"On risque de voir débarquer bientôt aux urgences des personnes qui ont laissé leur état de santé se dégrader, de peur de se rendre à l’hôpital"
En trois semaines, le nombre de personnes admises aux urgences, en dehors de celles atteintes par le Covid-19, a diminué drastiquement. Explications.
Publié le 24-03-2020 à 16h32 - Mis à jour le 27-03-2020 à 08h19
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En trois semaines, le nombre de personnes admises aux urgences (hors Covid-19) a diminué drastiquement. Explications.
Vous vous êtes sûrement déjà posé cette question dernièrement : si je me blesse ou que je fais un malaise, dois-je me rendre aux urgences ? En effet, cela fait déjà plusieurs jours que les différents hôpitaux du pays demandent aux citoyens de ne pas encombrer le service des urgences inutilement. “Ce plan de communication semble porter ses fruits”, explique Françoise Brohée, responsable communication de l’hôpital Ambroise Paré, à Mons. “Les gens sont sensibilisés au fait de ne plus se rendre aux urgences pour un oui ou pour un non. Avant la pandémie de coronavirus, nous comptions en moyenne 140 admissions aux urgences chaque jour. Désormais, nous n’accueillons plus qu’une quarantaine de personnes toutes les 24h. Les patients contactent sans doute prioritairement leur médecin traitant plutôt que de venir aux urgences directement, comme ils le faisaient auparavant”.
70% d'admissions en moins
Au CHU de Liège, la situation semble similaire. L’activité habituelle de son service d’urgences, hors traitement des patients atteints du coronavirus, a diminué de 70% en trois semaines. “Sur nos deux sites, Sart Tilman et Liège-centre, nous sommes passés de 260 admissions quotidiennes il y a trois semaines à 80 aujourd’hui”, détaille Lucien Bodson, médecin urgentiste et coordinateur du plan d’urgence hospitalier du CHU de Liège. “Nous connaissons ce que l’on appelle un effet ‘week-end’ : les personnes, tout comme durant le week-end, sont confinées, se plaignent moins. Elles veillent à la bonne sécurité de leurs voisins, de leur famille. Par contre, il est vrai que nous connaissons une augmentation du nombre de membres du personnel hospitalier qui viennent pour se faire dépister du Covid-19, par sécurité. Par contre, je ne pense pas qu’on puisse mettre cette diminution de la fréquentation des urgences classiques sur le dos d’une éventuelle peur des patients de se rendre à l’hôpital en ce moment. Du moins, ce n’est pas l’écho que j’en ai.”
Des risques de complications graves pour ceux qui ne se présentent pas
Ce n’est pas l’avis de Jean-Pierre Pelgrim. Le chef des urgences de la clinique Saint-Pierre à Ottignies reçoit actuellement, au sein de son service, des patients ayant traîné à se rendre à l’hôpital, par peur d’y être contaminés. “Dans ce contexte de pandémie du Covid-19, les personnes ont peur de se rendre à la clinique. Si elles souffrent par exemple d’une entorse, elles vont préférer rester immobilisées en confinement jusqu’à ce que leurs symptômes s’amendent et disparaissent. Par contre, et c’est bien plus dangereux, depuis que les médecins généralistes ne proposent plus de visites à domicile, certains patients restent chez eux et souffrent réellement. “On risque de voir débarquer bientôt aux urgences des personnes qui ont laissé leur état de santé se dégrader, de peur de se rendre à l’hôpital. Et on découvrira chez elles des complications parce qu’elles n’ont pas été prises en charge tout de suite.” Les exemples de cas ne manquent pas. “Ce lundi, nous avons reçu une personne atteinte d’une appendicite. Elle était restée chez elle jusqu’à ce que la douleur devienne insupportable. Résultats : il y a des complications et un abcès. Nous avons également rencontré l’exemple d’un patient resté chez lui après un infarctus. Il est arrivé aux urgences avec des difficultés respiratoires. On a constaté sur place que cela n’avait rien à voir avec le Covid-19, mais qu’il s’agissait de complications liées à l’infarctus.”
Le cas des malades chroniques, beaucoup moins présents aux urgences qu’à leur habitude, inquiète particulièrement le chef de service. “Ce n’est pas possible, leur maladie n’a pas disparu du jour au lendemain sans raison. Je crains donc vraiment que ces personnes reviennent vers nous trop tard pour se faire soigner. Je pense notamment aux personnes âgées, plus malades, et qui auront moins de chance de s’en sortir correctement parce que leur pathologie s’est dégradée.”