Dans la lutte contre le coronavirus, la ventilation est trop négligée : "Nous sommes vraiment à un tournant"
L’arrivée de l’hiver nous impose de vivre davantage à l’intérieur. L’occasion pour le Covid-19 de se propager si les locaux ne sont pas convenablement ventilés. Une mesure trop négligée.
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Publié le 09-10-2020 à 06h44 - Mis à jour le 09-10-2020 à 15h57
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Après le "Testez, testez, testez" lancé en mars dernier par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le mot d’ordre aujourd’hui pourrait être "Ventilez, ventilez, ventilez".
Alors qu’il ne fait à présent plus aucun doute que la transmission par voie aéroportée constitue l’un des modes de contamination majeurs du Covid-19, cette recommandation prend tout son sens et plus encore à l’approche de l’hiver. Vivre en grande partie à l’extérieur ou, fenêtres ouvertes, à l’intérieur comme on a pu le faire tout au long du printemps et de l’été derniers, quand sévissait le Covid-19, deviendra nettement plus compliqué, sinon impossible, dans les mois à venir.
Les scientifiques n’ont pas attendu l’automne pour se pencher sur le sujet. Basés sur des modèles mathématiques, des outils d’évaluation des risques ont été élaborés par des chercheurs du monde entier afin d’anticiper au maximum certaines situations comme la rentrée des classes ou la reprise du travail dans des locaux clos.
Ces scientifiques ont tenté de déterminer à quelle vitesse les molécules virales du Sars-Cov-2 expirées par un individu infecté se propagent dans un espace clos et contaminent les autres personnes en présence. Cela, en tenant compte de la configuration de l’espace, du niveau d’aération de la pièce, du nombre de personnes présentes et de la durée. Mais aussi en fonction de la dose infectieuse minimale, soit du nombre de virus conduisant à l’infection, facteur qui demeure inconnu.
En pleine résurgence de cas de Covid-19 un peu partout en Europe, le sujet de la ventilation devrait en effet figurer au premier plan des préoccupations. Cela, d’autant que la voie de contamination par microgouttelettes, ou par voie aéroportée, longtemps controversée, est à présent avérée.
Certains gouvernements, comme l’Allemagne, l’ont bien compris et, anticipant la situation à venir, ils ont d’ores et déjà émis des recommandations précises en la matière. À la mi-août déjà, la chancelière Angela Merkel, pointant du doigt le rôle majeur joué par les aérosols dans la transmission du Covid, avait signalé vouloir mettre la problématique de la ventilation au centre de ses préoccupations.
En France aussi, le port du masque en entreprise et dans les lieux publics est obligatoire depuis le 1er septembre dernier.
En a-t-on bien pris conscience en Belgique ? Pas sûr.
Nécessité d’une approche claire
"Une chose qui me frappe et qui nécessite une réflexion approfondie, c’est le peu d’informations que l’on donne par rapport au risque de transmission aérogène, en l’occurrence par des microgouttelettes, nous fait remarquer à ce propos Nathan Clumeck, professeur émérite en maladies infectieuses à l’ULB. Et l’on ne parle pas assez chez nous de l’importance d’une bonne ventilation. Le Center of Disease Control and Prevention américain et les Allemands viennent de faire des recommandations nationales très claires par rapport à la ventilation dans les locaux, qu’il s’agisse de restaurants, de salles de spectacle, de classes d’école… Vu la situation actuelle, ne faudrait-il pas prévoir d’installer des appareils de filtration d’air dans certaines circonstances et certains lieux ? C’est en effet une manière de faire de la prévention au même titre que le port du masque ou la distanciation sociale."
Pour ce spécialiste des maladies infectieuses, cela ne fait aucun doute, "une ventilation correcte est essentielle. La transmission peut se faire par des grosses gouttelettes, et là le masque est une protection au même titre que la distanciation sociale, mais la transmission par des microgouttelettes - inférieures à 5 microns et qui restent en suspension dans l’air pendant plusieurs minutes -, que l’on appelle transmission aérogène, peut aller jusqu’à plusieurs mètres. C’est elle qui fait les supercontaminateurs. Que ce soit par le chant, la toux, les cris, les éternuements… Or, une des manières de lutter contre cette transmission par microgouttelettes est précisément la ventilation".
L’arrivée d’un nouveau ministre de la Santé et la nomination d’un commissaire Corona pourraient être l’occasion de remettre le sujet à l’avant-plan. "Je pense que nous sommes vraiment à un tournant maintenant parce que l’augmentation du nombre de cas se confirme un peu partout en Europe, que ce soit en Espagne, en France… et les stratégies pour contrôler cela mériteraient une réflexion globale et une approche qui soit claire", estime le Pr Clumeck.