Intempestif et immature, mais aussi énergique et empathique, Adrien Devyver se livre sur son trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité
"Avoir un TDA/H, c'est être très créatif, avoir plein d'idées à la seconde", souligne Adrien Devyver.
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Publié le 28-10-2020 à 16h53 - Mis à jour le 28-10-2020 à 17h20
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Lui demander à lui, Adrien Devyver, dit "La Tornade", d'écrire un livre sur les personnes atteintes de TDA/H (trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité).
Lui demander ça, à lui, "le type le moins organisé du monde! Le gars qui a du mal à écouter les gens parler. Le mec qui passe sa vie à changer de sujet toutes les quatre secondes. Celui qui ne fait que reporter les choses indéfiniment. Le genre de personnage qui parvient à raconter en une heure et demie une histoire qui a duré sept minutes dans la vraie vie. Celui qui secoue ses jambes en dessous d'un bureau à peine vingt-sept secondes après s'y être installé".
Lui demander, à lui, d'écrire un livre, se concentrer des heures durant, structurer ses idées, respecter les délais, décrire ses angoisses…, il fallait oser! Et c'est lui qui le dit. Adrien Devyver, le présentateur de l'émission "Le Grand cactus" à la RTBF, a pourtant accepté de relever le défi que lui a lancé Ben Choquet, qui fait paraître ce mercredi, aux éditions Kennes, "On m'appelle la Tornade", parcours de vie d'un créatif encombrant (19,90 €).
S'il a accepté de relever ce défi, c'est qu'il savait que cela lui procurerait "sa came favorite: l'adrénaline". Celle qui "le fait planer, lui donne des sensations, celle qui lui permet de se focaliser sur un truc pour atteindre un objectif". C'était aussi, pour lui, comme il l'explique, l'occasion rêvée de partager ses expériences avec tous ces enfants, ces parents, ces éducateurs, ces enseignants et ces familles qui lui envoient des SOS depuis des années. Même si, tout au long des quatre mois d'écriture, "il y eut de longs moments de sueurs froides. Des nuits sans sommeil. De nombreux démons issus du monde du TDA/H ont fait des apparitions furtives dans les méandres de mon cerveau". Des idées et des phrases qui résonnent, comme: "Tu n'y arriveras jamais!"; "Le délai est trop court, appelle ton éditeur et dis-lui que tu abandonnes!"; "Ce que tu es actuellement en train d'écrire ne va intéresser personne, sauf toi (et encore…). Va plutôt faire un peu de jokari."
Ses petites combines
A le lire, la vie d'Adrien est faite d'une succession d'aventures ou de mésaventures, de contretemps, d'incidents, d'oublis, de péripéties plus ou moins rocambolesques. "Il faut toujours qu'il se passe des choses. Sinon je m'ennuie, écrit-il. Partout où je passe, je dois laisser une trace".
Cette fois, ce sera donc un livre. Non pas qui va droit au but, "rapidement à l'essentiel", comme il écrit, mais plutôt un ouvrage qui raconte des histoires avec des millions de détails (sa spécialité), qui vous amène à "découvrir les récits de vie d'un petit bonhomme un peu différent, les fracas de l'adolescence et les déboires de l'immaturité". Mais un ouvrage malgré tout très utile, dans la mesure où Adrien Devyver y file ses "petites combines" pour se sortir du pétrin.

Comme apprendre en s'amusant; sourire; créer pour oublier; envisager un bilan hebdomadaire plutôt que mensuel afin d'élaborer des stratégies d'amélioration du comportement et de la concentration; se défouler avant toute chose, mais aussi respirer pour "permettre au corps de trouver plus facilement un apaisement et une meilleure gestion des agressions internes et externes". Ou encore penser à la règle du 4/1, quatre remarques positives pour une remarque négative, ou le renforcement positif. Ce que devait avoir compris son institutrice à voir les remarques annotées dans le bulletin du petit Adrien: "Quel spirou!"; "Bravo, tu deviens un grand garçon!"; "C'est magnifique Adrien"; "Le banc est une véritable poubelle. Pour le reste, bravo!"; "Tu es parfois sur la lune!"; "Bravo Adrien. Quand tu lis à haute voix, il faut respecter les points"...
Les démons du monde du TDA/H
Mais au fond, quels sont-ils ces fameux démons du monde du TDA/H? "Il y a d'abord le fait de ne pas avoir un contrôle sur tout ce qui arrive comme information, nous dit-il. Dans le cerveau des TDA, il y a une zone qui ne parvient pas à avoir toutes les informations reçues et à les stocker aux bons endroits. Tout arrive en masse et il n'y a pas de tri qui est fait. A l'inverse, quand on doit véhiculer des informations, elles partent sans même avoir l'aval de la tour de contrôle. C'est un gros problème… On a donc tendance à être beaucoup trop impulsif, sans limite. On a souvent un sentiment exacerbé de culpabilité. Des problèmes pour se concentrer. Si j'ai une réunion, je sais que je vais devoir faire du sport avant et après, sinon je ne serai pas productif. Je ne vais pas tenir en place à la réunion. La gestion physique du quotidien nécessite un mise en place très régulière de sport. Puis, il y a cette propension à vouloir interrompre sans arrêt ses interlocuteurs sans être à l'écoute".
