"Une stratégie qui permet une sortie du confinement en toute sécurité": les tests sérologiques, nouveau Graal dans la crise du coronavirus ?
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Publié le 02-03-2020 à 19h35 - Mis à jour le 15-04-2020 à 16h20
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L’information a tourné en boucle mardi : citant une étude franco-néerlandaise, l’épidémiologiste Marius Gilbert a tweeté "la détection d’anticorps contre le Covid-19 par des tests sérologiques semble fonctionner". Ces tests sont un nouveau Graal dans la crise présente. Le vaccin, on le sait, n’est pas pour demain. Et la Belgique, comme le reste de l’Europe, a raté le coche des tests de dépistage préventif. Résultat : une population confinée.
Yves Coppieters, médecin épidémiologiste, professeur de santé publique (ULB) le précisait lundi à La Libre : les tests diagnostiques de dépistage doivent s’accompagner "du développement des tests sérologiques permettant d’estimer la proportion de personnes qui ont développé une immunité suite à un contact avec le virus."
Détecter les anticorps
Ces tests sérologiques sont destinés à détecter les anticorps contre le Covid-19 et, donc, les personnes ayant contracté la maladie mais guéries et immunisées. "Celles-ci sont alors protégées contre une nouvelle infection. Elles participent à l’immunité collective et rendent plus difficile pour le virus son maintien dans la population" nous précise le spécialiste de l’immunité Michel Goldman (ULB), fondateur de l’I3h Institute.
Selon l’étude franco-néerlandaise citée par Marius Gilbert, les tests sérologiques "semblent fonctionner".
Tout est dans la nuance, avertit Michel Goldman : "Il faut être prudent lorsqu’on dit ‘fonctionner’. Ces tests doivent être validés et certifiés comme tout test qui est utilisé en pratique clinique." Il y a une série d’études nécessaires qui doivent être revues par des autorités réglementaires - notamment s’assurer que le test est reproductible : "Même résultat du même test dans des labos différents, et d’un jour à l’autre…"
Cette certification, précise M. Goldman, est donnée en général par la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis. "La validation et la certification sont indispensables avant la mise en pratique chez nous."
Deux tests pour sortir du confinement
Aussi, à eux seuls, les tests sérologiques ne seront pas suffisants pour lever le confinement. En effet, on ne peut totalement exclure que certains individus même immunisés restent porteurs "asymptomatiques" pendant quelque temps en dépit d’un test sérologique positif. "C’est pourquoi il faudra faire preuve de prudence et utiliser ces tests sérologiques en association avec les tests de dépistage du Covid-19, qui permettent de confirmer que le sujet immunisé n’est plus porteur du virus."
Seuls les individus affichant un résultat négatif (pas contaminé) au premier et un positif (immunisé) au second seraient autorisés à reprendre leurs activités - notamment le travail.
Une fois les tests certifiés, encore faut-il pouvoir les produire en quantité suffisante, les distribuer et organiser leur utilisation. "Certains de ces tests pourraient être (j’insiste sur le conditionnel) réalisés par une simple piqûre au doigt" - comme pour la mesure de glycémie pour les diabétiques. "Deux firmes aux États-Unis proposent cela, mais ne sont pas encore certifiées."
Le problème, note Michel Goldman, est que "certaines firmes commencent déjà à les acheminer. Notre gouvernement a pris la bonne décision de les interdire." Pourquoi ? "Parce que si les gens se testent eux-mêmes, s’identifient immunisés, ils pourraient mettre fin d’eux-mêmes à leur confinement." Mais on s’expose à des risques, si le test est faussement positif. Il pourrait aussi y avoir des cas de personnes restant porteuses du virus.
Même priorité
Il faut la capacité à une mise en œuvre à une grande échelle : "faire des prises de sang à des millions de personnes, acheminer les échantillons en laboratoires, les traiter, etc." Avec ses confrères, M. Goldman plaide donc avant tout pour une anticipation de "la sortie de crise" - il l’a fait auprès du ministre Philippe De Backer, responsable de la "task force" en ch arg e des matériaux de lutte contre le coronavirus. "Il faut accorder dès maintenant la même priorité aux besoins en tests sérologiques qu’aux tests diagnostiques." Ce plaidoyer accompagne un article publié par deux professeurs d’économie, Mathias Dewatripont et Jean-Philippe Platteau, et deux immunologistes, Michel Goldman et Eric Muraille, qui insistent sur la nécessité d’identifier rapidement les travailleurs immunisés pour relancer l’économie.
Pour une action efficace, le scientifique plaide aussi pour que "les autorités européennes se mettent autour de la table avec les industriels et les scientifiques. C’est une question qui dépasse la Belgique et concerne toute l’Europe." Il y a une relative urgence pour tester un grand nombre de personnes une fois qu’on aura franchi le pic. "C’est une stratégie qui permet une sortie du confinement dans les conditions de sécurité les plus grandes." Cela passera, estime Michel Goldman, par des investissements et en organisant la production et la mise en pratique de ces tests à large échelle. "Il faut se préparer dès aujourd’hui pour remettre au travail le plus vite possible les personnes immunisées et non porteuses. Il s’agit aussi de relancer l’économie du pays le plus rapidement possible."