Des squelettes externes pour soulager les personnes handicapées

Les Ateliers Saupont cherchent des solutions pour soulager les travailleurs porteurs de handicaps physiques. Des “squelettes” externes sont utilisés pour aider les ouvriers dont les mouvements répétitifs accentuent les maux.

Michaël se penche, s'accroupit et ramasse au sol un casier qu'il pose ensuite dans le fond d'un évier. Courbé, il le nettoie et le désinfecte avant de le mettre à sécher. Et puis il recommence. Cela fait une année qu'il travaille à la laverie des Ateliers Saupont, une entreprise de travail adapté (ETA) – et l'un des plus gros employeurs – de la région Ardenne Centre. Il est certes amené à exécuter d'autres tâches, mais celle-ci est sa responsabilité principale. Atteint de rhumatismes psoriasiques et d'une hernie spongieuse, entre autres, il ne connaît "pas un jour sans avoir mal au dos", commente-t-il tout en poursuivant son labeur. "On a ajouté une grille dans l'évier pour le surélever afin que je sois moins courbé", poursuit-il. Mais cela n'a pas été suffisant pour lui garantir des conditions de travail adéquates.

De manière plus globale, cette entreprise spécialisée dans les cosmétiques, de leur production à leur conditionnement, "a mis en place des solutions ergonomiques et adapté les lignes de production. Ainsi, les ouvriers n'exécutent pas toujours la même tâche", explique Christelle Collard, directrice du département Conditionnement. "Mais ça reste une usine et le travail y est répétitif", concède-t-elle.

Des squelettes externes pour soulager les personnes handicapées
©VVVY

Appel aux nouvelles technologies

Soucieux du bien-être des travailleurs (ils sont 380, valides et moins valides) et bien décidés à ne pas ajouter de la douleur à celle générée par des handicaps physiques lourds, les Ateliers Saupont ont promené leur regard du côté des nouvelles technologies. Après avoir robotisé certaines lignes, ils sont tombés sur les exosquelettes au détour de leurs recherches.

Il y a quelques semaines, le modèle automatisé commandé arrivait enfin depuis le nord de la France. Conçu pour soulager le dos, "il est particulièrement demandé dans les secteurs de la logistique et du bâtiment", précise Antoine Pawlowski, venu livrer le produit. Posé sur les hanches, ce dispositif médical ceinture l'abdomen. Les deux vérins, sortes de tiges verticales, bougent alors automatiquement en fonction des mouvements effectués, que ce soit d'avant en arrière ou d'un côté à l'autre. Ce faisant, ils "corrigent la position et permettent d'adopter une bonne posture", explique M. Pawlowski. "Attention, prévient Christelle Collard, l'exosquelette ne remplace pas les muscles mais les assiste." Ainsi, "il n'augmente pas les capacités d'un individu mais prend une partie de l'inconfort qu'il pourrait ressentir".

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Prévention à court terme, effets au long court

Après quelques minutes d’essai – le concept avait déjà été testé et approuvé par les ouvriers après une formation —, Michaël a l’impression que la ceinture de deux kilos, bien qu’imposante, allège des mouvements qu’il jugeait pénibles. “Il faut s’habituer, sourit-il. Mais je reste libre de mes mouvements.” Il se dit motivé à l’idée de donner une chance à ce squelette externe. “J’ai tout essayé ! ajoute-t-il sans se départir de sa bonne humeur. Si ceci permet de préserver mon dos et de prendre mes enfants dans les bras, je suis preneur. Un dos, on en a qu’un seul… on n’en trouve pas en deuxième main !”, plaisante “l’homme-robot”.

Sur le vaste plateau du conditionnement, où les chaînes de production se multiplient, Laurent, responsable d'équipe, s'occupe de l'emballage de finition d'un produit cosmétique. Assis, cet ouvrier atteint de trois hernies discales se tourne de droite à gauche et de gauche à droite pour prendre et poser les produits d'un côté à l'autre de la chaîne. "Je n'étais pas demandeur, admet-il. Mais je suis prêt à essayer." Une heure plus tard, il reviendra vers sa responsable, non satisfait de la sensation que lui procure une ceinture qu'il juge "oppressante".

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"L'objectif est de trouver des solutions adaptées pour favoriser le bien-être des employés immédiatement, au quotidien, et dans le long terme", commente Christelle Collard. L'exosquelette est pensé pour soulager des mouvements qui se répètent dans le temps. De cette manière, elle espère "maintenir l'activité et diminuer les risques d'absentéisme". "Cela participe à pérenniser des emplois de qualité", argumente Catherine Vuidar, chargée de communication aux Ateliers Saupont.

À ce premier modèle s'ajouteront deux exosquelettes mécaniques destinés aux membres inférieurs et au bassin, au profit de personnes souffrant de troubles musculosquelettiques. "Les bénéfices dégagés par l'entreprise à finalité sociale sont réinjectés dans les outils industriels et dans l'humain", poursuit-elle, nourrissant l'espoir de "pouvoir équiper le plus d'ouvriers possible", malgré le coût non négligeable – plusieurs milliers d'euros – de ces dispositifs. Un pas de plus vers "l'autonomie et l'indépendance des travailleurs" chères à l'entreprise, conclut Catherine Vuidar.

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Les start-up recourent de plus en plus aux ETA

Acteurs économiques locaux. Opte, Bicloo ou Wrapi, ces start-up wallonnes ont en commun de collaborer avec des Entreprises de travail adapté (ETA). "C'est de plus en plus le cas", se réjouit la Fédération wallonne des Entreprises de Travail Adapté (Eweta). Le succès des partenariats recensés en Fédération Wallonie-Bruxelles atteste de la pertinence d'un modèle dans lequel les intérêts et les visions se rejoignent et les compétences sont complémentaires, avance l'Eweta. Toutes deux intégrées dans le tissu économique local, les ETA et les start-up œuvrent en effet à son développement. Leur vision converge par ailleurs vers un développement durable, respectueux de l'environnement et, souvent, en circuit court, motive l'Eweta par voie de communiqué.

Du "sur mesure". Bénéficiant d'un "grand savoir faire technique", d'une "capacité d'adaptation, de flexibilité et de polyvalence", les ETA semblent être des partenaires privilégiés pour les start-up. La collaboration "permet une production flexible s'adaptant à mes besoins. Ça ajoute encore plus de sens à mon produit : […] il est social et éthique en créant de l'emploi local", motive ainsi Alyne François, fondatrice de Wrapi.

Valoriser les travailleurs. Les ETA, quant à elles, y trouvent aussi bien des avantages. Outre le fait de "diversifier les clients", ces partenariats valorisent des travailleurs "inclus dans le processus de production de ces initiatives", salue l'Eweta.

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