Pourquoi rouvrir les piscines et non d'autres activités sportives? Et quels sont les risques éventuels d'y être infecté par le Covid-19?
Au vu du caractère particulièrement strict des dernières mesures prises dans notre pays par le Comité de concertation, l’annonce de la réouverture des piscines - à l’exclusion des parties récréatives, des piscines subtropicales et des espaces wellness -, si elle a pu en réjouir certains, a dû en étonner voire en inquiéter plus d’un.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/1ceeccb3-2097-46f3-8d46-df0c56746447.png)
Publié le 07-10-2020 à 22h24 - Mis à jour le 01-12-2020 à 08h49
:focal(1275x858:1285x848)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/A2LVJ6WCGBEIXCJJY5IE4PLE5I.jpg)
A la veille du jour J où les bassins vont rouvrir, nous avons questionné sur le sujet un toxicologue, un virologue, un professeur de physiologie de l’exercice ainsi qu'un gestionnaire de piscine.
“Il est vrai que la réouverture des piscines m’a un peu surpris dans la mesure où d’autres activités sportives même en extérieur sont toujours suspendues, mais personnellement, je m’en réjouis”, nous a d’emblée dit le Dr Jean Ruelle, virologue et chercheur qualifié à l’Institut de recherche expérimentale et clinique de l’UCLouvain.
Par rapport à la survie du virus dans une eau de piscine chlorée, “les désinfectants (chlore ou autres) utilisés sont efficaces, nous a assuré ce spécialiste, et la dilution des particules virales est telle dans le milieu aquatique que la concentration n’est pas suffisante pour provoquer une infection dans l’eau. Par contre, une infection en dehors de l’eau par voie respiratoire au bord du bassin ou dans les vestiaires/douches est possible. Pour l’éviter, les responsables de piscines doivent mettre en place des protocoles stricts de nombre de personnes admises avec un flux des personnes régulé, et des désinfections supplémentaires entre chaque série de visiteurs”.
Pourquoi les piscines et pas d'autres activités sportives?
C’est également à ce niveau que se situe la crainte de Marc Francaux, professeur de physiologie de l’exercice à l’UCLouvain. “Sachant que, dans l’eau chlorée, le virus est inactivé en principe endéans quelques dizaines de secondes, ce n’est pas dans le bassin que se situe un éventuel risque, d’autant plus que l’espace de distribution est extrêmement grand, nous dit-il. Même si des nageurs étaient infectés, la charge virale en piscine étant répartie dans un espace aussi vaste, il faudrait vraiment ne pas avoir de chance pour être contaminé. Le problème n’est pas quand on nage mais quand on se trouve à l’arrêt en petite profondeur, de même que dans les vestiaires et dans les douches où il y a beaucoup de vapeur et où la production d’aérosols est monstrueuse.”
Tenant compte de ces éléments, “l’annonce de la réouverture des piscines m’étonne dans la mesure où, à ma connaissance, cela n’a pas été vraiment préparé, nous a dit Marc Francaux. Par ailleurs, on peut légitimement se demander pourquoi rouvrir les piscines et pas d’autres activités sportives ? S’il y a certainement des disciplines où les risques sont plus grands, comme les sports de combat, il y en a d’autres, en revanche, qui permettent de respecter certaines distances, comme le tennis, le badminton… et, le cas échéant, de porter un masque, d’autant qu’elles sont pratiquées en intérieur. Mais peut-être y a-t-il une bonne raison, que j’ignore, à cette décision de rouvrir les piscines…”
Eviter à tout prix les piscines non chlorées
Pour le Pr Alfred Bernard, toxicologue à l’UCLouvain et directeur de recherche FNRS, le gros problème se situe avant tout au niveau du port du masque (en l’occurrence son absence en piscine), la proximité des sportifs et l’hyperventilation générée par les activités aquatiques (natation, aqua bike, aqua gym…). “Le nageur a une hyperventilation importante, il exhale une grande quantité d’aérosols avec possibilité de contaminer les personnes proches de lui. Et donc, la proximité entre nageurs est évidemment une notion importante. Des études ont en outre démontré que les aérosols à la surface de l’eau pénètrent d’autant plus profondément dans le poumon que le nageur adopte souvent une respiration par voie orale”.
