Faut-il tester massivement ? "La Belgique a adopté une stratégie cohérente, courageuse et qui sera efficace sur la durée"
Tester massivement ou imposer le confinement : telle est la question. Les experts sont partagés. "Testez! Testez! Testez!": le message lancé par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), la semaine dernière, pour mieux évaluer l'évolution de la pandémie, était on ne peut plus clair. Dans les faits, tous les pays n'ont clairement pas suivi la recommandation. Faute de moyens? Ou choix stratégique assumé? Les avis sur le sujet divisent. La Libre a interrogé plusieurs experts qui ont des avis parfois divergents. Nous vous proposons une courte série présentant les avis de divers experts. Voici le point de vue du Pr Yves Coppieters, médecin épidémiologiste, Professeur de santé publique, Ecole de santé publique de l'Université Libre de Bruxelles (ULB)
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Publié le 23-03-2020 à 13h51 - Mis à jour le 23-03-2020 à 18h49
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Tester massivement ou imposer le confinement? Telle est la question. Les experts sont partagés.
"Testez! Testez! Testez!": le message lancé par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), la semaine dernière, pour mieux évaluer l'évolution de la pandémie, était on ne peut plus clair. Dans les faits, tous les pays n'ont clairement pas suivi la recommandation. Faute de moyens? Ou choix stratégique assumé? Les avis sur le sujet divergent.
La Libre a interrogé plusieurs experts auxquels ont été posées les mêmes questions. Nous vous proposons une série traitant de la stratégie de dépistage.
Voici le point de vue d'Yves Coppieters, médecin épidémiologiste, Professeur de santé publique, Ecole de santé publique de l'Université Libre de Bruxelles (ULB).
Que pensez-vous de l'OMS qui appelle à effectuer un test pour chaque patient suspect?
C'est une stratégie qu'aucun système de santé européen ne sait intégrer. Cela demande des ressources matérielles, logistiques et humaines qui n'ont pas été anticipées dans nos contextes de rationalisation des soins de santé. Mais c'est une stratégie qui commence à être prise en compte par nos autorités avec la volonté d'augmenter le plus possible la capacité des tests de dépistage et de diagnostic du COVID-19 et garantir la capacité pour les autres tests.
Certains affirment que les tests pratiqués massivement et la mise en quarantaine des cas suspects est une stratégie bien plus efficace que le confinement. Qu'en pensez-vous?
C'est une stratégie qui pourra permettre de lever progressivement le confinement. Avec nos trop faibles ressources actuelles, cela ne permet pas de remettre en cause la volonté de freiner le rythme des transmissions par un confinement strict. L'efficacité se mesure par l'évolution de la courbe des cas dépistés, des hospitalisés (dont ceux en soins intensifs) et des décès. C'est la combinaison des stratégies qui apportera le plus d'efficacité et donc limitera les situations les plus graves.
Quels sont, selon vous, les pays qui ont adopté la bonne stratégie au bon moment? Et ceux qui ont échoué à ce niveau? Et pourquoi?
Les pays qui ont adopté des stratégies plus efficaces sont ceux qui ont appris de l'expérience des épidémies de Sras/Mers et qui ont adapté leur système de surveillance des maladies, de dépistage et de prise en charge depuis cette époque. Ce sont les pays qui ont donc une plus forte capacité de dépistage mais qui ont aussi développé un cadre social qui favorise assez automatiquement les bonnes pratiques de distanciation sociale et de confinement partiel (dont la fermeture des lieux publics et l'interdiction de rassemblements) en cas de crise.
Il y a aussi en Europe l'exemple de l'Allemagne qui a effectué un grand nombre de tests de manière précoce (jusque 100 000 tests par semaine) par rapport au degré d’avancement de l’épidémie. Avec ce dépistage important, le nombre de malades augmente tous les jours de façon exponentielle mais le nombre de décès est lui étonnamment bas. Cette détection en grand nombre incite sans doute les porteurs du virus à s’isoler pour éviter de contaminer leurs contacts. Cependant les dernières statistiques montrent une courbe épidémique qui évolue très fort et il faut donc craindre que la situation se dégrade dans les jours à venir.
Comment qualifieriez-vous la stratégie aujourd'hui adoptée par la Belgique?
La Belgique a adopté une stratégie cohérente, courageuse, amenée avec une certaine bienveillance, et qui sera efficace sur la durée. Cette stratégie s'adapte en continu en regard de la progression de l'épidémie en mobilisant des ressources complémentaires en termes de dépistage (dans les prochains jours), de prise en charge hospitalière et peut-être de confinement.
Quelle serait, selon vous, la stratégie idéale à adopter dans notre pays à ce stade de l'épidémie? Et en avons-nous les moyens?
Les besoins en dépistage seront énormes. Actuellement, il y a 2 500 tests par jour réalisés et cela devrait monter dans les prochains jours (si le plan proposé par la Task Force COVID-19 est mis en œuvre) à 10 000 tests et dans l'idéal 30 000 tests par jour. Si on atteint ce chiffre et que les laboratoires ont la capacité de gérer cette masse d'informations, alors oui, on aura une base solide pour mieux gérer l'épidémie et proposer à la population des stratégies alternatives au confinement exclusif. Mais cela s'accompagne aussi du développement des tests sérologiques permettant d'estimer la proportion de personnes qui ont développé une immunité suite à un contact avec le virus.