Ce qui peut poser problème avec le job de présentateur… "Tout à fait, reconnaît Adrien, mais cela me permet parfois, voire souvent d'explorer des pistes de réflexion et de curiosité que je n'aurais peut-être pas pu explorer si je n'avais pas eu mon TDA/H".
Les bons côtés du TDA/H
Car oui, il y a aussi des bons côtés à ce trouble. "Il y en a plein, s'exclame Adrien Devyver. Le fait que tout aille trop vite tout le temps permet de développer une curiosité extraordinaire de tout ce qui m'entoure. Avoir un TDA/H, c'est être très créatif, avoir plein d'idées à la seconde, être très inventif dans ma vie privée… Il y a aussi, chez un TDA/H, le côté très intuitif qui est fort agréable. Puis, un côté très empathique, dû au fait que l'on se sent concerné par tout ce qui se passe autour de nous."
Et si, en trois qualificatifs, il devait se décrire, le jeune papa dirait qu'il est "intempestif, empathique et énergique". Eternel immature, aussi? "Oui, bien sûr. Je ne suis absolument pas au niveau de mes potes de 40 ans. Je suis complètement immature dans plein de choses. Je réagis très régulièrement de manière immature. Mais ma maturité s'est développée ailleurs, grâce aux mécanismes que j'ai mis en place", nous répond-il.
Sa maman disait quant à elle de son fils que c'était "un enfant remuant, attachant et attaché, au caractère bien trempé. "Reste un peu tranquille!", écrit-il est la phrase qu'il a sans doute entendue le plus souvent dans son enfance, à l'époque où l'on ne parlait pas d'hyperactivité, de trouble de l'attention…

Message aux parents d'enfants TDA/H Alors, que dirait-il aujourd'hui aux parents d'enfants atteints de TDA/H? "Je leur dirais de lire, il y a des livres et des sites, notamment canadiens, très intéressants. En Belgique, l'association TDA/H Belgique (Ndlr: dont il est parrain) a réalisé de très belles brochures destinées aux parents, aux enseignants, aux animateurs de loisirs, aux enfants. Ce sont des outils pratiques fort bien faits. Puis, il y a maintenant… mon livre, qui devrait aider les parents et les enseignants à mieux appréhender ce trouble". Et de fait, c'est aujourd'hui que sort en librairie "On m'appelle tornade".
"Il y a aussi le renforcement positif et le dialogue avec l'enfant, ajoute l'auteur. C'est vraiment quelque chose que j'essaie de prôner au maximum. Plutôt que dire à l'enfant: tu es infernal, va dans ta chambre ou va courir dehors, il faut instaurer avec lui un dialogue et lui expliquer que cette différence est une force. Une fois qu'il aura compris comment mettre cette force en application, il n'en sera qu'un enfant plus formidable".
Vivre un confinement, quand on est TDA/H, est-ce particulièrement difficile? Ou pas.
"Contrairement à ce que j'aurais pu penser, j'ai très bien vécu mon confinement. Premièrement, parce qu'il a fait très beau et que je suis très influencé par la météo. Cela m'a permis de pouvoir aller tout le temps dehors avec mon fils (aujourd'hui âgé de 2 ans) derrière moi sur mon vélo. J'ai parcouru des centaines de kilomètres dans ma région. C'étaient des moments de fusion intense, des moments formidables en famille que je n'aurais pu vivre s'il n'y avait pas eu ce confinement. Il m'a aussi permis d'écrire mon livre. Vu que tout s'est arrêté, les stimuli intenses que j'ai dans mon métier, dans ma vie relationnelle, dans mes activités sportives et dans tout ce que j'entreprends, tous ces stimuli se sont beaucoup calmés. J'ai donc pu vraiment me focaliser sur mon livre. J'ai eu des nuits d'écriture qui ont été des moments de concentration intense que je n'avais jamais connus auparavant. J'ai beaucoup appris sur moi-moi même pendant ce confinement. Et donc, c'était très enrichissant d'un point de vue personnel. Cela m'a permis de me recentrer fort sur moi-même. En ce sens, c'était une très bonne expérience. Pour le reste, toute la catastrophe que cela représente au niveau sanitaire, humain, économique, ça m'a vraiment rongé parce que j'ai une empathie fort exacerbée".
Et pour les jours à venir? "Je redoute fameusement plus ce qui va arriver, nous confie Adrien. Car un TDA fonctionne beaucoup par mission et par objectif à atteindre. Lors du premier confinement, il y avait le livre en toile de fond qui était un peu ma carotte. Ici, ce ne sera plus le cas. J'espère vraiment pouvoir continuer à faire mes activités physiques le plus possible. J'ai foi en l'humanité".
Les conseils que l'on pourrait donner aux TDA/H en cette période? "Faire de la méditation en pleine conscience pour commencer et terminer la journée, cela permet vraiment de gagner quelques heures de répit dans l'agitation cérébrale à laquelle on doit faire face. Continuer les relations sociales via le virtuel, des conversations au téléphone. Ou alors, lire un chouette livre comme 'On m'appelle la Tornade'…"