Kapout.be, le "market place" des objets cassés
kapout.be est une plateforme internet dédiée aux objets défectueux. Les usagers proposent de les vendre, les donner ou demandent de l’aide afin de les réparer. Une troisième voie entre le Recypark et le Repair café.
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- Publié le 24-08-2021 à 09h52
- Mis à jour le 30-08-2021 à 18h38
On connaît le “market place” de Facebook. Un lieu de vente virtuel dans lequel on trouve un tas d’objets que les particuliers s’échangent. “Sauf que ces objets doivent être en état de fonctionner”, souligne Jean-Elie Sonnet. Erreur, estime-t-il ! “On juge malhonnête ou incorrect de vendre ou de donner des objets défectueux alors qu’un objet cassé n’est pas nécessairement bon à être jeté ! Il a de la valeur.” Un constat étayé par son expérience dans la logistique au sein d’une entreprise pharmaceutique (lire ci-contre) pour laquelle il était chargé de récupérer le matériel défectueux des clients et… de le réparer afin de le remettre en circulation.

Le marché du cassé
Fort de ces compétences, Jean-Elie s’est lancé dans le développement de projets de logistique inscrits dans l’économie cLirculaire (au sein du collectif Rethink Logistics, qu’il a créé). “Je voulais participer à la gestion logistique des objets du quotidien”, explique-t-il. C’est dans ce cadre-là qu’a été mise en ligne, fin 2020, la plateforme internet kapout.be. Sorte de “bibliothèque d’objets cassés”, elle propose aux utilisateurs de vendre ou de donner des objets défectueux ou de demander de l’aide pour les réparer. La plateforme n’accueille ainsi ni les objets fonctionnels ni les objets délabrés. Uniquement les objets défectueux, qui seraient en panne, desquels un composant serait cassé… et auxquels il est envisageable de donner une deuxième vie.
“Le premier objectif de kapout.be est de rendre visible tous ces objets cassés, explique Jean-Elie Sonnet. Et si chacun répertoriait les objets cassés qu’il possède, on verrait la partie immergée de l’iceberg”. Car nombreuses sont les personnes qui laissent simplement ces objets s’accumuler sans y prêter attention ni considérer qu’ils ont encore de la valeur. Selon une enquête de Recupel, l’ASBL en charge de la collecte et du traitement durable d’appareils électriques et électroniques usagés, les ménages belges possédaient en 2020 un total de 51 millions d’appareils électroniques inutilisés, dont 9 millions seraient cassés. Cela représente deux objets défectueux par foyer.
“On constate en effet que de nombreuses personnes ne souhaitent pas jeter leurs appareils défectueux – par souci écologique avant tout – mais qu’elles n’ont pas non plus les compétences de les réparer elles-mêmes, ou pas l’envie de le faire”, poursuit Jean-Elie Sonnet. Le défi est dès lors de “faire parvenir ces objets aux personnes qui pourront leur rendre leur état de grâce”.
La plateforme fait ainsi le lien entre d’un côté, ceux qui souhaitent se débarrasser de ces objets et de l’autre, ceux qui souhaitent les acquérir afin de les réparer et ainsi de leur permettre de servir à nouveau. Attention, préviens Jean-Elie Sonnet, “on tient à ce que les objets circulent localement”. Raison pour laquelle les services d’acheminement par voie postale ne sont pas prévus par la plateforme.
“Un objet cassé n’est pas nécessairement bon à être jeté ! Il a de la valeur !”Jean-Elie Sonnet, Fondateur de Kapout.be
Néanmoins, “il est compliqué d’inciter les gens à réparer des objets cassés dont ils n’ont plus besoin”, soulève pertinemment Jean-Elie Sonnet. Raison pour laquelle il présente kapout.be comme une troisième voie – complémentaire – entre le parc à conteneurs, qui accueille les objets voués à être recyclés et les Repair Cafés, dans lesquels des bénévoles réparent les objets défectueux de particuliers qui souhaitent encore s’en servir.
Vers de nouvelles filières de réparation
“Si on faisait un inventaire précis, se poserait alors la question de ce que l’on fait de tout cela. Des filières spécifiques de réparation pourraient être créées à côté de celles qui existent déjà, comme la réparation des téléphones portables ou des machines à laver”, prédit Jean-Elie Sonnet. Pour que le modèle soit fonctionnel, d’un bout à l’autre de la chaîne, la plateforme ne vise donc pas uniquement les personnes animées par des préoccupations environnementales – public “déjà touché par de nombreuses initiatives” – mais aussi “tous ces gens qui font de la réparation un business, comme activité principale ou pour arrondir leurs fins de mois”. kapout.be deviendrait alors ce “lieu de rassemblement pour toute une communauté”.
Parce qu’elle mobilise la collectivité, Jean-Elie Sonnet estime que la plateforme kapout.be, c’est “la rencontre entre un modèle d’économie collaborative – les gens se mettent ensemble pour trouver des solutions et avoir un impact positif sur la société – au service de l’économie circulaire”.
Une expérience logistique
“Le projet se voulait être une expérience logistique”, remarque le fondateur de kapout.be. Expérience concluante, dit-il, puisqu’en six mois, la plateforme a répertorié quelque 550 objets et vise le millier d’ici la fin de l’année. “Le but est de rassembler le marché de la pièce cassée par une plateforme qui lui est entièrement dédiée”, résume-t-il. Cependant, “le concept deviendra ce que les gens en feront”.
Reste encore à le rendre financièrement pérenne. Jean-Elie Sonnet, récent lauréat du trophée Incidence BW, se donne vingt mois pour développer un modèle économique rentable, tout en ayant à cœur de préserver l’absence de publicité, la gratuité pour les utilisateurs et, enfin, la protection de leurs données.
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Maîtriser la “Logistique inverse”
Gestion des retours. Récemment, on apprenait que le géant du commerce en ligne Amazon brûlait les pièces qui lui étaient renvoyées. "Ils pensent que ça coûte moins cher de jeter que de produire du neuf", se désole Jean-Elie Sonnet, pourtant persuadé du contraire. En recyclant ou, mieux, en réparant, "on peut faire des économies de taille", en plus d'éviter l'usage de nouvelles matières premières. "Les entreprises ont compris comment produire et envoyer, mais elles sont à la traîne dans la gestion des commandes et des retours", a-t-il pu observer pendant les dix années que le fondateur de Kapout.be a passé à travailler dans le secteur logistique pour le compte d'une entreprise médicale. Plus spécifiquement dans la "logistique inverse", précise-t-il. "Plutôt que d'acheminer de la marchandise vers le client, il s'agit d'organiser la récupération des objets usagés."
Logistique verte. Il a ainsi organisé le recyclage ou la remise en état de "montagnes d'objets cassés". "On pouvait réparer si le prix de la réparation n'excédait pas 70 % du prix d'achat neuf", explique-t-il. "Mais pourquoi se limiter à 70 % ? Pourquoi ne pas aller jusqu'à 100 % ?" Selon lui, il convient de "démonter la croyance" selon laquelle un objet réparé vaut moins que son équivalent neuf. "Les entreprises devraient même accepter de payer plus cher pour de la 2e main car ce faisant, elles adoptent une attitude positive d'un point de vue environnemental." Mais "le chemin est encore long", concède-t-il. En attendant, fort de son expérience, il est persuadé qu'il "est possible de faire de la logistique verte et financièrement intéressante". "Cette logique doit rapporter de l'argent aux entreprises sinon, elles ne s'y engageront pas", avance-t-il.