Apprendre aux jeunes à (dé)coder
ThinkYoung organisait la semaine dernière la 11e Coding Summer School à Bruxelles. Elle vise à initier les jeunes Européens, en particulier les filles, au codage informatique. Une nécéssité au vu des besoins immenses dans un monde numérisé.
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- Publié le 12-07-2021 à 06h33
- Mis à jour le 12-07-2021 à 10h02
Les yeux rivés sur leur écran d’ordinateur, une vingtaine de jeunes adolescents s’échinent à formuler en langage de programmation ce qu’ils ont clairement imaginé dans leur tête. Des lignes de code se suivent alors avec précision, sous peine de se voir opposer un refus par la machine. Ces lignes de code se cachent notamment derrière les sites internets et les jeux vidéo.
De “consommateurs passifs, les jeunes deviennent acteurs”, entame Julia Crumière, chargée de communication pour ThinkYoung. Et c’est là l’essentiel pour ce think tank dont la mission est d’impliquer la jeunesse dans les processus décisionnels et dans des actions qui donneront forme à un futur plus enviable.
Les Européens à la traîne
“Nous mettons en place des projets qui répondent aux constats dressés dans nos recherches”, explique ainsi Mme Crumière. Parmi celles-ci, une étude de 2014 pointe le paradoxe existant entre le taux de chômage à l’échelle européenne et le nombre important de postes vacants. “C’est ce qu’on nomme le skills mismatch”, précise-t-elle.
Les chercheurs se sont spécifiquement focalisés sur l’écart profond qui existe entre les compétences des jeunes Européens en science, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM) et les besoins des entreprises à cet égard. Écart expliquant que les postes restent vacants… “Il y a un manque de compétences mais aussi d’informations liées à ces filières”, constate Mme Crumière.
Susciter des vocations
C’est ainsi qu’est née, en 2016, la Coding Summer School organisée par ThinkYoung en partenariat avec Boeing. Deux fois par an, elle rassemble – à Bruxelles et récemment également à Nairobi – une cinquantaine de jeunes âgés de 11 à 17 ans autour d’activités de programmation informatique. “Cette semaine de stage, entièrement gratuite – afin que l’aspect financier ne soit pas un frein – vise à initier les jeunes au code, et ce de manière ludique”, précise Julia Crumière. Aucun prérequis n’est nécessaire. “La formation se veut accessible à tous : on peut arriver le lundi en ne sachant rien et repartir le vendredi en ayant créé une page web et un jeu vidéo.”

C’est le cas notamment Kayissa. “Je n’y connaissais rien, admet-elle. Mais ça m’intéresse et on apprend plein de trucs”. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, la jeune fille de 11 ans saisit la logique et tapote sur l’écran de son smartphone. Un émoji s’y dessine, lui adressant un sourire. “C’est facile, ça m’amuse mais ça prend du temps”, sourit-elle.
Si les activités se veulent ludiques, le but est de susciter des vocations dans les filières STIM. “On plante une gaine et on espère qu’elle germe au niveau professionnel”, glisse Julia Crumière, qui en profite pour lever le voile sur les débouchés que permet la maîtrise du codage : outre les métiers de l’informatique, le codage est utilisé par les ingénieurs dans l’aérospatial, la biomécanique et tout une série de métiers techniques. “Aborder la question avec les jeunes permet d’ouvrir les possibles.”
Au-delà des débouchés professionnels, elle estime que la compréhension des outils numériques est essentielle dans une société dans laquelle le numérique est prépondérant. “Et ça ne fera qu’augmenter”, prédit-elle. “Mes parents pensent que le fait de ne pas maîtriser le langage informatique est le nouvel illettrisme”, commente d’ailleurs Maria-Paola, désignée “ambassadrice” et à ce titre campant, à 17 ans, le rôle d’auxiliaire du professeur, Anatole Henet.
“Nous fonctionnons avec des tutoriels vidéo, explique-t-il. Cela permet à chacun d’avancer en autonomie à son propre rythme.”. Lui est là pour les guider dans leur raisonnement. “Le code est une démarche axée sur la recherche de solutions, poursuit Mme Crumière. Les élèves sont invités à chercher des pistes pour résoudre un problème et ce faisant, tester, se tromper et recommencer.”
“C’est une histoire de logique et de la créativité”, résume Nadia Garfunkel, formatrice de la start-up ImagiLabs (lire ci-contre).
Un levier pour un monde durable
Pour la première fois, la Coding Summer School avait un thème : celui de l’environnement. “Les jeunes sont particulièrement intéressés par la protection de l’environnement et sont acteurs de changement à ce niveau-là”, motive Julia Crumière.
Selon elle, “la technologie fait partie des leviers pour développer des solutions a minima pour contribuer à un monde durable”. Et derrière ces technologies, se cachent des lignes de codes développées par des esprits créatifs.
“On a vu récemment des moyens digitaux pour trier les déchets ou nettoyer les océans”, cite-t-elle en exemple. Exemples concrets présentés aux jeunes participants. “Qui sait, peut-être que la graine que l’on sème aujourd’hui les mènera à développer des solutions demain…”

La fracture numérique est aussi liée au genre
"Si le futur, c’est la technologie, alors il est essentiel d’y inclure les filles et les femmes afin qu’elles fassent partie de ceux qui donnent forme à cet avenir”, entame Nadia Garfunkel à l’adresse des jeunes bruxellois. Membre de la start-up suédoise ImagiLabs, elle œuvre à l’accrochage des filles aux métiers de la technologie.
“Les fondatrices d’ImagiLabs voulaient apporter une solution au fait qu’il y ait si peu de filles dans les cursus des TIC”, explique Nadia Garfunkel. À la sortie des études, elles lancent leur start-up : une application de codage s’adressant particulièrement à la gent féminine “grâce à un branding adapté et coloré, poursuit-elle, car actuellement, la grande majorité des éléments informatiques sont fabriqués par des hommes pour les garçons”.
Certes, la forme n’échappe pas aux stéréotypes de genre, mais sur le fond, les fondatrices de l’application semblent atteindre leur cible. “C’est trop stylé !”, commente d’ailleurs Kayissa, 11 ans, alors qu’apparaît sur un petit appareil blanc l’animation qu’elle vient de développer depuis son téléphone. “D’un jeu amusant, le code peut devenir un choix de carrière”, pense Nadia Garfunkel. “Mais il faut agir tôt si l’on veut éviter que les filles aient déjà intégré les stéréotypes de genres qui les freinent à s’intéresser aux technologies.”
Une étude de la Commission européenne (2016) révèle en effet que sur un millier de femmes titulaires d’une licence ou d’un diplôme similaire, seules vingt-quatre détiennent un diplôme en TIC. Parmi elles, seules six finissent par travailler dans des emplois du secteur du numérique.
Des quotas de filles
Dressant le même constat d’une quasi-absence de filles dans les filières – et plus tard dans les professions – STIM (Science, Technologie, Ingénierie et Mathématiques), ThinkYoung veille à ce que celles-ci aient accès aux modules d’initiation. “Les filles intègrent très tôt le fait qu’elles ne sont pas faites pour ces filières-là”, déplore Julia Crumière.
C’est pour contrer ces idées profondément ancrées que l’association a choisi d’instaurer un quota de fille. “On vise 50 à 70 % de filles lors des Coding Summer School”, précise la chargée de communication.
C’est là que Maria-Paola a suivi ses premiers cours de codage. Elle avait 14 ans. “J’ai toujours aimé les sciences. Le code, avec son aspect logique, s’y rapproche beaucoup”, analyse la jeune fille qui, à 17 ans, se voit exercer dans le secteur de la biomécanique.