Le vélo, jeu et enjeu en Hesbaye liégeoise
Un challenge initié par le groupe d’action local hesbigon entend pousser à la pratique du vélo. Pendant 21 jours, les participants loguent leurs kilomètres sur une app. En échange, des récompenses les attendent. Dont celle d’avoir changé leurs habitudes de mobilité ?
- Publié le 18-09-2021 à 11h00
- Mis à jour le 21-09-2021 à 10h23
Quelque part en Hesbaye liégeoise, Muriel Wery, citoyenne et cycliste revendiquée du coin, enfourche son VTT et s’élance, comme presque tous les jours, sur les routes de campagne bordées de champs. Il pleuviote un peu ce jour-là mais qu’importe, cette jeune maman enthousiaste et volubile aime le plein air, les grandes ballades en deux roues (ou à cheval), et les multiples possibilités cyclables qu’offre la région, lardée de sentiers de terre et de routes agricoles – appelés ici chemins de remembrement.
Dans sa poche, son GSM contient une application qui décompte les kilomètres qu’elle va parcourir pendant une vingtaine de jours. Une expérience de mobilité ? Oui, mais un jeu – gentimment – compétitif, surtout : Muriel Wery a téléchargé l’application Bike and Win suite à son inscription au challenge vélo organisé par le groupe d’action local (Gal) hesbignon, avec le soutien du Groupe de Recherche et d’Action des Cyclistes Quotidiens (gracq). Lesquels ont voulu marquer le coup, en ce début de semaine de la mobilité (16-22 septembre), en proposant aux habitants d’une dizaine de communes (lire-ci-contre), “d’oublier leur voiture pendant 20 jours”. Et ça, c’est loin d’être simple… En échange, ceux-ci sont invités à enfourcher un vélo – individuellement ou en groupe – afin de parcourir au moins 150 kilomètres (500 si l’on se trouve en équipe). Les précieux kilomètres sont ainsi décomptés via une application. Avec, pour récompense, des lots pour les cyclistes qui auront parcouru, voire dépassé, la distance requise pour prétendre à une récompense.

Le vélo, ce “game”
"Il ne s'agit pas d'encourager l'exploit sportif mais d'être régulier, avec un maximum de kilomètre parcourus par jour", détaille Patricia Remacle, du Gal, en charge de l'intégration des nouvelles technologies dans la ruralité et la mobilité. "Le Gal avait déjà organisé deux challenges avec les communes et les écoles, mais sans application, et les gens encodaient quotidiennement leurs kilomètres. Ici, c'est un outil 'gamifié'(comprendre : soutenu par une application, NdlR)", mais pas seulement. "Cette idée s'inscrit dans tout un projet mobilité", reprend de son côté Christelle Degard, elle aussi chargée de projet au Gal : "D'abord le développement d'un réseau vélo utile, avec le développement d'un réseau cyclable pour les déplacements du quotidien, sachant qu'il y a déjà pas mal de chemins qui sont déjà balisés pour tout ce qui est balade. On est en train de réaliser une cartographie d'un réseau pour les déplacements quotidiens, avec une mise en évidence des points noirs, l'aménagement des carrefours problématiques, etc. Des actions de sensibilisation tel que le challenge ont pour but d'accompagner les utilisateurs du réseau vélo utile qui est en cours de construction et d'élaboration."
Aménagements
Au-delà du défi proposé par le Gal, les cyclistes de la région attendent mieux en termes d'aménagements, même s'ils comprennent que la problématique se pose différemment à la campagne qu'à la ville. "L'offre de pistes cyclables dans le coin ? C'est simple, il n'y en a pas", témoigne Anne-Sophie Grard, cycliste et navetteuse qui participe au challenge et est active au sein du Gracq-Hesbaye. "La Province de Liège a mis en place une série de chemins comme il en existe dans le Limbourg par exemple, mais c'est à visée touristique. J'emprunte ces itinéraires qui permettent de se retrouver sur de plus petites routes, mais on atteint certaines limites dès qu'on sort du territoire du Gal – ce qui est mon cas. Et donc j'emprunte des nationales pas du tout sécurisées car je n'ai pas le choix. Je me suis entendue dire que cela relevait de la région wallonne, et les communes n'en voient pas forcément l'intérêt car ce n'est pas leur territoire."
Même son de cloche pour Muriel Wery, qui n'est pas toujours rassurée lorsqu'elle roule en compagnie de son fils de cinq ans. "La problématique dans les campagnes – ce qu'on nous répond d'un point de vue communal – c'est que les routes ne sont déjà pas très larges, et que mettre en place une bande pour les vélos n'est pas évident. Il faut aussi que d'une commune à l'autre, celles-ci puissent s'accorder pour des jonctions viables de sorte que certains segments soient complètement couverts. J'entends beaucoup de réserves, voire d'excuses sur le sujet, aussi je pense que l'action du Gal va aussi permettre à des gens comme moi, actifs au niveau communal, de demander ou proposer des choses dans ce sens-là grâce au retour d'expérience qu'on a."
