”Je voulais rentrer au pays pour relever le défi de créer un hôpital pédiatrique”
Née d’une rencontre entre un pédiatre infectiologue belge et un pédiatre congolais, l’association Munda vise à améliorer le bien-être d’enfants sur le plan médico-psycho-social en finançant des projets portés par les acteurs locaux. Petit à petit, l’hôpital pédiatrique grandit
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Publié le 24-04-2023 à 06h34
C’est une idée qui, lancée autour d’un verre, est devenue une belle histoire. Celle de Munda, qui signifie “intérieur” en tshiluba, une langue de la région du Kasaï. Tel est le nom de cette association née de la rencontre entre deux pédiatres, le Pr Benoît Mbiya, à présent fondateur de la Clinique pédiatrique de Mbujimayi en République démocratique du Congo, et le Pr Dimitri Van der Linden, pédiatre infectiologue aux Cliniques universitaires St Luc.
”L’idée de cette Asbl est venue lors d’une conversation autour d’une simple tasse de café après un concert, en février 2022, nous raconte Caroline Van der Linden qui, avec son conjoint, François, sa sœur Virginie et son frère Dimitri sont à l’initiative du projet. Notre frère, pédiatre aux Cliniques St Luc, nous parlait souvent de ce pédiatre congolais, venu faire une partie (2 ans) de sa formation de pédiatre en Belgique et qui était retourné en RDC pour y monter sa clinique”. Au début, une petite structure plantée dans le Kasaï oriental qui aujourd’hui a bien grandi.
”Comme, dans la famille, nous aimons bien organiser des événements, poursuit Caroline, nous nous sommes dit que l’on pourrait peut-être sensibiliser le public belge à la réalité du terrain de ce médecin et récolter des fonds en Belgique pour le soutenir. L’idée de collaborer avec un acteur d’un pays du Sud qui connaît les besoins sur place nous plaisait. Nous l’avons alors rencontré d’abord en visio, par WhatsApp, Zoom… avec les coupures que l’on imagine. Après la réunion, nous avons réfléchi à un nom pour cette association”.
Et c’est ainsi qu’est née l’asbl Munda, “un nom court, en référence à la force intérieure que l’on a chacun en nous”, dont le but est d’améliorer le bien-être d’enfants sur le plan médico-psycho-social en finançant des projets portés par les acteurs locaux dans les pays du Sud et en sensibilisant la population belge à cette problématique.

