For Women in Science: qui sont ces jeunes et talentueuses chercheuses?
Ce mercredi soir a lieu la cérémonie de remise des bourses “For Women in Science”. Un programme conjoint de L’Oréal et l’Unesco, qui soutient depuis 1998 les femmes scientifiques. Encore trop rares.
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Publié le 20-11-2019 à 06h32 - Mis à jour le 20-11-2019 à 09h45
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Ce mercredi soir a lieu la cérémonie de remise des bourses “For Women in Science”. Un programme conjoint de L’Oréal et l’Unesco, qui soutient depuis 1998 les femmes scientifiques. Encore trop rares.
"Œuvrer pour que plus personne ne pense que le progrès scientifique et technique, que le progrès tout court, peut se faire sans les femmes" parce qu’"il est inconcevable de se priver du talent de la moitié de l’humanité", c’est le discours que tiennent conjointement L’Oréal et l’Unesco depuis 1998, année du lancement du programme "For Women in Science". Leur ambition commune, logique et légitime : donner aux femmes la place qu’elles méritent dans la science. Tout simplement…
Eh bien non, pas si simple, justement. Aujourd’hui encore, dans l’Union européenne, d’après le rapport de l’Unesco sur la science (datant de 2015), seuls 29 % des chercheurs sont des chercheuses et 11 % des hautes responsabilités académiques sont occupées par des femmes. Quant aux prestigieuses récompenses, seulement 3 % des prix Nobel scientifiques leur ont été décernés.
De futurs prix Nobel ?
Voilà qui justifie pleinement l’existence du prix L’Oréal Unesco "For Women in Science", dont certaines lauréates se sont d’ailleurs vu par la suite décerner la consécration suprême.
En attendant pareil couronnement, à côté des prix d’excellence accordés à ces femmes scientifiques d’exception, le programme accorde à de jeunes scientifiques talentueuses des bourses doctorales et postdoctorales dans plus de 117 pays. Créées en 2007, les bourses belges récompensent, tous les deux ans, trois jeunes femmes pour l’excellence de leurs travaux, leur courage et leur engagement dans le domaine de la recherche scientifique.
Dotées d’un montant de 60 000 €, ces bourses permettent à ces jeunes scientifiques d’entamer leur doctorat, et leur offre, ainsi qu’à leurs travaux, une visibilité médiatique et académique accrue.
Nouveauté
S’inspirant des pratiques internationales, l’édition belge de cette année sera l’occasion d’étendre les bourses aux jeunes femmes actives dans le domaine des mathématiques et de l’informatique.
C’est ainsi que Paulien Jansen, de l’Université de Gand, a été sélectionnée pour ses recherches dans le domaine des mathématiques. Au même titre que les deux autres lauréates, Emilie Pollenus et Tine D’aes, elle reçoit officiellement sa récompense ce mercredi soir lors d’une cérémonie qui se déroulera à la Chapelle musicale Reine Elisabeth, à Waterloo. Cela, en présence de l’éminente professeure Ingrid Daubechies, lauréate du Prix international, de nationalité belgo-américaine, qui a été récompensée pour ses découvertes sur les ondelettes.
Tine D'aes rêve de trouver un traitement pour l'accident vasculaire cérébral
De prime abord timide, Tine D’aes a les yeux, noirs, qui pétillent aussitôt qu’elle se met à nous expliquer ce qui, aujourd’hui, occupe le plus clair de ses journées. En l’occurrence, la recherche sur les mystères qui entourent la mort des neurones après un accident vasculaire cérébral (AVC). C’est en effet précisément l’objet de son doctorat, pour lequel la lauréate de 28 ans a reçu, pour couvrir les deux premières années, une des trois bourses belges “For Women in Science”, programme lancé à l’initiative de L’Oréal et l’Unesco, le FNRS prenant la relève pour la suite. Une fantastique expérience de quatre ans pour cette jeune Anversoise qui a ainsi rejoint le Giga, l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences biomédicales de l’Université de Liège.