Un autre point auquel il s’agit d’être attentif, selon le toxicologue, est la méthode de désinfection de ces infrastructures. “Va-t-on correctement désinfecter toutes les cabines, douches, vestiaires ?, interroge-t-il. Quant à l’eau de piscine, pour éviter le moindre risque, il faut nécessairement y incorporer un puissant biocide, comme le chlore qui attaque tout de suite la membrane du virus. Il est évident qu’il faut à tout prix éviter des piscines non chlorées, cuivre/argent par exemple. Cela étant, augmenter la concentration de chlore n’est évidemment pas une solution. Ce serait même une erreur dans la mesure où cela entraînerait d’autres effets négatifs, comme un risque accru d’asthme ou d’allergies. Dans une piscine, il faut toujours faire la balance entre le risque infectieux et le risque toxique. En ce qui concerne la durée de survie du SARS-Cov-2 dans ce type de milieu, d’après une étude britannique, il est inactivé après 15 à 30 secondes si la concentration en chlore est bonne (1,5 mg/l) et si le pH (entre 7,0 et 7,4) est approprié.’”.
Par rapport à la décision de rouvrir les piscines, le Pr Bernard estime, pour sa part, que “nager n’est pas une activité vitale ou essentielle dans le contexte actuel. Vu la gravité de la situation, je suis pour l’application du principe de précaution. Pour moi, la réouverture des piscines ne se justifie que pour des motifs purement économiques”.
Un membre du secteur à la fois surpris, déçu ...et heureux
Quant aux principaux intéressés, “nous pensions que le Comité allait autoriser la réouverture des clubs de fitness. Ou en tous les cas, nous offrir une perspective de réouverture, nous dit Maïté Mignot, responsable des relations presse pour le groupe Aspria Belgium, centre de bien-être et club de sport. Nous sommes donc extrêmement déçus et consternés de constater que le Comité n’a absolument pas évoqué ne fût-ce qu’une fois le domaine des sports, alors que de nombreuses études ont démontré l’importance de maintenir une activité physique car primordiale tant physiquement que mentalement. Alors, pourquoi la piscine et pas le reste ? Personne ne comprend cela. Ceci étant, même s’il ne s’agit que d’une réouverture partielle, oui, nous sommes heureux. Mais ce sont surtout nos membres qui le sont bien plus encore”.
Pour eux, “aucune raison d’être inquiets à partir du principe où nos protocoles sanitaires sont en place depuis la première réouverture et de manière générale très bien respectés par nos membres et nos équipes, nous assure la porte-parole, pour qui les principales difficultés se situent au niveau de la communication et de l’opérationnel. “La communication : vu que le Comité annonce ses directives un vendredi soir pour une reprise le mardi matin, c’est très tendu comme timing. Ce week-end, nous avons dû avertir tous les membres (via Facebook, e-mails, etc.) des modalités de réouverture de la piscine (horaire, réservation obligatoire via l’app, etc..) Il faut également disposer la signalétique dans le club (par exempe barrer les zones interdites du club) et mettre à jour tous nos supports de communication digitale”.
Quant à l’opérationnel, “il faut relancer la machine et commencer par un nettoyage en profondeur des clubs vu qu’ils sont fermés depuis un mois. Le personnel était en chômage, il a fallu les contacter ce week-end pour assurer le bon fonctionnement des infrastructures, que ce soit au niveau de la réception, du nettoyage, des maîtres-nageurs,… Même chose pour les fournisseurs. Nous avons dû également gérer dans l’urgence la remise à température de l’eau, le calibrage des installations techniques (chlore, acidité, etc)”.
Le nouveau protocole tant attendu vient d'arriver
Tout cela alors que le protocole complet de réouverture pour les piscines n’a été communiqué que ce lundi après-midi, faisant que la reprise des cours collectifs, par exemple, n’était toujours pas à l’ordre du jour au moment où nous avons contacté cette responsable communication d’Aspria, qui nous énumère quelques-unes des dispositions prises pour assurer la sécurité des membres, sur base des protocoles datant de la réouverture du 9 juin : “prise de la température des membres à l’entrée du club, port du masque obligatoire pour tous les déplacements dans le club, respect de la distanciation, désinfection des mains, accès via réservation uniquement via une application, ce qui nous permet de garantir et de respecter un nombre limité de personnes présentes en même temps. Pour les piscines par exemple, nous avons entre 6 et 24 personnes présentes par créneau horaire de 30 minutes. Ceci est fonction de la taille de la piscine. Les mesures sont identiques au niveau des vestiaires, alors que le sauna, le hammam et l’espace jacuzzi restent fermés”.