Petit à petit, la clinique a grandi
Car des problèmes, il y en a, comme nous l’explique le Pr Mbiya, venu en Belgique pour le lancement officiel de l’association. “En 2015, dans ma région, il n’y avait qu’un seul pédiatre qui a dû prendre sa retraite. Les services de santé étaient dans un état déplorable. Cela m’a révolté. Et, je me suis dit qu’une fois formé à l’étranger, il fallait que je rentre dans mon pays et que je relève ce défi. J’ai alors ouvert la clinique avec beaucoup de difficultés. J’ai commencé par louer, sous financement personnel, un bâtiment qui était abandonné depuis de nombreuses années.”
Mais les petits patients affluent et le médecin se sent à l’étroit dans ses locaux. Pour convaincre du bien-fondé des soins prodigués dans sa clinique, le pédiatre prend en photos – avec l’autorisation des parents – les enfants à leur entrée puis à leur sortie de séjour, qu’il compile dans un dossier pour les envoyer à la Fondation Roi Baudouin. C’est ainsi qu’il obtient un soutien financier pour aménager la clinique, ensuite pour louer d’autres bâtiments annexes, et enfin un prêt pour acheter de nouveaux murs, qui abritent à présent la nouvelle clinique pédiatrique, devenue référence pour toute la ville de Mbujimayi et ses environs, soit une population estimée à 2,5 millions de personnes sur une superficie de 135 km2.
En plus de la maternité et d'un service de néonatologie, nous traitons toutes les pathologies pédiatriques.
”Aujourd’hui, la clinique compte 25 lits qui sont constamment occupés, se félicite le Pr Mbiya. Nous avons deux cabinets de consultation, l’hospitalisation, la néonatologie, une salle d’opération, une salle d’accouchement, un laboratoire d’analyse, un restaurant. Il y a une dizaine de médecins tous congolais (pédiatres, gynécos, assistants notamment en dermato…), une douzaine d’infirmières et l’équipe de techniciennes de surface qui y travaillent. En plus de la maternité et d’un service de néonatologie, nous traitons toutes les pathologies pédiatriques, avec un accent un peu plus particulier sur la drépanocytose, qui est une maladie génétique du sang la plus répandue au monde, ainsi que les enfants albinos. Par an, nous faisons 3000 à 5000 consultations pédiatriques et environ 90 accouchements. Les pathologies les plus fréquentes sont le paludisme, les sepsis, les pneumonies, les maladies diarrhéiques,…“
Par an, nous faisons 3000 à 5000 consultations pédiatriques et environ 90 accouchements.
Les besoins sur le terrain et les priorités
Et quand on lui demande quels sont les besoins sur le terrain, le médecin congolais -qui se sent “très soutenu par la population” – sourit de toutes ses dents, en levant les bras et les yeux au ciel. “Ils sont tellement nombreux qu’on ne peut pas les lister, s’exclame-t-il. Disons qu’en termes de priorité, nous avons un projet qui s’appelle Dibua (pierre, en Tshiluba) et qui consiste à aménager et carreler les salles d’hospitalisation. En termes d’hygiène hospitalière, c’est important. Cela permettra de faciliter le nettoyage, et ainsi limiter et prévenir les infections nosocomiales. Nous avons aussi un projet plus important d’agrandir la clinique et construire une salle pour les patients drépanocytaires.”
Ce projet, dont le coût est estimé de 7000 à 8000 euros, pourrait être suivi de l’aménagement de la cour intérieure de la clinique dont le sol est toujours en terre. “Quand il pleut, c’est de la boue, explique le Pr Mbiya. Nous aimerions mettre une couverture en dur, ce qui représente un certain coût. Et si nous agrandissons le bâtiment en hauteur, on augmentera forcément le nombre de lits, ce qui nécessitera des équipements supplémentaires. Pour l’instant, nous avons prévu l’achat d’une couveuse et d’une table de réanimation en néonatologie. Il faudra aussi augmenter le nombre de pompes à perfusion”. Comme on le voit, tous les besoins sont encore loin d’être comblés. Et pour ce faire, les initiatives de Munda pour récolter des fonds seront précieuses.

Les projets déjà réalisés
Mankenda, qui signifie propreté ou hygiène en tshiluba, est le nom du premier projet soutenu par Munda, la commune d’Etterbeek – solidarité internationale et l’asbl Philantros (LLN), soit un budget global de 5000 euros. Il a contribué à la construction de douches et latrines, dont la clinique n’était jusque-là pas équipée. La main-d’œuvre a été prise en charge par le médecin et son équipe. “Les effets à long terme de ce projet sont la prévention des infections et l’acquisition d’installations sanitaires à l’extérieur, précisent les fondateurs de Munda. Il s’agit aussi de sensibiliser la population locale à la mise en place d’installations adéquates”.
Constituée en Asbl en octobre 2022, Munda a ensuite financé à hauteur de 2000 euros un deuxième projet, possible grâce à une récolte de fonds lors d’une fête d’anniversaire et de dons consécutifs au lancement de la communication par e-mail, sur Facebook et LinkedIn. Dénommé Lupandu (salut, santé en tshiluba), ce projet permet l’achat de denrées alimentaires pour la confection de repas au sein de la Clinique pédiatrique de Mbujimayi. Une partie du bénéfice généré par la vente de ces repas sert, depuis février, à financer sur le long terme la distribution gratuite d’un petit-déjeuner aux enfants hospitalisés. A terme, le projet a aussi pour objectifs la mise en place d’une unité de nutrition et de diététique et l’organisation de séances d’éducation nutritionnelle au sein de la clinique.

Plus d’infos : https://www.munda-asbl.be/