Absence de symptôme, forme plus ou moins sévère, complications... L’infection au Covid-19 peut évoluer de façon très variable
Tout le monde ne réagit pas de la même façon face au nouveau coronavirus. Explications avec le Dr Yves Van Laethem, du service des maladies infectieuses au CHU Saint-Pierre.
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Publié le 20-03-2020 à 20h38 - Mis à jour le 01-04-2020 à 12h05
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Tout le monde ne réagit pas de la même façon face au nouveau coronavirus. Explications avec le Dr Yves Van Laethem, du service des maladies infectieuses au CHU Saint-Pierre.
1) Que sait-on des personnes asymptomatiques ?
Des personnes totalement asymptomatiques, qui n’ont même pas le nez qui coule, il y en a, c’est certain. Les estimations du pourcentage varient de 5 à 10 %, selon certains, de 15 à 30 %, selon d’autres. Nous n’avons pas encore une idée très claire du profil de ces personnes, puisque, par définition ils sont asymptomatiques. Et en Belgique, comme d’ailleurs partout dans le monde, on n’a testé que les cas symptomatiques.
Qui est concerné ? On pense que ce sont plutôt des jeunes. Mais il n’existe pas d’étude qui permette de préciser quelle est la population de personnes qui sont infectées et ne développent aucun symptôme.
Ces personnes sont-elles immunisées ? On n’en sait absolument rien. Tout comme on ne sait toujours pas à l’heure actuelle si l’on est immunisé différemment, selon que l’on est un peu, beaucoup, passionnément malade… Le degré d’immunité et la durée restent totalement inconnus.
2) Que doivent faire les personnes qui développent des symptômes légers ?
Les principaux symptômes à ce stade sont le nez qui coule, la gorge qui gratte, une petite toux assez irritative mais assez banale, qui n’empêche pas de "fonctionner". On estime qu’environ 80 % des personnes contaminées souffrent de symptômes légers à plus sévères ne nécessitant pas une hospitalisation. Quant à savoir quelle est la proportion de ceux qui toussotent un peu et de ceux qui sont cloués au lit avec des symptômes semblables à une mauvaise grippe, ce sont des données que nous n’avons pas.
Par ailleurs, en France, le Conseil national des ORL a signalé la recrudescence de cas d’anosmies brutales, qui correspond à la disparition de l’odorat, sans obstruction nasale ou d’écoulements. Une perte subite du goût (aguésie) et de l'odorat (anosmie) sont deux symptômes - transitoires et que l'on retrouve dans d'autres infections virales - à prendre également en considération, même s'ils ne semblent jusqu'ici avoir été observés que dans de rares cas, généralement des patients jeunes ayant des formes peu sévères. En leur présence, il faut appeler sont médecin traitant et éviter toute automédication.
Ces personnes sont, en grande majorité, des gens en bonne santé et plus jeunes.
Que faire lorsque l’on présente ces symptômes des voies respiratoires supérieures et aussi un peu des voies respiratoires inférieures, et qu’il n’y a ni myalgie (douleurs musculaires) ni forte fièvre ? Il faut appeler son médecin traitant et rester à la maison avec toutes les mesures d’hygiène qui s’imposent, pour essayer de ne pas contaminer les autres membres de la famille. Si, au bout d’un jour ou deux, on se sent mieux parce que les symptômes ont disparu, surtout ne pas sortir en pensant que l’on est immunisé et que l’on n’est pas contagieux. Deux choses qui ne sont absolument pas sûres.
À domicile, porter un masque en tissu pour protéger l’entourage des grosses gouttelettes n’est pas inutile, à condition de le laver tous les jours à 60°. Pour nettoyer la maison, une solution d’eau de javel à 1 % est suffisante pour faire exploser le virus.
3) Quels traitements prendre quand on a des symptômes peu sévères ?
À ce stade, les traitements sont purement symptomatiques. On conseillera le paracétamol.
