Quand un chapeau fait oublier la maladie et rend plus fort

La perte de cheveux liée aux chimiothérapies est particulièrement traumatisante pour les patient(e)s. Que reste-t-il quand la perruque ne convient pas ? Le foulard ou le bonnet-cancer qui renvoient à la maladie. Ou alors un joli chapeau. C’est l’idée du Caring hat fund.

Sous son élégant chapeau en feutre velours, couleur lie-de-vin, Léa sourit, timidement. À l'abri du soleil qui baigne le jardin de la Maison, Fabienne Delvigne, créatrice de chapeaux haut de couture, la jeune femme de 22 ans nous conte, tout en douceur, son histoire. Et en particulier ce qui explique sa présence ce jour-là dans cet atelier bruxellois, à l'occasion de la présentation de l'initiative Caring hat fund, créée fin 2021, qui a pour objet de récolter des fonds afin d'offrir un couvre-chef de qualité aux personnes touchées par l'alopécie et qui n'en ont pas les moyens. En d'autres mots : "contribuer ainsi à leur bien-être".

Car si Léa est venue témoigner dans ce cadre, c'est qu'elle a perdu ses cheveux, suite à une chimiothérapie consécutive au cancer du sein qui lui a été diagnostiqué en septembre dernier. "Je ne m'y attendais pas du tout, nous confie l'étudiante de Bac 2, destinée à devenir institutrice de primaire, mais j'étais porteuse du gène BRCA2. Personne d'autre dans ma famille n'avait eu de cancer du sein jusqu'ici". Autant dire qu'à l'aube de la vingtaine, c'est le monde qui bascule pour Léa.

Or, peut-être moins que l'évolution et l'issue de la maladie, ce qui l'effraie avant tout à l'annonce du diagnostic, c'est l'idée de perdre ses cheveux. "La première chose qui m'est venue à l'esprit était de trouver une perruque, pour me protéger du regard des autres le jour où je perdrais mes cheveux, se souvient-elle. Le mot cancer était automatiquement associé à la perruque, alors que je ne savais pas encore si oui ou non j'allais devoir passer par une chimio. Avec mon papa et ma sœur, nous avons fait de nombreux magasins pour en chercher une qui me corresponde. Et je n'en ai trouvé aucune avec laquelle je me sentais bien. Tout simplement moi-même, en fait."

Quand un chapeau fait oublier la maladie et rend plus fort
©Agence Peps

Sortir de la stigmatisation

Après l'épreuve de la mastectomie et la confirmation de la chimio à venir, la nouvelle réconfortante viendra du Pr Martine Berlière, gynécologue et coordinatrice de la clinique du sein à l'Institut Roi Albert -Cliniques universitaires Saint-Luc, qui soutient pleinement le projet. C'est elle qui mettra Léa en contact avec Fabienne Delvigne, chapelière depuis 35 ans. "De plus en plus depuis quelque temps, j'avais des demandes de personnes souhaitant avoir un chapeau qui puisse les protéger de la perte de cheveux suite à une maladie grave, comme un cancer ou une tumeur au cerveau. Pour diverses raisons, ils ne supportent pas de porter une perruque, ni de bonnet cancer qui renvoie automatiquement à la maladie. Les gens ne veulent pas être stigmatisés en tant que personne malade. C'est ainsi qu'est née l'initiative", raconte la cofondatrice de l'asbl, qui propose des chapeaux sur mesure.

"Dans la boutique, j'ai essayé de nombreux modèles, raconte Léa, et c'est là que j'ai réalisé que je n'avais pas envie de porter de perruque. Simplement parce que cela ne me correspondait pas. J'ai eu la chance de recevoir ce joli chapeau que j'ai pu porter tout au long de mes chimios et avec lequel je me sens beaucoup mieux. Je ne subis plus ces regards lourds que l'on portait sur moi quand j'avais un bonnet cancer. Puis ce petit sourire de pitié".

Ce qui fait aussitôt dire à Fabienne Delvigne que : "Dans certaines circonstances, on porte un chapeau. Dans d'autres, c'est le chapeau qui nous porte. Qui redonne espoir, envie de vivre et permet que les autres portent un regard d'admiration plutôt que de compassion. Caring hat fund, c'est une solution qui est belle parce que cela rend les gens beaux. Ce n'est pas parce que l'on est malade, que l'on n'a pas envie de rester comme on est. Pour nous, le bien-être et l'estime de soi sont les notions les plus importantes que l'on veut mettre en valeur. Des témoignages que l'on a pu entendre depuis la création de Caring hat, il ressort que le chapeau peut donner de la force pour affronter les difficultés de la vie".

"Le regard se porte sur le chapeau et non sur soi, en tant que malade, confirme Léa, qui souffrait avant tout précisément du regard des autres. Maintenant, on ne me parle plus de ma maladie. On me parle de mon chapeau".