La demande est là, mais…
"Il est clair qu'il y a un gros travail à faire au niveau sécuritaire pour l'aménagement des infrastructures", embraye Christelle Degard, ce qui n'empêche pas que la demande soit en train de poindre selon elle : "Pour le réseau vélo utile, beaucoup de gens sont associés via des groupes de travail : il y a un engouement pour le vélo qui doit être stimulé mais le terreau est là."
À entendre Anne-Sophie Grard, cet engouement naissant est une réalité – avec quelques bémols toutefois. "J'ai bien remarqué que je n'étais plus la seule à, vélo et qu'effectivement, quelques personnes dans mon entourage ont commencé à intégrer le vélo comme mode de déplacement. Mais j'ai eu récemment une discussion avec une amie qui me disait qu'elle était revenue en arrière : elle avait aussi essayé et un accident dans son entourage avec un décès à la clé l'a marqué. Elle est repassée au vélo mais uniquement sur les ravels (réseau autonome des voies lentes, NdlR, réservées aux vélos et piétons)."
Une centaine de personnes inscrites
Au dernier pointage, une centaine de personnes étaient inscrites pour ce challenge vélo, un chiffre qui déçoit quelque peu les organisatrices. "On a du mal à capter l'attention", déplore Christelle Degard, mais le bouche-à-oreille pourrait faire grimper le nombre d'inscrits au fil des 21 jours que dure le challenge – que l'on peut rejoindre en cours de route. D'ailleurs, cette durée, 21 jours, ne doit rien au hasard : "Symboliquement, cette durée est souvent une référence pour un changement de comportement. C'est le but de ce challenge : pousser les gens à tester un nouveau mode de déplacement et de l'intégrer dans sa vie quotidienne."
Un projet local, technologique et... un peu balbutiant
"Je vais être sincère, je l'ai installée au début du challenge, mais ça n'a pas marché", lance Anne-Sophie Grard, lorsqu'on la questionne sur la fameuse application qui doit permettre aux participants d'enregistrer leurs kilomètres. Un constat qui fait écho aux impressions de Muriel Wery, autre participante au challenge hesbignon, laquelle prend la chose avec philosophie : "Il faut juste arriver à démarrer l'application et à la rendre active à tout moment, ça c'est les petits bugs du début." Celle-ci nous montre l'interface et finit, après redémarrage du téléphone, par la relancer…
Projet local, appli locale
Si l'application n'est pas tout-à-fait affûtée, au moins celle-ci est-elle locale, à l'image de l'initiative. Christelle Degrard raconte : "On travaille sur le projet 'smart ruralité' (qui entend intégrer le numérique à des projets ruraux, NdlR) avec le Gal Jodoigne qui avait déjà expérimenté sa propre application qui s'appelle 'challenge mobilité', que ses membres utilisent maintenant depuis un an. Mais ils ont eu une difficulté : l'entreprise qui leur a fourni cette application a mis la clé sous la porte suite au covid. Nous n'avons pas pu récupérer cette application, mais on s'est dit que cela valait la peine de tester quelque chose de local."
Va donc pour Bike and Win, une plateforme confondée par un liégeois, Guillaume Kerckhofs, qui a développé l'application. Celle-ci, gratuite, est spécifiquement conçue pour encourager la pratique du vélo. Passés les petits bugs, Bike and Win semble tout de même remplir son rôle ; "Cela s'aligne avec l'esprit de compétition : on a le cumul des kilomètres, le pourcentage réalisé, je trouve ça sympathique dans l'aspect gamiffication", témoigne Muriel Wéry.
Reste que le véritable atout du challenge semble surtout résider dans la nature de la Hesbaye, "un territoire configuré pour la pratique du vélo, appuie Christelle Degard : "C'est très plat donc il n'y a pas de freins comme pour un territoire vallonné. Mais l'usage de la voiture lié aux grandes distances à parcourir fait que les gens sont fort accrochés à ce moyen de déplacement."À ce titre, le fait que le challenge offre la possibilité de gagner un vélo électrique pourrait faire mouche : "Cela fait trois ans que j'ai acheté un vélo électrique, explique par exemple Anne-Sophie Grard. "Selon où je me rends, je parcours une distance qui va de 11 à 15 kilomètres. En passant par des chemins de remembrements notamment, des plaines céréalières et ce genre de chose, un petit bout de nationale et l'aéroport de Bierset." Un bout de chemin, donc, qui justifie selon elle le passage au vélo électrique "en cas de dénivelé" et pour "ne pas perdre trop de temps".

Onze communes impliquées
Le challenge hesbignon s'adresse aux habitants des onze communes suivantes : Amay, Villers-le-Bouillet, Verlaine, Faimes, Donceel, Geer, Fexhe-le-Haut-Clocher, Remicourt, Waremme, Berloz, Oreye.
Les lots à gagner ont une valeur de 10 à 100 euros et seront attribués par tirage au sort à celles et ceux qui auront remporté le défi. Le "gros" lot ? Un vélo bien sûr. Électrique, pliant, offert par Carbonbike, le partenaire de l'opération.
Il est toujours possible de s’inscrire.
Pour plus d’informations :