Par rapport à la polémique concernant le danger des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), pour l’instant, il n’existe pas de conclusion formelle. Tout le monde ne s’accorde pas à ce sujet. Et donc, cela signifie que, si l’on peut choisir, on ne prend pas d’AINS mais plutôt du paracétamol (maximum 3 g par jour). Ce sera aussi efficace et l’on n’a aucun doute sur le fait qu’il n’y a pas d’effet d’interaction par rapport à l’activité du virus.
Et rien d’autre ? Non, tous les autres traitements, c’est de la blague. Bien boire, oui, mais pour s’hydrater car c’est nécessaire en cas de fièvre.
Et les vitamines, la C par exemple ? Cela n’a aucun effet démontré ; si l’on a une alimentation saine et équilibrée, non carencée, ce n’est en général pas nécessaire dans notre pays, à part la vitamine D qui manque parfois. Cela dit, si, psychologiquement, on pense que cela fait du bien, pourquoi pas. Cela ne fait pas non plus de tort.
4) À partir de quand peut-on parler de symptômes plus sévères ?
On parle de symptômes plus sévères dès qu’il y a de la fièvre, disons au-delà de 38,5°, des frissons, des myalgies plus importantes, une toux plus forte et parfois de la diarrhée… tout cela, ce sont des symptômes plus importants qui ne mènent pas nécessairement à l’hôpital.
Par contre, les symptômes qui doivent prêter attention à un risque d’évolution dangereuse, c’est un problème pour respirer. Si on s’essouffle après un effort modéré, comme monter quelques marches ou faire quelques pas, cela peut faire penser qu’au niveau pulmonaire l’infection fait des dégâts et que le transfert de l’oxygène se fait moins bien que normalement. Si on est à court d’haleine quand on fait un effort et a fortiori quand on n’en fait pas, il faut certainement contacter son médecin, qui évaluera si oui ou non il faut faire un check au niveau de l’hôpital pour vérifier la saturation en oxygène et vérifier l’état général. Il ne faut pas en arriver à la situation où l’on pompe alors qu’on est assis dans son fauteuil à ne rien faire et où, tout à coup, on respire non plus 18 fois par minute mais nettement plus fréquemment.
Même si personne n’est à l’abri de telles complications, les personnes les plus concernées à ce stade sont les personnes âgées, immunodéprimées, les malades chroniques (hypertendus, diabétiques…), les fumeurs…
5) En combien de temps l’état général peut-il se dégrader ?
Certaines personnes peuvent voir leur état se dégrader très rapidement, en 24 heures. Chez certains patients, on constate des légers symptômes, puis une amélioration et, une petite semaine plus tard, une aggravation brutale de la pathologie avec de grosses difficultés au niveau pulmonaire.
6) Comment sont soignés les patients hospitalisés ?
Des personnes infectées, environ 20 % seront hospitalisées, dont environ 5 % en soins intensifs. Lorsqu’ils sont intubés, ce qui est le cas pour plus des trois quarts d’entre eux, ils sont tous sous respirateur. L’hospitalisation est relativement longue, trois semaines en moyenne, parce que les poumons qui ont été abîmés ne se réparent pas vite. Quant au taux de mortalité pour ces patients en soins intensifs, il est d’environ 50 %.
Au niveau des traitements, un protocole a été mis au point en Belgique par un comité d’experts. Il est basé sur deux molécules. La première est la chloroquine (hydroxychloroquine ou un autre dérivé), qui est en principe administrée à tous les patients hospitalisés (sauf contre-indications). Certaines études préliminaires montrent que cela peut accélérer l’élimination du virus et peut-être contribuer à l’amélioration clinique. L’autre médicament est le remdesivir, qui fonctionne très bien contre le coronavirus dans les tests in vitro. Pour l’instant, on attend les résultats - en principe en avril - des études menées en Chine où il a été largement testé. Le médicament est prometteur, même s’il y a des contre-indications, notamment au niveau de la fonction rénale, mais il ne sera pas largement disponible.