direct sur l'environnement.

Collecter les mégots, puis les recycler en France

Recyclope propose un chemin très encadré pour la gestion de ces mégots. Le client passe d’abord par une phase de diagnostic pour adapter au mieux les solutions proposées. « Le but, c’est de coller aux besoins des clients. On va dans les rues pour voir ce qui est mis en place. Ça peut être des cendriers ludiques, visuels, enfouis, muraux… » ajoute Guillaume. Si rien n’existe, Recyclope s’engage à créer, en collaboration avec les clients, une politique de gestion. Une fois que les cendriers sont installés, la start-up se charge de la collecte puis du stockage.

« L’idée c’est de voir non pas le mégot comme un déchet,
mais comme une matière première. »

Le fruit de ce ramassage est ensuite envoyé en France chez MéGO!, une entreprise partenaire, qui va effectuer le tri puis le recyclage des déchets. Un mégot de cigarette contient de l’acétate de cellulose - du plastique – et plus de 2500 substances chimiques (nicotine, phénols, métaux lourds…). Avant toute chose, il est donc nécessaire de traiter ce déchet de façon adéquate. Le tabac et le papier résiduels prendront pour leur part la direction du compostage. Une fois cette étape franchie, MéGO! transforme cette nouvelle matière première en objets (voir encadré).

Un modèle dont Recyclope souhaite s'inspirer pour l'importer en Belgique. Un partenariat de recherche avec la KUL a été mis sur pied à cette fin : créer une véritable solution de recyclage en circuit court.

Des mégots pour faire du plastique, de l'isolant, des vêtements...

L’entreprise bretonne MéGO! offre un service national de collecte dynamique, de tri et de recyclage des filtres usagés. Le partenaire s’engage à traiter ces déchets de manière circulaire, en cercle fermé, sans émettre aucune pollution. Grâce au traitement, ils sont aujourd’hui capables de transformer les mégots en plastique, ce qui permet d’en faire des objets, par exemple des... cendriers. MéGO! propose également un suivi statistique des opérations ainsi qu’un bilan carbone.

Ailleurs dans le monde, un tas de solutions prometteuses se mettent en place. Les idées vont de l’utilisation de la matière première comme batterie, aux isolants couplés à la brique, ou encore à l’association au coton dans la production de vêtements.

Un enjeu de sensibilisation important

Le public est souvent peu informé de l’impact de ses déchets, et cela se vérifie encore plus pour les mégots. Les sociétés n’étant pas toujours enclines à investir dans une démarche verte et le cadre législatif belge n’obligeant pas les entreprises à recycler leurs déchets, il est parfois difficile de sensibiliser et de responsabiliser les fumeurs.

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Mais selon Guillaume Berlemont, les mentalités sont en train de changer et c’est une opportunité à saisir. Son projet vise également à sensibiliser au maximum les individus dans le milieu de l’événementiel car les festivals et les salles de concert ne sont pas épargnés par ce problème. « Ce n’est pas un secteur qu’on avait identifié au départ, mais on s’est rendu compte que ce sont des lieux où la pollution en mégots est importante. Ce n’est pas parce qu’on fait la fête qu’on doit jeter ses mégots par terre », juge non sans raison notre interlocuteur.

Recyclope travaille également avec le collectif « Léo not happy », une démarche citoyenne, en organisant des collectes afin de nettoyer nos villes. Une collecte de grande ampleur est d’ailleurs prévue fin avril.

À moyen terme, la Start-up espère poursuivre la recherche de solutions et, pourquoi pas, étendre la démarche à d’autres déchets !

REPERES

Un océan de mégots …

Aujourd’hui, les mégots de cigarette font partie des petits déchets qui polluent davantage qu’on ne le pense. Ils représentent notamment 40 % des déchets présents dans la mer Méditerranée, pouvant provoquer dans certains cas 50% de la mortalité chez les poissons, d’après une étude de l’Université de San Diego. En Belgique, on estime à environ 10 millions le nombre de mégots jetés par jour. Même s’ils ne sont pas tous jetés au sol, cela représente une masse considérable à traiter.

Selon un état des lieux rédigé par Bruxelles Environnement en 2017, un seul mégot est susceptible de polluer environ 500 litres d’eau, la rendant impropre à la consommation. Il faut en moyenne 12 à 15 ans pour que les filtres se dégradent complètement dans la nature, mais les polluants qu’ils contiennent se diluent essentiellement dans l’eau et les sols. À ce stade, aucune étude ciblant l’impact des mégots de cigarette sur la qualité des masses d’eau en Région de Bruxelles-Capitale n’est prévue. Mais des mesures coercitives existent : à Bruxelles et en Wallonie les amendes administratives pour jet de mégot sur la voie publique peuvent aller de 50 à 350 euros.


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