Dans les pas de ceux qui "éliminent" le coronavirus: "Nous n’avons pas peur d’être contaminés, ça fait partie du métier"
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- Publié le 05-04-2020 à 12h04
- Mis à jour le 14-01-2021 à 17h03
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Tables, chaises, claviers, souris... Autant d’objets du quotidien qui, au temps du coronavirus, demandent une attention toute particulière. Des précautions qui semblaient autrefois secondaires sont devenues la norme. Pour s’assurer que le virus ne soit pas présent, des particuliers et des entreprises font appel à des services de désinfection.
La situation est inédite pour la société Pestechnology qui ne compte actuellement que six employés. Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, la demande est presque dix fois supérieure à ce qu’elle était auparavant. “Nous allons devoir avoir recours à des intérimaires”, explique Benjamin Aoust, le gérant. L’entreprise s’occupe de différentes formes de désinfections: scènes de crimes, décès, sinistres et virus.
Si elle est habituée à fonctionner à plein régime au cours de la période des fêtes, suite à de nombreux décès, la société fait face actuellement à une hausse de la demande sans précédent. Mais le travail, lui, n’est pas si différent. "On procède par pulvérisation au niveau des sols, de toutes les surfaces et même parfois des murs, raconte celui qui est dans le métier depuis 10 ans maintenant. On termine enfin avec une désinfection par voie aérienne". Cette dernière étape se fait à l'aide d'une machine qui propulse un gaz désinfectant dans l'air. "Ainsi, toute bactérie ou tout virus est inhibé", décrète-t-il. "Nous le faisons plus par précaution dans le cas du coronavirus, car nous savons qu'en réalité il ne reste que quelques minutes dans l'air".
Bien que la manoeuvre soit semblable à celle utilisée pour une scène de crime ou de décès, les particularités propres au covid-19 font que ceux qui sont chargés de la désinfection doivent adopter des dispositions spéciales. "Il faut prendre plus de précautions", confirme M. Aoust. "Nous revêtons un équipement de type combinaison, des gants à manches longues, un masque avec une centrale filtrante électrique et, bien entendu, nous sommes habillés de la tête au pied". Une fois la désinfection terminée, l'entièreté du matériel est soigneusement regroupée dans des sacs qui seront traités à leur tour.

"Nous faisons des contrôles de santé toutes les semaines"
Le risque n'est quoi qu'il en soit jamais nul pour ces travailleurs. "Nous savons que le virus est très contagieux, nous faisons des contrôles de santé toutes les semaines", admet-il. "Mais cela fait partie du métier, nous n'avons pas peur d'être contaminés, nous ne nous posons pas la question."
Ce qui importe avant tout pour l'entreprise de désinfection, c'est d'éradiquer la menace chez ceux qui ont besoin de tels services. "Il s'agit souvent d'employeurs qui nous contactent pour qu'on vienne nettoyer leurs locaux, afin de montrer aux travailleurs qu'ils s'inquiètent de leur santé", estime le gérant et fondateur de Pestechnology. Certains particuliers font également appel à leurs services. Pour beaucoup, ce sont des familles dont un des membres s'est retrouvé à l'hôpital à cause du coronavirus. Ils font alors nettoyer la maison de fond en comble avant son retour.
Au vu de la forte demande, l'entreprise a un agenda bien rempli. La règle est simple: premier client arrivé, premier servi. Mais des exceptions existent. "Si jamais, nous voyons qu'une famille entière risque d'être contaminée par le covid-19, nous la faisons passer avant les autres. Nous faisons passer le sens humain avant le sens économique."

Une désinfection ne suffit pas dans certains cas
Qu'il s'agisse d'une entreprise ou d'un particulier, Benjamin Aoust et son équipe exigent que personne ne soit présent sur les lieux. En effet, au vu des produits utilisés, la prudence est de mise. Il existe ainsi un protocole qui, s'il n'est pas respecté, entraîne l'arrêt pur et simple du nettoyage. Malheureusement, Pestechnology en a déjà fait l'expérience à plusieurs reprises. "Certaines personnes distraites ont mis à mal toute la désinfection d'un bâtiment en revenant chercher l'une ou l'autre affaire oubliée alors que nous étions en plein travail", relate Benjamin Aoust.
Un contretemps particulièrement gênant quand on sait que la durée de l'exercice peut parfois s'étendre sur plusieurs jours. Celle-ci dépend de la surface que les désinfecteurs - généralement une équipe de trois par chantier - doivent couvrir. Pour une maison, la tâche s'étalera sur trois ou quatre heures. Dans un entrepôt d'une taille bien plus importante, le travail peut prendre jusqu'à trois jours.
Une manœuvre qu'il faut reproduire dans certains cas. Alors qu'un passage suffit dans la maison d'un malade, un bâtiment professionnel où gravitent quotidiennement des centaines de personnes demande une fréquence de désinfection régulière. "Nous répétons l'exercice à peu près tous les huit à dix jours", détaille-t-il. "À vrai dire, il suffit qu'un employé qui aurait contracté le virus se rende à son travail pour que les lieux soient à nouveau contaminés et que l'engrenage soit relancé".

Certaines zones sont propices au virus
Désinfecter des bureaux demande une attention toute particulière à certains endroits que les nettoyeurs frottent minutieusement. Claviers, souris, surface de travail, chaises, tables à la cantine... Tous ces éléments sont autant de lieux où se nichent bactéries et virus. Mais, aussi surprenant que cela puisse paraître, c'est surtout des écrans que se méfient Benjamin Aoust et ses employés. "Les gens toussent, éternuent et sont nombreux à ne pas respecter les consignes d'hygiène", rapporte l'entrepreneur.
Il regrette d'ailleurs de constater qu'à l'heure actuelle beaucoup de gens ne mesurent pas encore la dangerosité du virus. "Dans les entreprises que nous avons aidées jusqu'à présent, deux sur cinq ne respectaient pas les règles pour lutter contre l'épidémie, déplore le fondateur de Pestechnology. La distanciation sociale, par exemple, n'est pas souvent appliquée. Nous essayons pour notre part de les sensibiliser à des petites choses pour que notre travail ne soit pas vain". Il prône ainsi auprès de tous les employeurs qu'il côtoie de mettre à disposition des travailleurs des sprays pour nettoyer quotidiennement leur surface de travail ainsi que leurs outils.