Mais avant d’en arriver à se passionner pour ce sujet pointu, cette fille de deux parents médecins généralistes a connu un parcours plutôt atypique qu’elle nous conte avec bonheur. Sortie de latin-sciences, affectionnant tout particulièrement la biologie, la géographie mais aussi le latin, l’étudiante d’alors hésite quant à l’orientation à suivre pour la suite. Jusqu’au jour où “un matin, je me suis levée et je me suis dit que je voulais mieux comprendre le comportement des gens. Ce jour-là, j’ai décidé d’étudier la psychologie”.
Dès sa première année à la VUB, elle manifeste un intérêt tout particulier pour les cours qui traitent du fonctionnement du cerveau, l’amenant à se spécialiser en psychologie biologique ou neuropsychologie. Dans le cadre d’un stage, Tine D’aes est amenée à côtoyer dans un hôpital anversois des patients souffrant de lésions cérébrales. “Cette expérience était très intéressante mais, à la pratique, je préférais la théorie.” Sa décision de ne pas devenir psychologue clinique est prise. Et, de ce fait aussi, elle décide de se tourner vers la recherche. L’opportunité lui est alors offerte de commencer un doctorat en neuropsychologie. Faute de financement complémentaire, elle doit arrêter et se réorienter. Et reprend des études : cap sur un master en sciences biomédicales à l’université d’Anvers, avec une spécialisation en neuroscience. “Je voulais mieux comprendre comment se développe et comment vit notre cerveau, au niveau moléculaire et cellulaire.”
Ou comment, de fil en aiguille on devient chercheur
Mais pourquoi cette passion pour la mort des neurones suite à un AVC ? “Parce que c’est un problème de santé très fréquent, qui peut laisser de graves séquelles. Et cela me permet de travailler de manière concrète sur le cerveau, qui me passionne. L’AVC est un événement très complexe. Beaucoup de facteurs entrent en jeu. Ce n’est pas une protéine en particulier qui en est l’unique cause. Il y a aussi l’inflammation. Puis, il y a des cellules qui meurent tout de suite, d’autres après quelques heures, ou plusieurs jours… Pour ma part, j’ai choisi de me concentrer sur le rôle de certaines protéines dans le cycle cellulaire, ce que j’étudie à la fois sur des cultures cellulaires et sur des souris depuis janvier dernier.”
Des rêves mais les pieds bien sur terre
Son vœu le plus cher dans le cadre de ses recherches ? “Pour le moment, nous ne disposons pas vraiment de médicaments pour traiter l’AVC. Nous pouvons seulement rétablir le flux sanguin. Mais seule une minorité de patients peuvent recevoir ce traitement en raison du risque d’hémorragie. Il n’existe donc pas encore de médicaments capables à court terme de protéger les cellules neuronales ou à les réparer à long terme. Pouvoir proposer de tels médicaments serait le but ultime de mes recherches. Mais si je dois être honnête avec moi-même, je ne pense pas que mon projet pourra aboutir jusque-là. L’AVC étant multifactoriel, je ne pense pas qu’un seul médicament pourra tout résoudre. Il faudra probablement un cocktail de substances pour s’attaquer aux différentes causes de l’AVC.”
Tine D’aes en est consciente, il faudra faire preuve de patience et de persévérance, deux qualités indispensables pour un chercheur. Mais la jeune Anversoise est manifestement motivée. “Pour le moment, je ne peux pas m’imaginer qu’il existe un métier plus intéressant que celui-ci, où je peux apprendre chaque jour. Et c’est ce que j’aime le plus : apprendre. Et voir mon évolution, ma progression.”
Question incontournable dans le cadre de ce prix For Women in Science, la lauréate pense-t-elle qu’être une femme dans le domaine scientifique est plutôt un avantage, un inconvénient ou ni l’un ni l’autre ? “Pour moi, ni l’un ni l’autre. Mais je suis consciente que ce n’est pas parce que c’est facile pour moi que ce l’est forcément autant pour toutes les autres femmes dans le monde. Je suis heureuse de vivre en Belgique où je pense que cela reste assez facile. Vu que l’on a le même droit et le même accès à l’éducation que les hommes.”
Quant à concilier vie professionnelle et vie privée, “pour les enfants, c’est trop tôt…,nous confie-t-elle. Mais si un jour je décide d’être mère, je pense que ce sera possible de combiner vie de chercheuse et vie de famille, vu le nombre de femmes autour de moi qui travaillent dans la recherche. Mais dans ce cas, cela changera certainement l’ordre des priorités.”