Obésité : la bactérie aux superpouvoirs pourrait être commercialisée dès 2021
Les chercheurs de l'UCLouvain ont présenté ce lundi les résultats très encourageants d'une nouvelle étude sur la fameuse bactérie Akkermansia municiphila. Elle pourrait limiter les risques cardiovasculaires d'un Belge sur deux ! Découvrez les détails. (...)
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Publié le 01-07-2019 à 17h02 - Mis à jour le 10-07-2019 à 17h05
Pas à pas, sous la houlette du Professeur Patrice Cani, chercheur FNRS-Welbio, l'équipe du Louvain Drug Research Institute de l'UCLouvain se rapproche de la commercialisation, sous forme de complément alimentaire, de la bactérie intestinale Akkermansia municiphila, dotée de super propriétés - pour ne pas dire pouvoirs -, dont celle de limiter l'obésité et le diabète de type 1 chez la souris, comme démontré en 2007. Si l'on en croit les chercheurs, elle pourrait en effet être mise sur le marché à partir de 2021. Une excellente nouvelle pour de nombreuses personnes, qu'elles soient concernées par des problèmes de surpoids ou d'obésité, de cholestérol, de diabète, de problématique cardiovasculaire… autant de pathologies pour lesquelles cette bactérie, prise sous forme de complément alimentaire, devrait limiter les facteurs de risque.
Après avoir, en 2017, mis en évidence l'effet protecteur contre les maladies cardiovasculaires curieusement plus important sous la forme pasteurisée que sous la forme vivante, voici que les chercheuses et chercheurs de l'UCLouvain ont présenté, ce lundi, les résultats à nouveau très encourageants d'une étude qui paraît ce jour même dans la revue scientifique Nature Medicine. Le but de celle-ci consistait à démontrer la faisabilité d'ingérer quotidiennement, sans risque pour l'humain, Akkermansia pendant trois mois. Pour ce faire, des volontaires, en surpoids ou obèses ayant tous une résistance à l'insuline (pré-diabète de type 2) et un syndrome métabolique (ensemble de facteurs de risques cardiovasculaires), ont été répartis en trois groupes: un premier ayant reçu un placebo, un deuxième la bactérie vivante et un troisième la bactérie pasteurisée. Trois mois durant, ils ont donc pris chaque jour la bactérie (10 milliards) sous forme de complément alimentaire, tout en ne modifiant ni leur régime alimentaire ni leur activité physique.

Des conclusions sans équivoque
Tout au long ainsi qu'à l'issue de l'étude clinique, les chercheuses de l'UCLouvain, Clara Depommier et Amandine Everard ont observé chez les 45 volontaires une excellente compliance (adhérence ou observance au "traitement" grâce à la facilité des prises du complément par voie orale) et tolérance (aucun effet secondaire) liées à la prise de la bactérie, quelle que soit la forme. Pour l'équipe du Pr Cani, " les conclusions sont sans équivoque: les tests chez l'humain confirment ce qui avait déjà été observé chez la souris. Non seulement, l'ingestion de la bactérie pasteurisée empêche la détérioration de l'état de santé des sujets, mais en plus et surtout, elle entraîne, sous la forme pasteurisée, une baisse des marqueurs d'inflammation du foie (- 20 à -25%) - probablement le signe d'une meilleure barrière intestinale -, une légère diminution du poids (- 2,3 kg en moyenne) ainsi que du taux de cholestérol (- 8,6%)".
On a aussi observé une diminution de la résistance à l'insuline (- 32,6 %), ainsi que du tour de hanches (- 2,6%). On peut donc à présent affirmer qu'il s'agit d'une découverte majeure dans la mesure où la bactérie, limite significativement l'augmentation de plusieurs facteurs de risques cardiovasculaires, limite l'évolution du pré-diabète et le taux de cholestérol chez l'humain. Pendant ce même temps, les sujets ayant reçu le placebo ont vu leurs paramètres métaboliques (résistance à l'insuline ou hypercholestérolémie) continuer de se dégrader…

Pour un large public
Alors, à qui plus précisément s'adresserait ce complément alimentaire, une fois disponible? " A beaucoup de monde, répond le Pr Cani, sachant qu'une personne sur deux est en surpoids et présente plusieurs facteurs de risques cardiovasculaires. Il ne faut cependant pas perdre de vue qu'il s'agit d'une approche nutritionnelle. On pourrait donc imaginer que ce complément alimentaire soit utile pour les personnes présentant ces facteurs de risques (insulino-résistance, pré-diabète, taux de cholestérol élevé…) et/ou qui souhaitent renforcer la fonction barrière de l'intestin. Pourquoi pas en préventif, même si, au stade actuel, les effets positifs restent difficiles à démontrer. Mais ce complément ne doit certainement pas être envisagé en remplacement d'une approche nutritionnelle; il ne sera efficace qu'en complément d'une approche nutritionnelle correcte." Quoi qu'il en soit, les présents résultats devraient ouvrir la voie à une étude à plus large échelle, quelques centaines de sujets et une plus longue période, a priori dans des multicentres. De quoi préciser comment prendre le complément alimentaire, pour quelles indications en priorité et quel public.
La bactérie Akkermansia n’est pas un probiotique
Complément alimentaire. La bactérie Akkermansia dont il est question en l'occurrence n’est pas un probiotique, mais bien un complément alimentaire. Un probiotique est un microorganisme vivant qui, consommé en quantités adéquates, apporte un bénéfice santé à l’être humain. Pour s’appeler probiotique, il faut avoir fait l’objet de nombreuses études chez l’homme. En Europe, aucune bactérie (ni produit) vendu sur le marché ne peut être appelée probiotique. Un complément alimentaire peut être défini comme une source concentrée de nutriments ou de plantes qui a pour but de pallier les carences du régime alimentaire régulier d’une personne.
Financement. Pour mener à bien ces recherches, le Pr Patrice Cani a bénéficié de plusieurs financements, via le FNRS, l’EOS (The Excellence of Science), le fonds Baillet-Latour, le WELBIO, la banque Transatlantique Belgium, la Région wallonne (DGO6) et deux bourses européennes ERC (starting et proof of concept grants).
Plus d’infos. Une adresse mail générique a été créée pour le grand public qui souhaite s’informer sur la bactérie Akkermansia : akkermansia@uclouvain.be.