Cela peut être un chapeau, "mais aussi une casquette ou tout autre couvre-chef élégant ou tendance, qui donne du peps", s'empresse d'ajouter Fabienne Delvigne. Du moment que cela ne renvoie pas la maladie, mais au contraire, l'en éloigne.

Un projet soutenu par le monde médical

"Je prends en charge des patients qui ont un cancer du sein, intervient le Pr Martine Berlière. Et je pense qu'une des choses les plus importantes pour l'avenir est de pouvoir contrecarrer les effets secondaires des traitements, dont l'un des plus poignants pour les patients est la perte des cheveux. S'il y a bien la perruque, ce n'est pas une solution qui convient forcément à tous les patients. On bataille donc pour avoir accès à d'autres formes de couvre-chef comme les foulards, qui ont aussi leurs limites. Ce projet m'a tout de suite profondément enthousiasmée dans la mesure où je considère que c'est un plus pour nos patients confrontés aux effets secondaires".

"Quand on vous apprend que vous allez perdre vos cheveux, c'est parfois plus important qu'apprendre que l'on a un cancer, explique pour sa part Yvette Vermeersch, infirmière responsable d'un espace bien-être aux Cliniques Saint-Luc. C'est très difficile à accepter. Nous sommes là pour expliquer aux patient(e)s qu'il y a des solutions. En voici une de plus. L'espace d'une après-midi pendant laquelle la patiente va choisir son chapeau dans l'atelier, elle oubliera qu'elle est malade. Pour elle, ce n'est que du bonheur dans des moments très difficiles. Même si cette étape reste transitoire, il faut aider ces femmes, ces hommes qui souffrent d'alopécie suite à la maladie".

Quand un chapeau fait oublier la maladie et rend plus fort
©Agence Peps

Un projet de loi pour étendre le remboursement

D’après une enquête réalisée dans un hôpital belge, sur 600 patients atteints d’alopécie suite à une chimiothérapie ou une maladie grave, 200 d’entre eux désiraient trouver une alternative aux solutions classiques comme les perruques, bonnets, foulards et autres accessoires.

Pour l'heure, un remboursement de 180 euros est prévu uniquement pour une "prothèse capillaire". En d'autres mots, une perruque ou un postiche, solution qui ne convient pas forcément à tout le monde. Aussi, afin de répondre aux désirs d'un plus grand nombre, une proposition de loi a été déposée dans le cadre du projet Caring hat afin que cette contribution de 180 € octroyée par l'INAMI pour les seules perruques soit étendue à l'ensemble des couvre-chefs, qu'il s'agisse de chapeaux, de casquettes, de bonnets… "Il ne s'agit pas d'augmenter le montant du remboursement, souligne Fabienne Delvigne, mais bien de laisser au patient le choix du couvre-chef".

Les spécificités de la collection Caring hat

En ce qui concerne les chapeaux de la collection Caring hat, ceux-ci ont plusieurs spécificités. Ils sont confectionnés sur mesure, personnalisés et parfaitement ajustés à la physionomie de chaque personne. Ils sont réalisés avec des matières naturelles, confortables et douces antiallergiques et non irritantes. Ils protègent contre les rayons UV, la chaleur et le froid grâce à une doublure spéciale. De plus, les modèles proposés sont prévus pour couvrir l’ensemble du cuir chevelu tout en offrant du volume, ce qui procure un sentiment de sécurité.

Quant au prix de ces chapeaux conçus “pour la vie”, il se situe entre 250 € et 690 €. À titre de comparaison, une perruque en faux cheveux coûte entre 300 € et 700 € et en cheveux naturels entre 1200 € et 3 500 €, voire jusque 4 500 €.

Les partenaires du projet

Plusieurs hôpitaux sont d’ores et déjà partenaires de l’initiative : les cliniques universitaires Saint-Luc, la clinique Saint-Jean, le groupe hospitalier Chirec, ainsi que des associations. De leur côté, Partenamut et la Mutualité chrétienne ont déjà fait savoir que, une fois le projet de loi voté, elles seraient disposées à prendre en charge une petite participation. Dans le cas d’une décision favorable, les assurances complémentaires devraient suivre également.

Quant à savoir comment bénéficier du Caring hat fund, c’est au corps médical (médecins, infirmières, hôpital…) qu’il revient de sélectionner les patients les plus susceptibles de bénéficier de l’aide de l’asbl, sur base des capacités financières. Ne disposant ni des données ni des éléments d’appréciation nécessaires, l’association ne souhaite pas intervenir dans cette sélection. Inutile donc de s’adresser à la Maison Fabienne Delvigne pour bénéficier de l’aide du fonds Caring hat. Qu’on se le dise !

Email : contact@caringhat.org ; Site web : www.caringhat.org ; Tél : 02/315 64 99

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