Des camps "chasse-poubelles"
Les mouvements de jeunesse s’emparent des questions environnementales. Pour certains, les camps d’été sont désormais “zéro déchet”. En formant les staffs, Zero Waste Belgium s’adresse aux consommateurs de demain.
- Publié le 19-07-2021 à 06h33
Au milieu d’une prairie bordée de sapins, en lisière de forêt, un groupe de jeunes filles s’affaire autour d’une table de brasseur remplie d’aliments en tout genre. En son centre trône un long pot dont les fleurs ont été remplacées par des herbes aromatiques. Autour d’elles, assises confortablement sur des chaises de camping, d’autres discutent avec légèreté de la préparation du repas. Ce jour-là, c’est la traditionnelle journée du concours cuisine au camp des guides horizon de Boussu. Le concept est connu mais la recette a été quelque peu revisitée : “Chaque groupe sera notamment évalué sur la quantité de déchets qu’il aura produite ou non”, explique avec enthousiasme Otsoa. “Ça réduit un peu les choix en termes de consommation alimentaire… mais c’est positif”, glisse Igaraba.
Dans la continuité de la thématique de l’année – où elles ont nettoyé les cours d’eau –, les guides ont en effet choisi de placer le camp sous le signe de l’écologie : elles se déplacent à vélo et essaient de diminuer autant que possible leur production de déchets. “L’idée est de polluer le moins possible”, résume Poudou, membre du staff de la 16e HC de Boussu.
Quinze guides, un sac-poubelle
Au bout d’une semaine de camp, les guides horizon ont accumulé un seul sac-poubelle tout-venant. Marc Sautelet, coordinateur du projet Camp zéro déchet pour Zero Waste Belgium, le vide. “Ce n’est pas pour contrôler”, rassure-t-il, mais davantage pour voir comment la petite troupe aurait pu éviter mieux encore l’accumulation de ses déchets. Du papier humide pourrait être jeté dans le compost (à défaut de servir à l’allumage du feu). “Le compost est fait pour moitié de déchets organiques, et pour l’autre de matière sèche”, explique-t-il. Des paquets de chips auraient aussi pu être triés dans les PMC. “Le nouveau sac bleu s’applique dans la région”, motive Marc Sautelet. Ces éléments retirés, la poubelle tout-venant se vide à nouveau de manière conséquente. “La différence avec les années précédentes est criante”, remarque la cheffe Kiang.
“En moyenne, les groupes divisent leur production de déchets par trois. Certains vont même bien plus loin”, observe Marc Sautelet. Un projet qui, souligne-t-il, “permet d’arriver à des résultats très rapidement et de manière assez simple”. “Normalement, une personne produit 150 kg de déchets par an, poursuit-il. En divisant cela par trois, on atteint 50 kg, ce qui constitue un plancher en dessous duquel il est compliqué de descendre”. Et qui lui fait dire que les jeunes s’en sortent très bien.

“On fait le max”
“On fait le max mais si les supermarchés ne s’y mettent pas, c’est compliqué”, soulève Otsoa. La troupe a en effet mis toutes les chances de son côté pour y arriver. Le pain est acheté chez le boulanger du village et stocké dans des taies d’oreiller, la viande – consommée avec modération – provient de la boucherie du coin. “On y a avec nos propres contenants”, précise Otsoa. Pour les fruits et légumes – bio et de saison – les guides se rendent chez un maraîcher de la région et se fournissent en œufs dans une ferme non loin du camp. “On a fait nos confitures nous-mêmes”, ajoute Igaraba. Les denrées non périssables (riz, pâtes et céréales) ont quant à elles été achetées en vrac avant le départ.
“On gaspille beaucoup moins, constate Poudou. On veille à cuisiner les bonnes quantités et, plutôt que de les jeter – on a tout de même un compost -, on mange les restes le lendemain.” Cela dit, “il faut davantage anticiper, souligne-t-elle. C’est une démarche qui pousse à la réflexion… mais on se prend au jeu est ça en devient amusant”. Il n’a d’ailleurs pas fallu user de subterfuges pour convaincre Benjamin, le cuistot, de se plier à cet exercice “pas si contraignant”.
Côté hygiène, “on utilise du savon sec pour se laver…”, poursuit Otsoa. “Quand on se lave… !”, plaisante une autre.
L’essentiel facteur plaisir
Les guides horizons, contrairement à d’autres sections, ont besoin de peu de matériel. “C’est une sorte de camp minimaliste”, commente Marc Sautelet. Ailleurs, il faut mettre en place des solutions pour ne pas brûler les perches à l’issue des constructions ; trouver des alternatives à la corde utilisée par kilomètre… “Il faut que les choses changent et que les camps qui tendent vers le zéro déchet deviennent la norme”, tonne Igaraba.
“Toute cette démarche n’est pas une corvée, c’est au contraire une chouette expérience”, commente Kiang. D’ailleurs, souligne Marc Sautelet, “la notion de plaisir est primordiale pour amener du changement”.
C’est bien parti puisque, depuis le début des formations lancées il y a quatre ans par Zero Waste Belgium et forte du soutien des fédérations de mouvements de jeunesse, environ cent staffs ont été formés. Quant à leur impact indirect, il est “incalculable”, Marc Sautelet souhaitant que “la démarche essaime bien au-delà des groupes que l’on accompagne”.

“Les jeunes sont des passeurs d’énergie et de valeurs”
La demande se faisait de plus en plus pressante au sein des mouvements de jeunesse : comment peut-on diminuer les déchets générés lors des camps d’été ? “Ces questionnements sont remontés jusqu’à nous”, se remémore Marc Sautelet. L’occasion faisant le larron, Zero Waste Belgium a planché sur plusieurs modules de formations à destination des staffs (animant des jeunes de 7 à 17 ans) désireux de s’inscrire dans une démarche de camp durable. “Il s’agit de leur donner des infirmations théoriques mais aussi de leur transmettre des solutions très concrètes et de leur permettre d’échanger idées et bonnes pratiques”, résume le porteur du projet Camps zéro déchet.
“Les premières craintes concernent la faisabilité, les contraintes et le coût”, a pu observer Marc Sautelet. Rassurés sur ces points, “les staffs se rendent compte que c’est possible” et peuvent alors envisager plus sereinement ce changement de fonctionnement. Et c’est bien pour cela que Zero Waste Belgium “les accompagne, les outille et les aide à fixer leurs propres objectifs en fonction de leur réalité, portant ainsi le projet de manière indépendante”. Ceci dans plusieurs catégories, qui sont autant de leviers d’action en faveur de camps plus durables. “D’ailleurs, le zéro déchet est une porte d’entrée vers cet objectif plus global là”, précise Marc Sautelet.
Ainsi, des modules ont été pensés autour de l’alimentation, la gestion des déchets, l’hygiène et le matériel. Leviers auxquels vient s’ajouter celui de la participation. “L’idée d’un camp zéro déchet vient souvent de quelques personnes, précise M. Sautelet. On leur donne des clés pour parler au reste du staff, aux cuistots, aux animés et à leurs parents afin qu’ils adhèrent au projet et y soient inclus.”
Transmission de pair à pair
“Les guides horizon sont formées pour devenir chefs. Il nous semble essentiel que la diminution des déchets fasse partie de leur formation, dont elles transmettront elles-mêmes les principes à leurs animés”, estime Poudou, chef dans le staff des guides horizon de la 16e HC de Boussu.
En effet, ces chefs sont des référents pour les jeunes, “ils ont valeur d’exemple”, souligne avec conviction Marc Sautelet, qui juge la transmission par les pairs essentielle. “Ce sont des passeurs d’énergie, de motivation et de valeurs auprès de leurs animés”, soutient-il.
En formant ces staffs, ce sont aux consommateurs de demain à qui s’adresse Zero Waste Belgium. Autant qu’elle répond à leurs préoccupations liées à la préservation de l’environnement – et de la vie future sur Terre -, elle leur donne des outils pour faire des choix de consommation raisonnés. “Une telle expérience peut les aider à appliquer ces acquis dans leur quotidien et apporter des bénéfices à long terme”, pense-t-il. Par leur biais, “ce sont des familles entières qui sont sensibilisées.”
“C’est certains qu’en rentrant, je changerai mes comportements… et ceux de mes parents !”, souligne Igaraba.